Crazy line
Thierry Noyelle
La rose n’est la rose que par le mystère de ses épines.
A Noémie, cherchant la blessure qui n’enferme pas le corps dans la blessure du corps.
Je ne dormirai plus. Les rêves sont fétides. Les yeux sont des billes lumineuses que l’on retire de la soustraction du sommeil. Pour ramener le bout de la vision. Je ne veux plus de ces nuits parcourues par un cauchemar constant. Fantôme. Crazy line. Suis-je devenu fou ? Quelque chose d’insensé aboie dans le vivant. Je ne dormirai plus.
Depuis quelque temps, Noémie n’était plus la même et se montrait distante, sans que je puisse expliquer pourquoi. Elle m’invita pourtant, ce jour-là, à voir le film fantastique dont elle me parlait depuis si longtemps. Je le regardai blotti contre elle.
Noémie ! Noémie ! A ne plus pouvoir décoller le miroir de la plaie, on vit sans reflet. Etre à soi même révulsif stupéfié permet d’échanger sa propre coïncidence. Crazy line ! Le corps dans ses représentations profondes refoule la ligne vierge de l’isolateur secret. Il épouse la question du lieu dans la double détente des permutations médullaires. Crazy line !
Le film commença. Dépôt des yeux dans l’ombre du pâle. Chacun soumis à l’entame des cierges. On respire entre deux images. Fine adresse dans la lésion du noir. Transport des corps sur un support contraint par la lumière. Les images se reproduisent avec un bruit de seiche.
Le film commença et advint le monstre. Le monstre et l’animation de ses mains gantées de griffes. (La pupille requise dans l’éclat de la coupure.) Le monstre et sa face d’érable.(Le masque qui nous est le plus proche, c’est l’érosion rapprochée de la chair.) Ce fantôme porte un œil en trop où se reflète l’horrible révélation d’un terme. Celui qui a vu la mort rêvera dans la marge. Soudant l’attente pour qui l’insère dans le gain de l’inouï.
Noémie ! Noémie ! Quels songes ont tissé le fil de tes nuits ? Quelle horreur as-tu voulu me transmettre ? Le fantôme, c’est l’inscription d’un autre dans la lagune de tes secrets. La blessure dit le lieu où notre relation s’affole. Crazy line ! Réunion du visible et de l’invisible dans la réserve du corps.
Tout membre déplacé provient d’un corps partagé. Un corps composé de douleurs mélangées.
Fantôme ! Fantôme ! Principe actif et destructeur. Celui qui revit dans le sacrement d’une image revient-il séparé par l’élection de la scie ? Cette figure impliquée dans la stupeur des images ainsi a-t-elle été l’intermédiaire vers ce monde d’offrandes invisibles. Dépensant la mort qu’on ne lui a pas cédée.
Et dans sa matière même se déplace le calque blanc de la libre incision.
La mémoire est un organe lumineux dont nous broyons le noyau dans un baquet d’eau sale. Un organe toujours déplacé par ce qui veut l’occuper. Le fantôme porte en moi la connaissance d’un monde contraint.
Un retard géologique dans l’antichambre de la mémoire qui conforte un être paradoxal. Crazy line.
Noémie ! Noémie ! Cet œil qui nous contemple et que nous contemplons inscrit la culpabilité entre un supposé savoir qui circule et le secret qu’elle recèle.
Suis-je devenu fou ? Liturgie rétrécie dans un corps captif. Le sang tourne dans le paquet humain. Qui au fond de certains rêves n’a pas connu la valse lente des suicides à rebours ? Survivre c’est vivre sans revivre. Se souvenir c’est devenir le mort que l’on a été. Crazy line. Je ne dormirai plus.
ramener l'image
mince et forte comme méninge
qui se déduit
de la parfaite agonie et du mauvais secret