De l'autre côté du monde
flono
Synopsis :
Paul est un séduisant architecte américain vivant à Chicago. Agé d'une quarantaine d'années, il est célibataire depuis le décès dans un accident de voiture de sa compagne française, Laure, presque un an auparavant. Cet accident dont certains enquêteurs pensent qu'il pourrait s'agir d'un suicide. Mais pourquoi se serait-elle suicidée ? Au fil du temps, le doute et les questions ont envahi son esprit et sa vie. Et à l'approche de ce premier anniversaire, Paul décide de se rendre en France, à la recherche du passé de Laure, dont elle ne parlait jamais.
En France, Océane, propriétaire d'une petite librairie, est une jeune femme joviale et rêveuse, qui attend son prince charmant mais sans trop y croire. Sa meilleure amie, Déborah, travaille avec elle à mi-temps et n'hésite pas à l'encourager à faire des rencontres. Elle va ainsi lui présenter Laurent, homme séduisant et charmant, alors qu'en même temps Océane va rencontrer Paul et l'aider dans ses recherches en France.
Le voyage de Paul va lui permettre de voir la femme qu'il aimait sous un autre jour, de découvrir une terrible vérité sur sa vie, mais également de faire des rencontres et finalement de se découvrir lui-même et, bien sûr, de trouver l'amour.
Histoire :
Enfin installé sur son siège, Paul prit une profonde inspiration et releva la tête. Les passagers continuaient à monter à bord, accueillis par des hôtesses aux chignon et sourire lisses. Elles leur indiquaient la direction à prendre, ils passaient dans les allées, vérifiaient le numéro de leur place, installaient leur bagage à mains dans les coffres placés au-dessus de leurs têtes et s'asseyaient enfin, en faisant éventuellement bouger leur voisin. Le mouvement allait bientôt cesser et le bruit des moteurs allait annoncer le décollage. Paul était anxieux. Encore maintenant, il se demandait si c'était une bonne idée. Qu'allait-il trouver, là-bas, en France ? Laure avait toujours pris soin d'éviter de parler de sa vie "d'avant". Mais aujourd'hui, presque un an après sa mort, il n'en pouvait plus de se poser des questions. Pourquoi se serait-elle suicidée ? Pour lui, c'était impossible. Laure respirait la joie de vivre, ses yeux noirs avaient toujours un éclat malicieux. Elle ne pouvait pas avoir mis fin à ses jours. Mais il fallait qu'il en soit sûr. Dans ses papiers, il avait retrouvé la trace de son dernier employeur en France, dans une ville de l'ouest du pays, Nantes. C'est là qu'il se rendait. C'est là aussi que devaient habiter les parents de Laure. Juste après le décès de celle-ci, il avait réussi à trouver leur numéro de téléphone dans ses affaires. Leur fille avait souhaité être enterrée aux États-Unis et ils n'avaient pas voulu venir à l'enterrement. La première destination de Paul était donc l'ancien travail de Laure. Il espérait ainsi en apprendre un peu plus sur elle avant d'essayer de voir ses parents.
Le vol promettait d'être long. Sam, son meilleur ami, lui avait glisser un livre dans les mains à l'aéroport. Paul l'avait rangé machinalement dans la poche intérieure de sa veste sans y prêter plus d'attention. Lire ferait sans doute passer le temps un peu plus vite. Il le ressortit de sa poche. Le titre ne l'étonna qu'à moitié : "Comment séduire les parisiennes ?". Depuis la mort de Laure, Sam l'avait encouragé à rencontrer quelqu'un d'autre. Il lui avait même organisé des rendez-vous. Lui et d'autres amis, si on peut les appeler ainsi ! Paul avait d'abord refusé, puis, au bout de quelques mois, il avait accepté de rencontrer l'amie d'une amie de Sam. Elle s'appelait Holly. Il devait se retrouver dans un bar pour prendre un verre, mais à peine arrivés, Holly avait trouvé qu'il y avait trop de monde et avait proposé d'aller dîner dans un restaurant de l'autre côté de la rue. Paul n'avait pas pu dire non, et il s'était retrouvé dans une pizzéria décorée d'énormes colonnes, face à cette jeune femme trop blonde et à la poitrine trop généreuse. Son rire aussi était généreux, toute la salle avait pu en profiter. A peine ouvrait-il la bouche qu'elle riait aux éclats en rejetant sa tête en arrière. Elle le trouvait séduisant et elle le lui dit. Il se sentit mal à l'aise mais ne lui dit rien. La soirée lui parut longue, entre les histoires de shopping d'Holly et ses questions sur son travail d'architecte dont elle n'écoutait pas les réponses, trop occupée à remettre une mèche de ses cheveux en place ou la bretelle de son soutien-gorge rose. Il y avait aussi eu Vanessa qui se remettait d'une rupture récente. Ses amis avaient lourdement insisté pour qu'ils se rencontrent et Paul avait fini par accepter. Il avait passé une des soirées les plus étranges de sa vie. Elle n'avait pas arrêté de pleurer. Elle pleurait parce qu'elle était triste de sa rupture "J'ai vraiment cru que c'était l'homme de ma vie, et voilà comment il m'a laissée tomber…"; elle pleurait parce qu'elle était contente "tu ne sais pas à quel point ça me fait plaisir d'être ici ce soir avec toi"; elle pleurait parce que son plat était délicieux; elle pleurait à nouveau parce qu'elle était triste "ta petite amie est morte il n'y a pas longtemps, c'est ça ? C'est terrible. Peut-être qu'on pourra se consoler mutuellement ?" Il n'avait pas vraiment eu envie de la consoler, plutôt de lui acheter des paquets de mouchoirs en papiers. Pourquoi ses amis avaient pensé qu'ils pourraient s'entendre ? Et, au hasard de sorties entre amis, et de rendez-vous plus ou moins arrangés, il avait rencontré Valeria, qu'on lui avait présentée comme était une italienne brune et pulpeuse, et qui s'était révélée être aussi fade que des spaghetti sans sauce; Mindy, bibliothécaire intellectuelle, qui connaissait plus les soap TV que la littérature anglaise; Nicole, avocate dans un grand cabinet de la ville et dont le débit de parole était aussi insupportable que la sonnerie de son téléphone; Amanda, institutrice en maternelle, dont la première question, ou peut-être la deuxième, fut pour savoir combien il voulait avoir d'enfants; Judy, sexagénaire cougar selon Sam... Ce dernier avait gentiment fait remarquer à Paul qu'il faudrait peut-être faire des efforts : "Enfin, mais à quoi tu t'attends ? La femme parfaite n'existe pas, il faut t'y faire." Parfaite, peut-être pas, mais il y avait des limites.
