DES NOUVELLES DU FUTUR

jesuisla

Alfred

            Une nouvelle d’Antonin Vercueil, 8 ans

 

Alfred a dix-huit ans et il est en étude pour devenir mécanicien de soucoupes volantes. Il vit dans une famille de conducteurs de bus volants. Son père, Gérard, âgé de quarante six ans, est conducteur de bus volant. Sa mère, Marine, âgée de quarante quatre ans est cuisinière dans le restaurant « La voiture volante ». Sa sœur, Corine, est une fille comme toutes celles de « spatial city », sa ville, et son chien, Vitoranus, âgé de trois ans, est le plus beau chien de l’espace. Il vit dans les bruits de démarrage de bus et les bonnes odeurs de cuisine.

Il n’a pas à se plaindre car sa vie n’est ni enfer, ni paradis. Par contre, des fois, il doit encore obéir à ses parents car on ne peut pas tout faire dans la vie mais quand même… à dix-hui ans…

-       va promener le chien !

-       va mettre la table !

-       accompagne ta sœur au train spatial !

-       pas tes coudes sur la table ! Enfin, tu as quel âge ?

-       va prendre le taxi volant !

A part ça, tout va bien.


  

 

 

Le rêve de demain

             Une nouvelle de Maya Pilonchery, 10 ans

C’était en l’an 2101, un samedi. Je marchais dans les rues de Paris quand je sentis quelque chose m’attraper. Je me retournai et vis un robot de bois qui dansait la samba, mais ce robot de bois était très dangereux. Il paraissait gentil, mais il ne l’était pas. J’avais remarqué sa méchanceté, parce qu’il avait l’écusson du scientifique maléfique. Ce monsieur était contre le monde, il envoyait des robots aux quatre coins du monde pour le détruire.

Je restais un court moment à l’observer puis je rentrai dans mon hôtel. Mais par malchance, comme je n’étais qu’une simple visiteuse, je me perdis en route. J’avais beau marcher dans toutes les rues que je croisais, je revenais toujours au point de départ. Il n’y avait pas un passant pour lui demander ma route. Je continuais à tourner en rond quand je m’aperçus…

Soudain je me réveillai et constatai que ce n’était qu’un mauvais rêve. En y repensant on était vendredi et demain, nous serions samedi. Cette histoire se passera-t-elle réellement demain ?

 

 

Je l’ai vu : le futur

 

              Une nouvelle de Leïla Vercueil, 11 ans

 

 

Un jour je l’ai vu : le futur. Quand je le regardais je voyais tout ce qui allait m’arriver. Il avait de grands yeux si bleus que l’on aurait dit la mer. Des vagues se cassaient sur une immense baleine rouge sang qui broyait dans ses mâchoires démesurées l’épave d’un bateau de pêcheurs. Le futur avait de longs cheveux blonds et bouclés. On aurait dit un désert. Les boucles devenaient alors des dunes sous le soleil tapant. Des traces de pas se voyaient à perte de vue, créant ainsi un unique chemin à travers le sable doré. C’est alors que je regardai ses bras et ses jambes. Ils étaient fins, presque osseux et si blancs… Je replongeai alors dans mon monde de paysages fantastiques. Cette fois, ce fut de la glace que je vis, à perte de vue. Le froid intense me fit même tressaillir. Je vis un igloo, allumé par un feu extérieur. Dans cet igloo, des rires d’enfants résonnèrent. Des larmes ruisselèrent sur mon visage, cela me rappelait quelque chose. Mais quoi ? Mon regard se posa sur son cœur. Il battait une cadence si lente… Non, il ne battait pas du tout. Un noir profond l’entourait. Un noir très noir. Et en son centre, je vis un hôpital. Une ambulance arrivait à fond et des infirmiers sortirent de son coffre une jeune femme que j’avais déjà vue. Ils couraient en portant ce qui la supportait. Des enfants et un homme l’entouraient. Je commençai à dévisager le futur et m’aperçus que c’était moi. Ou plutôt que ça a été moi, car à présent je ne suis qu’un tas de cendres au fond d’une tombe. Le futur a disparu, comme aspiré par les parois de ma sépulture, lorsque je repensai à cette étrange vision du futur passé. Car tout ça, je l’ai déjà vécu. L’océan de bleu des yeux du futur, la baleine rouge déchiquetant le bateau de pêche n’était autre que le jour où j’ai échappé à la mort en sautant à l’eau. Le jour où j’ai laissé les pauvres pêcheurs qui me servaient de parents dans la gueule de la baleine diabolique. Le désert de cheveux blonds me remémore le long voyage que j’ai fait pour m’enfuir de la guerre qui s’était abattue sur le Maroc après m’être sauvée de la grande bouche de la baleine. La blancheur des os, l’igloo, la glace, le feu et les rires d’enfants joyeux c’était tout simplement la petite maison où moi et ma famille nous vivions. Tout était parfait. Mais il fallait bien qu’il m’arrive une dernière aventure avant de souffler le dernier courant d’air abrité par mes poumons : la maladie. Voilà ce qui expliquait la femme entourée de sa famille. Elle me disait quelque chose car en fait, c’était moi. C’est comme ça que je me suis retrouvée ici. J’ai affronté toutes les épreuves, pires les unes que les autres. Mais il fallait que ce soit juste ça pour m’achever. Des larmes commencèrent à couler sur mes joues. C’est à ce moment-là que je me suis réveillée. Je me dis, intérieurement : « Merci futur, grâce à toi je sais ce qui m’arrivera plus tard et je suis prête à profiter pleinement de la vie ». Voici ce que je pensais en me réveillant, des larmes séchées sur mes joues, dans l’igloo du futur.

