Délit de fuite : la libération par l'action
kime
Délit de fuite : la libération par l’action.
Eloge de la fuite.
Titre provisoire.
La fuite, l’exil volontaire ou imposé, qu’il soit politique, social, sentimental ou philosophique représente d’abord une situation de rupture intérieure ou de rupture de bans que chacun d’entre nous rencontre au moins une fois dans sa vie.
Cette rupture subie ou voulue déclenche une suite d’événements qu’on peut choisir de vivre dans la souffrance, dans l’étonnement et même dans la joie. Ces fuites apparaissent dans ce livre comme autant de témoignages sur la nécessité et la valeur des ruptures.
Situation paradoxale que celle de l’homme en fuite ou en exil. Les caractères passionnés l’apprivoisent jusqu’à revendiquer l’idée de l’avoir choisi ! Mais le plus souvent « nous sommes choisis » par l’exil ou plus précisément, nous choisissons de fuir comme une solution à un plus grand mal.
Partir, fuir, s’exiler, rompre les amarres, quitter le navire, c’est aussi re-commencer, re-vivre, re-construire. Entre ailleurs et nulle part. Croire que le monde peut changer. Imaginer que la vie peut s’améliorer. Mais aussi fuir en espérant moins souffrir. Pour faire diminuer le manque, la douleur, ou l’absence. Pour aller à la rencontre de la sérénité. Pour construire notre propre sagesse.
Je souhaite à tous et à chacun, le bonheur de connaître une vraie bonne fuite, comme on connaît de bonnes vraies « cuites »...
Cet éternel « malheur » de l’exil souligné par Victor Hugo, Camus ou de Sénèque, se révèle porteur de nouveautés, de découvertes, d’espoirs. C’est une richesse curieuse car elle n’est ni rare ni prisée. Mais ceux qui savent en tirer parti s’enrichissent vraiment : ils vivent mieux et libres.
Ces textes d’auteurs célèbres ou anonymes que nous lisons pour éclairer nos vies sont autant de « vie en exil ». Personne n’y échappe. Tôt ou tard sur le parcours d’une vie, chacun de nous rencontre la fuite. J’ai voulu que ces artistes racontent leur fuite, leur peur, leur exil. Chacun à sa manière; qu’ils se souviennent, pour nous, de leur traversée. Ces textes sont parfois poétiques, souvent poignants, et toujours terriblement humains.
Je n’ai voulu d'aucun scientifique, d'aucun philosophe, d'aucun « professionnel » pour disséquer la « notion » de fuite. Parce que la fuite est peut être une action mais c'est surtout une sensation, une émotion qui nous submerge et que nous finissons par apprivoiser à force de vivre en exil de nous-même.
Seuls des hommes et des femmes, aux prises avec leurs souvenirs, parfois même avec ce qui fait encore leur quotidien, racontent. Ils content, ils se racontent. Méthodiquement, calmement, fièrement, ils détaillent leurs douleurs mais aussi leurs victoires. Ce parti prit pour le « vécu » donne à ces textes une simplicité mais aussi une profondeur d’analyse et une capacité de « distanciation » que bien des "officiels" de l’analyse psychologique souhaiteraient posséder. L’émotion qui les porte n’a d’égal que la maîtrise des sentiments qui s’en dégage.
Bien sûr, ces textes n’ont pas prétention à l’exhaustivité ni à l’objectivité. Ils ont même été choisis parce qu’ils parlent seulement d’exils « bien vécus ». Vous trouverez donc dans ces lignes les récits d’histoires vraies qui se terminent, ni bien, ni mal mais toujours par un retour à l'humour c'est à dire, au bon sens.
Je souhaite à tous ceux qui choisiront de faire ce voyage avec nous, de partager l’aventure qui a conduits un jour, à décider la création de ce livre. Ce texte est le résultat d’un « collectif », c'est-à-dire d’un groupe humain qui a choisi de faire partager une des expériences les plus « toniques » qu’ils auraient pu subir mais qu’ils ont transcendé et qui pourrait s'appeler : Taïo ou l'histoire de nos... fuites !
SYNOPSIS
1 – La fuite dans une tête d’enfant.
Il avait dix ans et il était déjà plus adulte que tous les « grands » qui l’entouraient. Il les avait vu s’angoisser, il les voyait fuir, il les verrait pleurer. Plus tard pourtant, il ne pourrait pas s’empêcher de penser que cette accumulation d’abominations fut une chance.
2 - La fuite pour rompre avec un régime autoritaire.
Etre apatride c’est comme appartenir au monde entier sans jamais se sentir chez soi nulle part. S’arrêter un instant, reprendre son souffle puis, repartir vers "l'ailleurs".
3 - La fuite du condamné à l’exil : Payer une dette. Payer sa dette. Conséquence de l’acceptation ou du refus. Subir un éloignement non désiré. La déportation comme miroir d’une fuite impossible. Quand la dette n'est pas dûe mais que la justice des hommes l'impute au débit d'un compte non soldable.
