Défis jettez l'encre N°13

C’est facile pour elle. Elle est jeune, belle, chante bien, elle possède même du talent. Elle est douce comme un baiser de papillon et ses mots s’envolent hors de sa bouche. Et ses doigts. Moi qui les connais si bien, je peux vous le dire, ses doigts ont été crée pour la caresse. Ses doigts sont une bouche qui embrasse tout ce qu’ils touchent. Et c’est pour ça que tout le monde n’a d’yeux et d’oreilles que pour elle. Et moi, bien sûr, je n’existe plus. Lorsqu’elle chante, je disparais, lorsqu’elle donne vie aux mots, le soleil l’inonde de lumière. Moi la nuit me tombe dessus. Mais est-ce ma faute si nous ne parlons pas la même langue ? Moi aussi, j’ai des mots, des maux et pourtant, personne ne les écoute. Personne ne les comprend. Combien de regards ont glissés sur moi sans s’y accrocher en sa présence ? C’est sur ses yeux, sa bouche, son corps que l’on s’attarde, moi, je ne suis qu’une figurante, une faire valoir. Pourtant, je possède aussi une certaine forme de beauté et malgré certaines cicatrices que le temps et la vie m’on infligés, je suis loin d’être repoussante. C’est même ces cicatrices qui contribuent à mon charme si singulier.  Mais je ne suis pas comme elle. Et je ne le serais jamais. Différente. A tout jamais. Moi je suis celle que l’on prend sans permission, qui va de mains en main, des mains pas toujours délicates. Je suis celle qu’on oublie, à qui on ne parle pas, que l’on regarde que lorsque cela est nécessaire. Je suis celle qui n’est là que pour combler un besoin immédiat et que l’on repousse une fois l’acte accomplie. Hop, c’est fini, tu rentres dans ta boite. Chacun repartant avec sa jouissance ou sa frustration. A elle, personne n’oserait. A moi, on ose tout. Pourtant elle me doit tant. Je suis sa confidente, son amie, celle sur qui elle passe ses nerfs lorsque la journée a été trop dure. Combien de larmes a-t-elle versé sur mon épaule, combien de rires échappés de nos jeux ? C’est à moi qu’elle confie ce qu’elle ne peut confier à personne. Moi qui sais si bien garder les secrets.

On peut penser que je suis aigrie, jalouse d’elle. Peut-être est-ce vrai. Pourtant je ne rêve que d’une chose.

Je rêve qu’un jour un homme lui dise en me regardant : «  Ta guitare est magnifique. »