Dernier rendez-vous

bleue

Il avait mordu ses lèvres : elles étaient toutes meurtries de ses baisers. Il l'avait embrassée, gentiment, tendrement. Elle avait pensé que leur histoire aurait pu reprendre comme ça, simplement à l'endroit où ils l'avaient laissée…

Sur son corps, l'odeur de lui, son amant fougueux mais si doux.

Elle allait devoir reprendre une douche, se changer. Alors qu'elle aurait voulu garder les effluves de leurs étreintes sur son corps à elle. Dans son nez. Jusqu'à s'en enivrer. Quelque chose de sucré, d'un peu prégnant, d'agréable.

Il l'avait regardée, dans les yeux, profondément, intensément. Peut-être cherchait-il une faille dans ses prunelles. Mais quand il lui avait dit : on n'avait rien programmé d'autre qu'une rencontre au cours de laquelle on aurait expérimenté telle position ou telle autre et où je t'aurais montré ceci ou cela, elle avait compris que ce serait la dernière fois que…

Elle n'avait pas cillé, ne l'avait pas supplié, n'avait pas crié ni pleuré non plus. Elle avait juste encaissé…

Et dire que moins de deux heures auparavant, elle était remplie d'espoirs. Elle avait pensé, quand il avait commencé de jouer que…tout allait recommencer, qu'ils se verraient davantage.

Il était clair que si, d'emblée, elle avait imaginé que c'était la dernière fois, qu'ils ne se retrouveraient plus, elle n'aurait jamais marché dans un plan pareil. Elle comprenait son raisonnement. Elle lui avait fait confiance mais au final, elle était à nouveau perdue.

Non, elle n'était pas amoureuse. Ce qu'elle aimait, c'était leurs échanges, la manière dont il s'était occupé d'elle la première fois. Tout lui semblait tellement corrompu à présent, tellement « comme elle était traitée habituellement ». « Tu vois, je suis droit, et là, je vais pas te promettre qu'on se verra encore. Ma vie est en train de changer et si ça se trouve… ». Elle avait compris. Il était jeune, Il n'était pas trop tard pour qu'il refasse sa vie. Sa fille était indépendante, à présent. Et comme son couple battait de l'aile…

Elle s'était simplement trouvée là, aux moments où il avait besoin d'elle, de son corps, de ses taquineries, de ses oreilles. A présent, il se détachait d'elle et il s'imaginait qu'elle comprenait.

Oui, elle comprenait. Elle comprenait qu'à nouveau, elle se faisait jeter. Elle comprenait que même si elle n'était pas trop tarte au lit, et même si elle lui avait convenu lors de leur premier rendez-vous, au final, non : ce n'était pas à elle qu'il avait envie de s'intéresser.

Elle comprenait qu'il avait déjà quelqu'un d'autre en vue. Quelqu'un avec qui refaire sa vie. Que ce n'était pas elle. Elle n'avait d'ailleurs pas insisté.

Mais là, elle morflait. Elle était ravagée.

***

D'un coup, elle avait envie de ne plus rien garder de lui, ni l'odeur, ni les mots, ni le souvenir de ses lèvres sur les siennes, ni celui de ses morsures. Pas non plus ses doigts sur ses tétons ou en elle. Pas non plus le goût de son sexe dans sa bouche. Pas non plus ses yeux rieurs qui la fixaient entre les baisers.

Rien.

Il n'y aurait plus rien entre eux ou en eux.

Elle se rendait compte qu'l y avait eu tant de connexions entre eux, tant de choses qui les reliaient et qu'elle devait tout balayer.

La vie était bien ingrate, dans le fond.

Elle s'était dépêchée de repasser sous la douche, se débarrasser des effluves de sa peau si douce. Ne rien garder de lui. Même pas les lingettes qui avaient servi à éponger le sperme qu'il avait répandu sur ses seins…

Au final, elle ne savait plus que penser.

De leurs retrouvailles.

En était-ce ?  Elle en doutait, à présent. Plutôt le moyen « pas trop dégueu » pour lui annoncer qu'il n'avait plus besoin d'elle. De ses services, de ces moments qu'ils avaient passé en ligne ensemble.

Quelle amertume, tout de même.

Elle n'avait jamais cru qu'ils pourrait s'aimer. Elle n'avait jamais attendu cela de lui. Elle le lui avait dit. Et au final, ce n'était peut-être pas ce qu'il avait envie d'entendre. Le savait-il ?

Donc, il l'avait regardée, très sérieusement. Il était assis sur un tabouret un peu haut et elle au bord du lit sur lequel ils venaient de s'ébattre. Il l'avait regardée, donc, et il avait commencé par lui dire que sa vie était chamboulée, comme pour lui prouver que cela n'avait rien à voir avec elle, que c'était simplement « la vie ». Mais si c'était uniquement ça, la vie, il y aurait moyen de prendre un autre chemin, non ? Un plus escarpé, peut-être, mais qui aurait mené à autre chose que RIEN. Ici, il ne cherchait même pas à se frayer une autre route pour la redécouvrir, la retrouver. Il avait tenu sa promesse. Il pouvait partir les mains dans les poches sans aucun remords.

Mais son cœur en compote, il en faisait quoi ?

Elle avait été si surprise de la manière dont les choses s'étaient passées qu'elle n'avait pu qu'acquiescer, d'accord sur toute la ligne avec sa manière de voir. Dans le fond, elle souffrait. Au-dedans d'elle et au dehors aussi. Elle savait qu'une fois la porte fermée, elle fondrait en larmes. Et même si elle gardait la tête haute, elle se sentait détruite… Encore… Encore….

Pourquoi acceptait-elle toujours d'être malmenée de cette manière ?

La vie est un éternel recommencement, et cela durait depuis qu'elle avait… 20 ans… Et après, on s'étonnait qu'elle ne se fasse pas confiance… Alors que la vie l'avait confrontée à la situation de si nombreuses fois…

Elle allait à nouveau hiberner sentimentalement, retourner se cacher dans ses écritures et sa musique, ne dévoilant qu'une petite partie de ce qu'elle ressentait. Elle allait à nouveau enfouir ses larmes et ses chagrins. Elle allait relever la tête, mordre sur sa chique, être la Bleue solide qui n'avait peur de rien ni de personne…

  • Un rêve "éclair" ! C'est triste mais c'est la vie...
    Un texte poignant !

    · Il y a plus de 5 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • Exactement… un rêve éclair. Merci pour vos mots.

      · Il y a plus de 5 ans ·
      Bleue piano 1

      bleue

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