Dans un recoin

louzaki

Les feuilles éparpillées autour d'elle frémissent avec le vent. Dehors, la pluie tombe vite et fort. Les arbres claquant dans l'après midi s'entendent de l'intérieur de la maison.
D'où je suis, je ne vois que son buste, ses bras. Le reste m'est pudiquement caché par une fine couette.
Il ne fait pas vraiment beau, il ne fait pas vraiment gris. Sa peau paraît translucide. Je peux voir les traits noirs de ses tatouages comme briller sur sa peau blanche.
Comme si cela lui demandait un effort douloureux, elle se penche et attrape d'une main tremblante le livre.
Sur la couverture, j'ai le temps d'apercevoir un doigt d'enfant suivre une portée de musique. Elle l'ouvre doucement. En caresse les pages. Je lis de mon poste « Chapitre premier ».
Distraitement, je vois ses yeux parcourir la page. Doucement, elle pose le livre sur ses genoux. Comme si les 500 pages de celui-ci étaient trop lourdes pour elle.
Son regard file vers la fenêtre. Ne s'y arrête pas. Comme si elle captait des informations à chaque recoin de la chambre.
Elle retourne au livre. Il est corné à certains endroits. Abimés à d'autres. Je pense « Ce livre est comme elle ». Je ne sais pas quelles pensées traversent le bleu de ses yeux.
Je vois juste une note un peu plus brillante que les autres, dans ce tableau quasi-nocture.
Une larme coule sur sa joue. Une larme solitaire. Surpris, je me détache de cette larme.
Non, son visage n'a pas bougé. Immobile, elle était. Elle l'est toujours.
Une tristesse bien plus grande qu'elle vrombit à l'intérieur, j'en suis sûr.

Elle porte ses mains blanches à sa tasse de thé. L'odeur lui fait fermer les yeux. Elle garde ses mains contre la tasse remplie de thé fumant.
Regarde de nouveau dehors. La pluie fait un bruit assourdissant, je m'en rend compte maintenant.
Je ne me sens plus de trop, dans cette chambre où j'ai pris place, une nuit claire.
Tout y est terne, tout y est immobile. Les veines sortent de sa peau et sa respiration est douce.
Quand le soleil se couche, elle se couche avec lui.
Malgré le noir, je sais qu'elle garde les yeux ouverts la moitié de la nuit. L'autre moitié, elle s'avoue vaincue et vacille vers le sommeil. Elle s'offre aux cauchemars nocturnes, sans rien dire.

Non, je ne me sens plus de trop ici. Comme une ombre ou un fantôme.
Mais j'ai peur. Peur d'avoir trop vu cette fille.
Peur de savoir que cette ombre qui grandit en elle n'est que moi.


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