Dans l’igloo du futur du début de mon rêve, du passé de la fin de mon rêve, mais du présent de mon réveil.

 

 

 

Révolution

             Une nouvelle de Manon Vercueil, 12 ans

 

 

En l’an trois mille huit cent quatre-vingt sept, les humains et les animaux étaient en guerre car les bêtes s’étaient rendu compte de la dure vie que leur infligeaient les humains. C’est pour cela que plusieurs groupes de rebelles mettaient au point divers plans pour éradiquer les humains et ainsi reprendre la planète. Un soir, sous une voie de l’aérodynamique-super-puissant (équivalent à quatre fois la vitesse d’un TGV), les animaux se réunirent pour un conseil.

Un vieux cheval prit la parole en premier :

-       Mes amis, commença-t-il. L’heure est grave… Chaque jour que nous les attaquons, les humains nous repoussent et cela affaiblit nos troupes ! Il faut agir !

-       Attaquons tous ensemble !!  cria un lapin. Ca leur apprendra à me donner des carottes pendant que je les vois manger des gâteaux !!

-       La force ne résout pas tout mon ami… murmura le cheval.

-       Si seulement ils n’étaient pas là ! s ‘énerva un bœuf.

-       C’est à cause d’eux si la planète est sur le point de s’éteindre et si nous n’avons plus d’hiver ! renchérit un canard.

-       Ils devraient être éteints depuis longtemps mais leur espèce ne cesse de se reproduire ! Continua le bœuf.

Pendant qu’ils continuaient de parler, ils ne remarquèrent pas qu’un petit garçon nommé Alex les écoutait grâce à ses oreillettes traductrices (une invention de son père) derrière un wagon de l’aérodynamique-super-puissant.

-       J’ai une idée ! s’écria subitement le cheval. Vous vous souvenez du grand fossé ? Là où se trouvait la ville de Paris, détruite par la guerre entre les Français et les Espagnols en 2823 ! Et bien nous allons les attirer là-bas et ensuite, ils mourront en tomant dedans !!

Les animaux approuvèrent tous l’intelligent cheval et décidèrent de leur plan d’attaque :

-       Il nous faudra environ un mois pour réunir tous les animaux !

-       Comment allons-nous faire pour attirer les humains ? demanda le canard

Le cheval eut un sourire :

-       Ces grosses têtes roses n’aiment que se battre pour faire les fiers… Envoyons-leur un message en leur promettant le plus beau combat de leur vie !!

