Cycles

Grégory Parreira

7 heures. Maman a entendu mon réveil. Après une rapide toilette elle a changé ma couche et m’a placé sur ma chaise haute afin que j’engloutisse un de mes petits pots « spécial croissance ». Sitôt rassasié je me suis éjecté de mon perchoir, j’ai enfilé mes tennis à scratch et, empoignant mon cartable, j’ai passé la porte de l’appartement pour prendre le chemin de l’école. Le printemps était de retour sur les platanes de la cour de récré, les passants semblaient plus heureux qu’a l’accoutumé.

La leçon de lecture était super. Elle est gentille la maîtresse, elle m’a donné un A. L’heure suivante fut plus complexe. Je n’ai jamais aimé la philosophie et ce foutu prof n’arrivait pas à  comprendre que toutes ces balivernes de barbus antiques ne me seraient d’aucune utilité pour ma future carrière de vétérinaire. Vivement la pause déjeuner !

Le pédagogue nous a libéré à 10h30. J’ai attrapé mon attaché-case et j’ai rejoint ma voiture de fonction. Il me restait encore deux clients à visiter avant de trouver quelque chose à  avaler sur le pouce. Si je les embrouillais bien j’arriverais certainement à décrocher un bon contrat : il fallait que je montre a ce foutu boss que je n’étais pas un jeune bleu.

Je réglais mon plat du jour à 13h30. Dehors, l’automne commençait à s’imposer, la bise était froide et je fermai la veste de mon costume croisé. Avant de regagner mon bureau, je me passai un peu d’eau sur le visage tentant vainement de dompter les épis rebelles de mes tempes grisonnantes. Les résultats mensuels étaient arrivés, ces foutus commerciaux s’étaient tournés les pouces et il allait falloir sévir. La réunion fut houleuse, les esprits étaient belliqueux et mes lombaires ne me laissaient pas un instant de répit.

Je suis resté travailler tard ce soir-là, la gestion d’une telle société demande un lourd investissement personnel. Autour de 22h30 j’ai rejoint mon véhicule appuyé sur le solide pommeau de ma cane en noyer : foutus médecins, incapables d’apaiser ces douleurs. Elle est belle la science !

En entrant dans l’appartement je jetais un coup d’œil à la photo jaunie de maman. Je ne distinguais plus son visage derrière le voile de ma cataracte. Mon squelette craquait et j’eu toutes les peines du monde à plier mes membres pour les glisser sous la couverture. A minuit et quart j’éteignais la lampe de chevet. Encore une fois c’est seul que j’allais m’endormir. Dehors, la neige commençait à recouvrir les toitures.

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