Paul dormit pendant une grande partie des 10 heures de vol. L'escale à Paris ne dura qu'une heure, et il arriva à Nantes vers 20h. Il avait réservé une chambre dans un hôtel du centre ville, l'occasion de vérifier s'il pouvait toujours se débrouiller en français. Ça allait, il n'aurait pas besoin d'un interprète. Le taxi le déposa devant l'hôtel où la réceptionniste, jeune femme discrète mais efficace, lui remis la clé de sa chambre et lui indiqua les heures pour le petit-déjeuner, tout en expliquant à un couple comment se rendre à la crêperie la plus proche, et en rappelant à un homme aux cheveux gris que les cigarettes n'étaient pas non plus tolérées à la réception. L'hôtel ne faisait pas restaurant, mais étant en plein centre ville, Paul n'eut qu'à faire quelques pas à l'extérieur pour pouvoir manger. Il était fatigué par le voyage et ce n'était pas ce soir qu'il allait profiter de la gastronomie française. Il dîna d'un simple steak frites et remonta dans sa chambre. Malgré la fatigue, le décalage horaire et le fait d'avoir dormi dans l'avion l'empêchèrent de s'endormir avant 3h du matin. Il se réveilla quelques heures plus tard, encore fatigué, mais anxieux de commencer ses recherches.
Ce matin-là, Océane arriva tout essoufflée à la librairie. Mais c'était une habitude chez elle. Déborah était déjà là, attendant devant la grille baissée. "Alors, encore une panne de réveil ?" lui lança-t-elle en riant. "Je ne suis pas en retard, juste à l'heure !" "C'est ça, en attendant, ouvre. Je commence à avoir froid." Une fois la grille relevée et la porte ouverte, Déborah se dirigea d'un pas rapide vers le fond de la librairie pour y déposer son sac et son manteau, et faire du café. "Je parie que tu n'as pas eu le temps de prendre ton petit-déjeuner." "Non, maman..." Elles se connaissaient depuis quelques années, et quand Océane avait eu besoin d'un peu d'aide juste après avoir ouvert sa librairie, elle avait naturellement pensé à Déborah qui travaillait à mi-temps en tant que secrétaire. Cela faisait déjà 4 ans. Les premiers mois avaient été difficiles, mais les clients étaient rapidement revenus dans la petite librairie. Océane l'avait voulue accueillante et chaleureuse, comme un refuge pour toutes sortes de lecteurs. Ceux avides d'aventures, de voyages, ceux ancrés dans la réalité, lisant toutes les biographies possibles, les plus jeunes aussi, ceux rêvant à des mondes imaginaires où les lapins pouvaient avoir une montre gousset, ou encore ceux aspirant à une belle histoire d'amour... Elle faisait plutôt partie de cette dernière catégorie, même si elle appréciait de nombreux genres littéraires. Déborah disait d'Océane qu'elle était une incorrigible romantique. "Tu crois vraiment que ton prince charmant va arriver comme ça, un jour, et, je ne sais pas moi, passer cette porte (elle montrait la porte d'entrée de la librairie), sourire et t'emporter sur son cheval blanc ?" "Et bien, à part le cheval blanc, pourquoi pas ?" En fait, elle n'y croyait plus vraiment. Une fois la trentaine passée, les désillusions s'installaient. Les films avec Sandra Bullock ou Meg Ryan n'avaient plus le même écho. Sauf pour quelques réflexions du genre "après 40 ans, les femmes ont plus de risques de se faire tuer par un terroriste que de se marier." Mais malgré le temps qui passait, une petite flamme restait là, quelque part. Après tout, pourquoi pas ? Océane oscillait entre croire ou se résigner, ou plutôt croire finalement... Du coup, à chaque fois qu'un homme franchissait la porte, Océane et Déborah échangeaient un regard complice et imaginaient l'homme, son cheval et Océane.