Des « hourra » et des cris de joie suivirent son discours. Mais le seul dans cette voie à ne pas être emballé fut le petit Alex qui se précipita à l’extérieur du wagon et se dépêcha de rentrer chez lui grâce à ses baskets « vitesse-maxi » qui le faisaient courir aussi vite qu’une personne en vélo de l’ancienne génération. Il raconta tout à ses parents. Son père respira un bon coup pour digérer le choc et déclara avec amertume :

-       Ah ! ils se croient malins ceux-là ! Ils verront de quel bois nous nous chauffons !! Nous irons à ce rendez-vous mais ce n’est pas nous qui tomberons dans le fossé… Ce sera eux !!

Quelques jours plus tard, un cochon sauvage arriva dans leur ville (qui était la capitale du monde car les gens en avaient marre d’avoir plusieurs présidents) et délivra le même message qu’Alex. Le président d’alors eut exactement la même réaction que le père du garçon et un mois plus tard, les deux camps rivaux se retrouvèrent de part et d’autre du fossé.

Au moment où ils allèrent tous donner l’assaut, la terre, qui n’en pouvait plus de cette chaleur explosa et tous ses occupants moururent.

Carpe Diem

 

               Une nouvelle de Thaïs Vercueil, 15 ans

 

 

Il sera une fois…

Des écrans partout. Des gens pucés. Des gouvernements omniscients. Une pénurie de pétrole. Des trous dans la couche d’ozone. Des humains clonés. La fonte des glaces. La disparition du tigre du Bengale. Des détecteurs de pensées. De la viande de laboratoire. Des révolutions. Une voiture solaire. Des voyages sur Mars. Internet même à Font d’Urle. Paris-Lyon en une heure. Une évolution de la langue. Une espérance de vie plus élevée. Plus assez de place sur Terre. Papier : terme inconnu. Des villes de plusieurs kilomètres. La guérison de certains cancers. Dix milliards d’habitants. De nouvelles modes. Une communication possible avec les extraterrestres. Voltaire, Mozart et Louis XIV : Qu’es a ko? Un soleil à bout de forces. Une augmentation du niveau de l’eau. Des cerveaux adultes prêts à l’emploi. La suppression de l’école. La disparition des livres. Des panneaux solaires. Des télés 4D, avec sensations, odeurs, toucher… Il sera une fois… le monde.

En fait, il m’est impossible de m’imaginer le futur. Alors pourquoi ne pas profiter de l’instant présent, au lieu de se creuser la tête pendant une heure pour imaginer des choses qui n’existeront peut-être même pas ?

Il est une fois…

 

 

Une journée normale

 

           Une nouvelle de Colin Vercueil, 16 ans

A la base, c’était une journée normale pour Simon Théonor. Quoique, ce matin-là, il avait 110 ans. Comme tous les jours, il s’était levé, seul, à 10 heures précises, et avait dès son réveil fait taire Bob-5Y avant même qu’il ne lui ait souhaité son anniversaire Bob-5Y, c’était, selon la publicité, l’« ami de tous les anciens jeunes »; pour Simon, c’était surtout un robot sans chair et sans cœur, parasite bruyant et d’une tristesse insupportable. C’est donc sans l’aide de ce bout de ferraille humanoïde que Simon se prépara, pris ses cachets et sortit de son appartement.

Devant sa porte, comme tous les jours, l’attendait un tube de verre permettant un accès au centre-ville en quelques secondes, accompagné d’un autre être robotisé qui, d’une voix joyeuse – la même qu’à chaque fois, lui proposa un « Bonjour, monsieur Théonor ! ». Comme tous les jours, Simon regardait fixement, atterré, l’oeil de la caméra qui suivait chacun de ses mouvements, et qui le vit, comme à chaque fois, prendre l’escalier de secours pour descendre.

« Je ne m’y ferai jamais, je ne m’y ferai jamais, … » disait Simon au fur et à mesure que défilaient les paliers. Une demi heure plus tard, il était en ville. On pouvait le voir, vêtu d’un vieux jean et d’un sweat à capuche, tous deux démodés, longeant les immenses murs de Dijon, couverts d’écrans publicitaires. Ce jour-là, on pouvait y voir le sourire de la nouvelle  Guide  - Simon détestait cette appellation – des Etats Unis d’Europe Occidentale, élue 5 jours plus tôt. Bien sûr, il n’avait pas voté. Comme il se le dit toujours, il n’avait plus à faire subir quoi que ce soit à ce monde.

