Coups et blessures ayant entraîné... sans intention...

Christian Lemoine

Elle serre entre ses bras la tête, l'appuie contre son épaule ; elle serre le corps contre elle ; elle serre la vie battante entre ses cuisses ; elle serre contre elle l'instant de l'effraction ; comme les mains serrées sur la barre de justice. Hautes voussures des stucs chargés, haute résonance des voix lointaines, échos dispersés entre des statues de commandeurs figés. La main, le poing. La parole, l'âme échappée. Les pieds assurés sur le parquet sévère, le barreau des sièges garnis d'hermine, sous la paume du serment. Elle jurerait sueur et sang, elle jurerait l'innocuité des peaux décousues. Elle serrerait de nouveau la tête et le corps. Mais la tête est dissipée, le corps étendu inerte. Sa vie sur le plateau, sa vie mise en balance, son âme dispersée ; face à un juge insondable, elle sent épiée sa conviction, comme en les murs d'un tribunal. Elle serre sur elle sa foi ; sa justice ; sa propre sévérité posée paisible sur son assurance. Elle serre les mâchoires, campée de bon droit, regard de plomb ; elle serre sa mémoire sur les témoins passés ; actes votifs plantés comme stèles face au cœur mort de ceux qu'on ne peut oublier. Promesses faites à soi-même quand les promesses ont perdu les récipiendaires ; promesses d'outre-tombe, serrant la gorge qui palpite contre l'obscurité des os. Là où quelque vie encore...

Elle serre entre ses mains sa tête, elle broie bouche grande ouverte les flots d'air, yeux farouches serrés pour dénier le pouvoir inerte. A ses pieds assurés, la pitoyable défroque ; lamentable bois-flotté d'un naufrage étique. Elle serre entre ses bras la tête, furtif baiser d'une peine incompressible et sans sûreté contre le front reculé, jeté des lits sans objet ni boussole. Elle appuie sur son épaule la tête décollée ; elle serre, innocente du bris du cœur cru sous l'abrasion nocive.

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