Anne avait attendu, bien cachée derrière la double cloison. Elle fuyait chaque jour l’endroit, par journal interposé, jusqu’à cet instant funeste ou la gestapo est venue arrêter le fil de l’encre sur le papier.
4 – La fuite du voyageur : provoquer, désirer, organiser la rupture.
Si j’avais les moyens je ne tiendrais jamais en place, dit le premier. Les moyens, je m’en moque, répond le second. J’adore les aéroports et je jure qu’il me serait impossible d’attendre d’avoir l’argent pour partir.
Passager clandestin, un rêve transformé en cauchemar par la réalité.
5 - La fuite professionnelle : licenciement, chômage. Le chemin entre vouloir et pouvoir. Certains disent que leur travail c’est toute leur vie. Peut être parce qu’ils cherchent le pouvoir ?
Vouloir le pouvoir encore faut-il pouvoir le vouloir… Personnellement j’ai résolu l’équation : un contrat de travail c’est le droit de te payer pour te mettre en prison. Alors quand mon patron m’a licencié, j’y ai vu immédiatement l’ouverture d’une porte sur la vraie vie.
6 - La fuite sentimentale : provoquer ou subir la rupture ?
Je t’aime moi non plus ! Quand on en arrive là d’une histoire dite "sentimentale", je crois qu’il vaut mieux fuir, là-bas fuir … ça faisait des mois que j’attendais la rupture. Qu’il me dise « Ciao Bella » ou mieux, Casse-toi tu me fais horreur. Au moins c'est franc, net, sans bavure. Mais ce fut : Nous nous sommes tant aimé, mon amour… Ne crois tu pas que nous pourrions faire un petit effort, encore un tout petit effort ? Si j’avais compris l’effort surhumain qu’il allait me falloir faire, j’aurais pris mes jambes à mon cou. Sans demander mon reste.
Aujourd’hui il reste de cet "amour"… un splendide appart’ en plein Paris, quelques économies placées en bon du Trésor chinois et deux gamins de quinze et vingt ans même pas capables d’être sûrs qu’on a bien fait de les faire naître. Alors avec le recul, c’est sûr, la fuite m’aurait parue plus tendre.
7 - Folie ou fuite: quelles sont les situations extrêmes qui mènent à la folie ? En quoi l’exil de soi adoucit ou durcit-il la folie ?
Moi, je suis fou. C’est le corps médical qui en parle le mieux. Il dit que je suis « bipolaire ». Polaire, je connais. Mais bipolaire… je ne vois pas. En tous cas depuis que je suis comme ça, je me sens drôlement mieux dans ma peau. Ca ne convient pas à ma mère, mais ça me convient bien, à moi.
8 - La fuite comme rupture sociale : ne pas se reconnaître dans une façon de vivre. Partir ailleurs. Chercher un autre mode de vie. Vagabondage.
Le mec sous le porche, au bas de l’escalier, c’est un vagabond qui y a élu domicile depuis trois jours. C’est vrai qu’il ne fait pas chaud. J’aimerai bien lui offrir l’hospitalité. Mais j'hésite... Et d'abord, que font les services sociaux ?
9 - Le courage de la fuite : face à l’agression l’esquive est un courage pratiquée par des sportifs entrainés. Le retour de Sun Tzu.
Eviter l’affrontement. Esquiver l’attaque. Dans un monde de brutes la fuite est appelée couardise. Mais pour un sportif bien entrainé c’est la meilleure des ripostes. Si nous utilisions l’aïkido en politique, les électeurs auraient meilleur cœur à aller voter.
10 - Solitude et fuite :
Parfois je fuis pour échapper à la solitude mais souvent c’est pour la retrouver. Raisons d’une fuite. Etre seul est comme la langue d’Esope : la meilleure et la pire des choses. J’aime la solitude mais cet amour ne plait pas à tout le monde. L’homme de ma vie refuse de me l’entendre dire. Il croit que cela va le déposséder de ma présence. Il imagine que lorsque je m’éjecte de la vie quotidienne, c’est parce que je refuse de lui ouvrir ma porte. Parfois je me dis qu’il est idiot mais avec le temps j’ai compris que la solitude lui fait peur. Mon rêve de fuite est maintenant lié à ma détestation de son sentiment d'abandon. Comme un enfant qui appelle sa mère, il craint mes départs dans le monde désertique des solitaires. Mais justement le désert m'attire, il m'hypnotise. L'arridité, la chaleur, la soif mais surtout immense, lumineux, désolé : le désert me console.
11 - Philosophie de la fuite : peut-on choisir la fuite comme philosophie de vie ? Etre éternellement «ailleurs». Le bonheur de fuir : en quoi la fuite concourt-elle à l’équilibre d’une vie ?
En mon for intérieur, jamais je ne pourrais arrêter de faire l’éloge de la fuite. Même si je sais quelquefois, combien cette aspiration à l’exil me trouble et me fait peur.