Comme tous les jours, Simon était à pied, et, comme toujours, les personnes le doublant en aérocar à pédales sur la piste cyclopiétonne le regardaient avec un grand étonnement. Certains riaient, d’autres même, parfois, allaient jusqu’à s’arrêter pour lui demander pourquoi il marchait avec ses pieds. À chaque fois, Simon leur répondait, fièrement « Tant que je pourrai marcher, je marcherai !  », et les gens le regardaient d’un air bizarre avant de repartir.

Une fois arrivé à quelques mètres du parc de la ville, Simon s’arrêta pour souffler un peu, et s’installa, comme chaque jour, sur le même banc informatique après avoir décliné toute invitation à surfer sur Internet ou à se faire servir par un « ami » de fer. Mais ce jour-là, en levant la tête, le visage de Simon se décomposa. Le parc qu’il vit n’était plus du tout le même que d’habitude. Il se leva lentement, ses lèvres tremblantes s’agitèrent, tremblantes, et chuchotèrent un « Qu’ont-ils fait ? ».

Ce jour-là, il n’y avait plus d’arbres, plus de gazon. Il n’y avait qu’un nombre incalculable de robots en train de construire. Simon répéta, à haute voix : « Qu’ont-ils fait ? ». Un goudron terne avait pris la place du seul coin émeraude de bonheur qu’il lui restait. Une larme se mit à courir sur la joue de Simon. Le robot du banc s’approcha : « Tout va bien ? Bob-5Y, pour vous servir ! ». Simon ne le regarda même pas. Contemplant le parc ravagé par les fondations qui disséminaient le plancher, il se remit à trembler, encore et encore, et cria, avec toute la haine, toute la colère qu’il avait gardés en lui envers cette nouvelle époque : « Qu’ont ils fait ?? »

Soudain, tous les robots, ensemble, arrêtèrent leur activité et laissèrent place à un silence effroyable. Ils semblaient écouter quelque chose. Plus rien ne bougeait, on n’entendait plus que les sanglots haletants de Simon.

Subitement, chacun de ces bouts de fer humanoïdes virèrent au rouge en émettant un effroyable bruit de sirène, le tout formant un vacarme éblouissant. « ALERTE, ALERTE », répétaient-ils. Simon les regardait, las, épuisé, consterné. Alors le ciel s’assombrit. Les grands nuages grisâtres prosaïques laissèrent place à de grands nuages d’une profonde noirceur. Des cris sortaient d’un immeuble voisin. Le sol se mit à trembler avec intensité. Les robots s’agitèrent plus encore, et Simon tomba à Terre. « Je m’en fous, répétait-il, je m’en fous… ».

Alors, il éclata de rire. Une immense masse violette sortit du sombre plafond, accompagné d’une lueur mystique. Les tremblements du sol et les rire de Simon s’amplifièrent alors que d’autres objets, de la même taille et de la même couleur que le premier, tous marqués des grandes lettres : U S A, perçaient le ciel noir où l’on pouvait voir les nuages tourner de plus en plus vite. Comme ébloui par une lueur divine, Simon ferma les yeux, et vit en lui défiler sa vie, des bonheurs du passé tant regrettés à cette nouvelle vie meurtrie par la mélancolie et par la modernité qu’il n’aura plus jamais à supporter. Puis, plus rien.

A la base, c’était une journée normale pour Simon Théonor.

 

Embarquement

             Une nouvelle de Julien Vercueil, 42 ans

 

 

En franchissant le seuil du Ministère, Tania épousseta d’un geste rapide le revers de son manteau. Depuis quelques semaines flottaient dans l’air des flocons de neige mêlés de cendre qui s’accrochaient aux vêtements et parfois même aux cheveux. Une fois fondus, ils laissaient des traces grisâtres que Tania détestait.

-       Où se trouve Miro ? demanda-t-elle sans attendre au factotum qui la débarrassait avec empressement.

-       Monsieur Miro supervise l’enregistrement des derniers migrants, ceux qui sont venus d’Europea et qui ont été retardés. Salle 2, au fond du couloir, Madame le Ministre.

