Dans ton univers de Crayola
une-encre-noire
Hé, p'tit bonhomme dans ton univers de Crayola, toi qui vis de l'imagination d'un gamin de sept ans, toi qui as toujours le sourire parce que tu ne sais pas qu'on peut faire autrement, hé p'tit bonhomme, dis moi; est-ce que le mot douleur s'écrit aussi en lettres arc-en-ciel par chez toi?
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Je m'installe confortablement au volant de ma voiture avant de sélectionner le morceau que j'écoute en boucle depuis quelques temps. Rapidement, les haut-parleurs se mettent à souffler un air, une mélodie nostalgique. Elle débute avec un long soupir, celui d'un violoncelle grave qui se répète quelques fois avant d'être rejoint par des violons. Ces derniers tiennent une note, unique, mais sur différents octaves, ce qui donne le sentiment d'un vide qui se remplit au fur et à mesure que les archets intensifient leur présence sur les cordes. Les violons deviennent ainsi de plus en plus présent, jusqu'à ce que la note unique se métamorphose soudainement. Chacun joue son rôle avec perfection et s'unit sur un accord accompagnant le soupir du violoncelle. Tel le battement d'un cœur, celui-ci bat inlassablement la cadence. Le corps de ce chœur est d'ailleurs rejoint par le tremblement d'abord éteint des tambours. Ces derniers s'amplifient également pour devenir un ensemble sourd et puissant, qui éclate avec force, et libère le reste de l'orchestre se mêlant avec entrain aux cordes des violons qui vibrent alors plus d'émotions qu'à travers les archets. C'est à ce moment précis, quand la musique triste éclate, que je suis toujours parcouru par un frisson. Ce genre de frisson qui remonte jusqu'à la gorge, mais qui ne pourrait pas s'élever davantage sans libérer l'œil d'une larme. Si, jusqu'à présent, la mélodie était bien empreinte de nostalgie, les cuivres sonnants, les cymbales triomphantes et les percussions semblent à présent me crier "ESPOIR!" comme l'on crierait aux armes.
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Je regarde ce dessin. C'est mon filleul qui me l'a offert, aujourd'hui même, durant sa fête d'anniversaire. Sept ans. Il grandit si vite!
Il m'a dit:
-Ça c'est ta maison, ça c'est Tania, et ça c'est toi!
Alors je me suis regardé. Ma tête disproportionnée est collée à mon corps sans coup. Mes deux bras sont positionnés à hauteurs différentes. Ils sont tendus à l'horizontale comme si je voulais faire un câlin maladroit à un monde que je ne vois sûrement pas. Mes jambes bâtons, légèrement trop écartées, se terminent sur deux godasses brunes qui flottent à quelques centimètres du gazon, et je souris.
-Et ça c'est qui?
Encadrée par l'unique fenêtre de ma maison, une petite tête toute ronde porte le même sourire que moi.
-Ça, c'est votre bébé quand il sera né.
J'ai regardé alors mon futur enfant. Et j'ai souri, pour de vrai cette fois!
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Cela fait quelques mesures déjà que la musique me crie d'espérer, mais je le sais, ce cri est sur le point de se briser. Avec autant de force qu'elle s'est délivrée de la nostalgie, à grand coup de passion et d'harmonie, elle est sur le point de se briser. Il y avait tellement de tristesse mais d'espoir à la fois.
Tellement de tristesse mais d'espoir à la fois.
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Je n'ai pas vu la voiture arriver. Mon regard vers le dessin sur le siège passager, j'ai fait le con. La musique à mes oreilles et les souvenirs aux yeux, j'ai fait le con. La lumière de ses phares sur ma gauche, et ma tête contre la portière, j'ai fait le con. J'ai fait le con. Un instant durant, plus rien ne semble bouger. Le temps est suspendu au bord d'un gouffre qui finira par tout avaler.
J'ai fait le con.
J'entrouvre les yeux. Mes bras se balancent au dessus de ma tête, le sang que je recrache s'écrase au plafond et je comprend que la voiture s'est retournée. J'ai de la peine à respirer. Je referme un moment les yeux en réalisant que je vis mes derniers moments. Encore un effort, j'observe autour de moi et mon regard se pose sur le bout de papier. Je vois Tania. Je vois notre bébé qui naîtra et vivra sans jamais me connaître. Et je me vois, qui souris.
Hé, p'tit bonhomme dans ton univers de Crayola, toi qui vis de l'imagination d'un gamin de sept ans, toi qui as toujours le sourire parce que tu ne sais pas qu'on peut faire autrement, hé p'tit bonhomme, dis moi; est-ce que le mot douleur s'écrit aussi en lettres arc-en-ciel par chez toi?
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Ça y est, la musique s'est essoufflée.
La passion et la force des harmonies ont fait place à un silence tendu. Un piano, alors, joue timidement deux notes esseulées, l'une après l'autre, en laissant le temps peser entre chacune d'elles.
L'espoir s'est essoufflé.
Le violoncelle reprend alors ses soupirs graves, mais plus jamais, non, plus jamais je n'entendrai les tremblements du tambour faire taire la nostalgie.
....ca fait du bien
· Il y a plus de 6 ans ·mery
Très beau texte, heureuse de te lire à nouveau ici...
· Il y a presque 7 ans ·cerise-david