Cueillir

Frédéric Cogno

Cueillir

Alors que mars s'emmêle,

S'il rissole ou ruisselle

Sous les peines de coeur,

Cueillir

A l'orée d'une Angèle,

A jamais plus pucelle

Que l'aurore en dentelle:

Une fleur!

Cueillir

Par de là les brindilles,

Quand le bois, joyeux drille,

Ouvre en grand ses papilles

Cueillir

Sous la vieille charmille,

Au terreau des quadrilles:

La première morille!

Cueillir

Sur la pointe des tiges,

Cierges en pleurs du vestige,

Tesson de nudité,

Cueillir

Lorsque l'aube s'afflige,

Cloque d'azur oblige

Sur l'iris qui se fige:

La rosée!

Cueillir

Talonnant la colline,

Près des vignes coquines

Où moisit une bêche,

Cueillir

Quand les coteaux ruminent,

Du talus qui badine

A la jeune églantine:

Une pêche!

Cueillir

Enivrée de cerises,

Si le soleil l'attise

Arroseuse en chemise,

Cueillir

Que ce soit par surprise,

Qu'elle ne soit encor prise:

Une petite brise!

Cueillir

Sur un dessin d'ombrage,

Quand il faut à l'image

Deux doigts de gouttes d'eau,

Cueillir

Prisonnier des pliages

Dans cette urne sauvage,

Fort d'un peigne au plumage:

Un mot!

Cueillir

Notre seul point de mire,

Fard d'âme qui soupire

Ses pollens cachemire,

Cueillir

Qu'un coeur fou à fait frire

Quand la femme désire:

Le plus beau des sourires!

Cueillir

Alvéole d'éponge,

Baigneur geignant son punch,

Un fruit mûr sur l'ailée

Cueillir

En l'équeutant mensonge

Aux couvaisons des songes,

Sur des lèvres sans longe:

Un baiser!

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