Tania s’arrêta devant le grand miroir du vestibule. Sa dernière greffe avait magnifiquement réussi. Son visage et sa silhouette étaient rajeunis en prévision de la prochaine migration. Son allure était celle d’une jeune femme élancée, son regard avait été durci pour refléter l’esprit de décision qui caractérise ceux qui sont rompus à l’exercice du pouvoir. Ses implants déchargeaient régulièrement le cocktail d’hormones souhaité et désormais son état émotionnel était durablement calé sur le mode « sérénité – vigilance ».

Tania franchit les quelques mètres de tube qui la séparaient du Q.G. d’enregistrement. Son irruption dans la pièce produisit l’effet habituel : la ruche qui grouillait jusque là d’allers et venues et de conversations libres et bruyantes devint brusquement plus ordonnée, chacun regagnant en hâte son poste de travail. Au milieu du tumulte se tenait un homme immense, qui tournait le dos à la porte d’entrée.

-       Miro ! appela Tania d’une voix forte

L’homme se retourna lentement, dévoilant un visage long et sans expression. Il resta muet. Mais agitée de petites étincelles, sa chevelure entra immédiatement en communication avec celle de Tania. Les nouvelles étaient peu réjouissantes : le niveau des ressources baissait beaucoup plus vite que prévu, la grande migration devait être avancée de plusieurs heures. Dans le même temps, les trois prochaines destinations ne présentaient pas de garantie de viabilité au-delà de trois semaines pour la population.

Tania vérifia les données l’une après l’autre. Elle-même avait déjà vécu plusieurs grands déplacements et l’espoir de trouver une planète à longue viabilité n’avait jamais semblé aussi mince.

Pour le moment toutefois, les priorités étaient ailleurs. La prochaine vague de congélation devait être une réussite. Puis viendrait l’embarquement. Le reste, ce serait pour plus tard. 

La Quille

Une nouvelle de Laurent Vercueil, 46 ans

 

 

Et soudain, c’est le noir qui se fit.

L’atmosphère se retourna comme un gant, et, le temps d’un soupir, la vie disparut de la surface de la terre. Soulevés par un souffle vertical, des milliards d’insectes formèrent une première couche orbitale, véritable anneau saturnien, tandis qu’à seulement cent mètres du sol, les vertébrés, en pantins désarticulés, lévitaient avec nonchalance, survolant les habitations comme des baudruches gonflées d’hélium. Après dix secondes pleines de ce vol stationnaire, tout ce petit monde dégringola dans un fracas lamentable et une onde de choc sismique se propagea vigoureusement de la côte ouest américaine à l’extrême est asiatique, dans un tsunami ravageur qui détruisit ce qui tenait encore debout. Ainsi, seulement une minute après l’événement, la terre n’était plus qu’une sphère lisse comme un œuf, affectée dès lors d’un mouvement de rotation désordonné, toute de guingois dans l’espace, et qui dérivait à une vitesse hallucinante hors du système solaire, avant de se trouver expulsée de la galaxie, emmaillotée dans une gangue opaque sur laquelle un logo dessinait schématiquement une corbeille ajourée dans laquelle une silhouette stylisée jetait ce qui semblait représenter un déchet.

-       « Joli travail, Daemon.

-       « Ça faisait longtemps qu’il fallait le faire, mais je ne pouvais m’y résoudre. Toujours à différer l’opération, répondit l’hétéroplasme vert qui se tenait devant l’écran où toute la scène venait de se dérouler, avec la précision diabolique d’une équation mathématique.

-       « Un motif, Daemon ? tu me surprends. Qu’attendais-tu de cette population à moitié délirante et suicidaire ? Ces animalcules t’apportaient-ils une distraction quelconque ? Est-ce que tu t’intéressais vraiment à leurs histoires dérisoires ? A leurs gesticulations obscènes, leurs pitoyables arrangements, leurs tentatives grotesques de sauver leurs misérables existences ? 

-       « Non, évidemment, rien de tout ça. Il m’auront autant fatigué que toi. Et ce n’est pas non plus de la pitié, quelle drôle d’idée.

-       « Alors quoi, Daemon, de la compassion ?

