Darkside of the full

walkman

J'suis comme un ancien habitué des lieux qui revient après son abstinence. J'ai, comme les souris et les hommes de Steinbeck, la tête inclinée vers mes pieds. Honteux de revenir m'empaler en terrain familier. À ma bouche, un gros producteur de fumée opaque et sur moi, seulement du tissu usé. Je suis de retour dans la nuit blanche peinte en noire et j'y suis pour apprendre à aimer me faire du mal. Parce que dans mes mains, v'voyez, y a du vieux courrier que je ne me suis jamais résolu à trier. 

Les mots courent sur le papier comme des arpèges maintes fois répétés. Une lecture fluide, plus que ce qu'une bouteille de whisky promet d'offrir. Les mots qu'a utilisés Levy pour décrire l'amour incandescent qu'il a vu déchiqueté, sont vraiment pointus et la plupart des adjectifs sont sévères. Strictes et mérités. J'ai accompli tout ce qu'il dit. Je lui ai mentie, j'ai fait avorter des rêves et dans les parchemins je la roulais avec des recettes de poisons. Il décrit Lithy comme un amour triste, quasi maladif mais comme un hommage aussi. Je lis que ça ne traînait pas comme une agonie. Il narre des sentiments bouillants et cacophoniques. Mais je n'aime pas que ce soit écrit de cette manière. Je n'aime pas croire que ce roman s'approche plus de la vérité que ma réalité. Mais tout est là et parfaitement documenté. Difficile de croire qu'un type aussi fade et superficiel que lui, sache manier aussi bien sa langue pour parler de mes fautes. 

Je laisse tomber le papier au pied de mes doigts de pieds dénudés. Je laisse tomber ma cigarette qu'ira le brûler jusqu'au plancher. Y replonger ça fait un souffle dans le dos, puis un raz-de-marée. Je ne l'ai pas revue depuis une nouvelle éternité et, plus que le manque, c'est le temps qui ne s'est pas encore écoulé qui me fait cogiter. J'ai vraiment la trouille que l'amour se soit dissipé, alors c'est plus simple de tout nier et de tout forcer à avouer. Quelque part, je sais que les sentiments sont là même s'ils ne sont jamais palpables. Et puis est-ce que ce ne serait pas moi qui les lui aurais prêtés ? Si les sentiments disparaissaient comme une bouteille à la mer qui serait mal bouchée ? Et si je me plantais depuis qu'elle m'a planté.

La braise a consumé le papier autour du mégot mais ça prendra encore un moment avant de tout envoler en fumée. Cette histoire d'amour, c'était quelque chose de costaud. Le genre d'accident qui laisse boiteux avec des cauchemars qu'ont l'air bien réels au point d'en suer même après s'être réveillé. L'amour, quand il commence, on a du mal à croire qu'il finira dans un tel acharnement violent. Voilà l'endroit du monde où les victimes sont coupables des illusions paradisiaques, quand bien même ils persévèreront avec quelqu'un d'autre pour tenter une parodie. 

Mon amour est unique, c'est juste que l'espace que sa muse a laissé s'est fait remplir par des saloperies créées pour aider les jours à s'égrainer. 

Cet amour est en train de me crucifier, au point de devoir m'étaler sur les draps, les pieds maintenant toujours le livre sous son bûcher. Sous mes paupières, les souvenirs passent en boucle sans jamais laisser sa chance au diamant de s'esquinter. Mais les détails se font de plus en plus rares. Le verre rempli encore d'un doigt de fée, et que ma main encercle, se fait transporter au bord du lit. Quand il se défera de l'étreinte, il tombera à son tour et ça voudra dire que mon esprit est en train de me faire croire que cette réalité n'a jamais existé. 

Dans la pénombre, maintenant, je commence à la distinguer. L'autre rive. Celle où son odeur inspirera mes souvenirs. 

Mes doigts lâchent prises et la nuit envahit les rares vides que mes mensonges n'auront pas rempli.

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