De l'objurgation du quota en radio ou le moindre mâle
cyrz
Deux doigts d'irrévérence, le gauche et le droit, deux doigts dressés par le milieu parce que l'incompétence et l'incruste m'exaspèrent quotidiennement. Avant de recevoir la première tomate, je répondrais par anticipation et en bloc que l'irrévérence et la répulsion partagent un même habit des podiums à la rue dessiné pour couvrir leur contraire.
« Aréké archéologique, patri-moelle patrimoine, jidadiste djihadistes, le coup d'état euuuuh... »: bref, Zoé D. est au micro des bulletins radiophoniques de la Radio Télévision Suisse (Romande) ou RTS depuis une année exactement et son incapacité à lire un trois minutes sans bafouiller revient comme le refrain d'une insupportable chanson. Pas UN jour, pas UN bulletin d'informations sans cafouiller. Elle mâchouille depuis une année trois chewing-gums à la guimauve lors de chaque intervention.
Zoé D., je n'ai rien contre elle personnellement. Elle est plutôt mignonne, ce qui est indéniablement une grande qualité pour lire des bulletins radiophoniques abrutissants. Et probablement le seul critère de choix qui la propulsa à ce poste, que beaucoup convoitent sans doute. Beaucoup, nombreux candidats qui sont certainement capables de lire sur un ton monocorde trois minutes d'infos du monde des sponsors sans se prendre la langue dans le diastème.
Le trois minutes radiophonique de Zoé D. c'est une photo panoramique d'un lointain paysage urbain prise du haut d'une colline en automatique et au flash avec un smartphone. C'est la Roumaine qui s'incruste chez toi et dont tu ne peux plus te débarrasser, c'est le squat des textes d'un concours les mieux notés et tous aussi sibyllins. C'est Sienna Miller dans le jury d'un grand festival de cinéma, ou Mélanie Laurent en ouverture de cette même foire printanière de l'onanisme quatre ans plus tôt. C'est Miley Cyrus qui viole la scène musicale. C'est le foulard Hermès que le contribuable offre de bon cœur à Rachida Dati car la redevance est une belle cagnotte dans laquelle puise, en bon élu, tout surdiplômé du gaspillage de l'argent des autres.
Comme en politique ou dans le show-business, la RTS est un vivier de belles jeunes femmes engagées pour leur talent, comme la collègue tout aussi charmante de Zoé D. Car en écrivant ces lignes j'écoute Blandine L. bafouiller à son tour et surtout nous parler de l'arrestation d'un « gang » des fausses pièces de cinq francs (suisses). « Un millier de fausses pièces de cinq francs, pour une valeur de cinq mille francs », dit-elle à l'attention tous ceux qui, à l'image de nos ordinateurs, sont incapables de réaliser une soustraction ou qui doivent passer par des stratagèmes compliqués afin de parvenir à multiplier cinq avec mille sans ânonner du bec. L'information suivante est tout aussi substantielle: l'appel des habitants d'une île grecque de treize mètres carrés à leur envoyer des cigales. Au-delà de la quintessence de cette information de première importance, je t'imagine toi le Parisien dans ta studette en train de visualiser l'enfer des pauvres habitants de cette île de la mer Égée obligés de se partager entre tous, familles et hamsters compris, la même surface que toi et ton chat remplissez en totalité durant la sieste. Là je comprends qu'il était important de fournir la réponse du complexe calcul précédent, car l'algèbre et la géométrie ne sont pas des sciences accessibles à toutes et à tous. Une heure plus tard, je ne relève que « B.B. King déci-décédé » et « la capitale du Grand Duduché » qui provoquent sur l'épiderme situé entre mes tympans l'apparition incontrôlée d'une émoticône désespérée quand revient sur les ondes la multiplication précédente, au cas où le fond de la classe n'aurait pas entendu la première fois. On pourrait penser qu'il y en a trop pour que ça ne puisse pas être un gag. Mais, une heure plus tard encore, Blandine lévite à huit mille avec « la capitale du luxe, du loup, du loux, du Luxembourg » et un « malgué » qui ne prend pas de « r » à la radio tout comme « la reprise du trafic de frais » qui tout à fait logiquement – il faut l'admettre - se prononce exactement comme « fret » lorsqu'on est abonné aux rails. Il y a peut-être quelque chose de rassurant à s'attendre qu'à chaque heure pile le bulletin d'info sera un sketch. Je ne cherche ni à comprendre ni à répondre à la question de savoir où se trouve l'incompétence: chez le comique qui prétend, sans le remarquer, être à sa place ou chez celui ou celle qui l'a engagé? Je sais qu'à chaque heure j'aurai ma minute nécessaire de monsieur Cyclopède. À un petit détail près cependant: Desproges me faisait marrer.
Elles ne sont pas les seules. J'ai simplement isolé leur prestation un jour au hasard, le 15 mai 2015. Et chaque jour ça recommence. Avec une mention spéciale à Nathalie O. qui touche certainement une prime à chaque nouvelle inscription chez Exit et Dignitas, les associations suisses d'aide au suicide. Des autres journalistes de la radio romande au micro, pas un(e) seul(e) n'est capable de lire un bulletin d'infos sans se sucer copieusement la langue ou se cogner les dents au palais. Ils doivent déboucher le champagne lorsque l'un ou l'une d'entre eux ou elles y parvient. La seule qui soigne sa diction est Chantal N. de sa voix mâle venue d'ailleurs. Je ne lui offrirai pas de fleurs. Elle ne fait que respectueusement son travail sans baigner dans le sang les oreilles des auditeurs au quotidien.
Le spectacle a lieu chaque heure et l'entrée est gratuite, ne vous privez surtout pas: http://www.rts.ch/audio/info/.