-       « La compassion, laisse moi rire. Ou peut être pour quelques espèces particulièrement malmenées. Mais non, ce n’est pas ça. La seule chose qui m’a retenu de débarrasser cette planète plus tôt, c’est la poésie.

-       « La poésie ?

-       « Oui, la poésie d’un paysage, poésie d’un silence, d’un mouvement. Poésie, quelques mots jetés sur une feuille, et l’image qui vient : « Nuages épars/désemparés/édredons moisis/égarés par hasard »

 

 

 

Une troisième lune ?

 

           Une nouvelle de Nicole Vercueil, 69 ans

 

 

A travers le visio star de son portable, Aglacar scrutait le ciel. A ses côtés, Shamur piétinait avec impatience. « Penses-tu que nos défenses seront suffisantes ? » Il bégayait un peu, l’angoisse paralysant ses pensées. Aglacar se retourna et lui passa l’appareil : « Appuie là » répondit-elle. Une énorme masse noire et pailletée de flammes semblait se rapprocher très rapidement puisqu’elle envahissait l’écran petit à petit. Aglacar s’était déjà précipitée au réfectoire et recueillait les nouvelles que dispensaient les surveillantes aux plus curieux en essayant de rassurer leurs troupes.

-       Un météorite ! Beaucoup passent près de nous sans nous perturber, peu ont atteint la Terre. C’est arrivé seulement deux fois, il y a très longtemps. Première Lune a été créée, puis Seconde Lune, à la suite de chacun de ces chocs

-       Que peuvent faire la Reine et son armée ? demanda Shamur qui venait d’arriver.

-       Nous avons les meilleurs spécialistes pour creuser des galeries, peut-être sera-t-il nécessaire de descendre plus profondément dans nous sous-sols, mais les astronomes nous avaient prévenu suffisamment tôt pour que tous nos moyens de survie soient au point »

Aglacar courut alors à la nursery. Les infirmières s’agitaient et debout sur leurs pattes de derrière emportaient les œufs par l’issue de secours. Elle suivit le mouvement, les pattes tremblantes et les antennes ébouriffées : l’espèce des fourmis sera-t-elle éteinte comme l’a été d’abord celle des dinosaures, puis celle des humains ?

Termina

 

          Une nouvelle de Jacques Vercueil, 70 ans

 

 

Cela durait depuis si longtemps que certains le croyaient éternel. Certains, mais pas certaines : les femmes, beaucoup d’entre elles, étaient parfaitement conscientes que la brutale domination imposée par les hommes à coups de religions n’avait d’autre raison d’être que l’égoïsme aveugle des couillus.

Et parmi ces éclairées, quelques unes décidèrent que trop c’est trop.

Il ne leur fallut que trois mois pour éliminer la race odieuse. L’idée une fois lancée, elle fit le tour de la terre et de ses peuples en quelques jours. Les messages circulaient de cerveau en cerveau à la vitesse de paquets d’ondes lumineuses, ciblées exclusivement sur les récepteurs XX. Il y eut bien sûr des trahisons, mais l’ingéniosité destructrice des femelles n’eut pas de mal à remplacer les attaque dénoncées par d’autres inattendues.

Au bout de trois mois, le spectacle de l’humanité s’était progressivement nettoyé de toute sa composante masculine. Crânes chauves, torses poilus, voix graves, les plaisanteries grasses, les exhibitions pathologiques et bien d’autres traits et manifestations de la virilité n’existeraient plus qu’en conserve, figés sur les innombrables gadgets duplicatifs qu’avait élaboré l’ingéniosité de multiples générations.

La question avait été soulevée très tôt de la reproduction de l’espèce. Banques de sperme, boîtes de Pétri pour spermatozoïdes, eugénisme pré- ou post-natal… Les débats sur ces options furent parmi les plus animés et difficiles. La conclusion fut que mieux valait ne pas. Aucune femme décédée ne serait remplacée, les moyens de retour en arrière furent soigneusement éliminés. Il fallut encore un siècle et quelques poussières pour que de l’humanité sur terre ne restent que des vestiges que la végétation, les insectes et les bactéries effacèrent à leur tour. La dernière centenaire qui s’éteignit après quelques années d’absolue solitude conclut pour elle-même :

« Si on y avait pensé plus tôt ! »

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