Désincarné

kelen

Autour de moi, un monde tactile.

Stratégie marketing qui tacle l'utile pour le futile.

Du bout de l'index, on s'adresse aux autres désaxés du net

Pour partager nos vies serviles de serpents désincarnés

En espérant que de l'autre côté de l'écran,

L'autre aura le cran de se rendre visible ou au moins, concret.

Regarde, on se cache derrière nos claviers

Et nos clavardages ont le goût d'gravier

Gavés d'images photoshopées on ne chope que des écrans de fumée.

Faibles et fuyants, ces faussaires formatent leurs syntaxes

Pour atteindre les failles de ces corps automates.

Affublés de pseudos et d'avatars, la toile fourmille de cafards surexcités

Qui sèment leurs râles dans ce chaos sidéral

Quand l'écran affiche des corps de poupée.

Cyniques, ici on farde le réel pour du sexe aseptisé

Qui sent, jusque dans nos têtes, l'odeur de plastique brûlé.

Le cœur sous contrôle quand le corps hurle

Ceinturé par le bitume, l'amour s'immole et se dénude.

Ici, on ne se touche pas, on s'allume

Simple consommation sans préliminaire,

Sans caresse ni prélude.

Ici, on s'avale jusqu'au fond de la gorge

Pour oublier qu'on se trouve dans une cage

Les poignets attachés par une corde

Qui jusqu'au sang, nous larde.

C'est ainsi que font les gens, ceux qui s'agenouillent

Devant ces autres gens qui gémissent et souillent.

C'est ainsi que font les gens, ceux qui se débrouillent

Pour ne plus voir ces immondices qui sur leurs corps laiteux, coulent.

Dans toutes ces villes-vertiges qui falsifient le fond de nos verres

Il y a toujours cet arrière-goût, un peu amer.

Le goût du silence post-coïtal quand l'esprit tonne dans son bocal :

«j'ai peur de ce que je peux faire »

Car je peux le meilleur comme le pire

Je peux me construire ou me détruire

Faire taire la tristesse de cette époque dans un soupir

Ou faire jouir mon corps jusqu'en souffrir

Je peux souffler sur les braises, briser mes chaînes

Perpétrer des attentats terribles sur mes lèvres

Ou sans même entrer en contact, tacler mon cœur

Jusqu'à ce que mes entrailles s'impactent..de fureur

J'peux me laisser faire, jusqu'à faillir

J'peux m'étouffer jusqu'à vomir

J'peux être celle que ceux là veulent

J'peux m'offrir à 10 et me sentir seule

J'peux encaisser les pires chocs chaque nuit

Et le pire, c'est que je te dirai que j'en ai envie.

J'ai envie de me voir vaciller sans perdre le contrôle

C'est peut être le prix à payer pour ne plus avoir le second rôle

Ce monde est tactile mais je ne sens plus mon corps quand tu m'empales

Ce monde est tactile, alors touche moi vraiment que l'on se parle....

Quand on a la pupille formatée pour l'indécence

La pudeur a un goût de renaissance

Alors dans son silence, ses césures, ses carences

Je descelle mes propres incohérences

A force de s'accorder le droit d'asile sur ses propres terres

On oublie d'être propriétaire de ses rêves laissés en jachère

A force de vouloir tout contrôler

On a mis de côté l'envie d'aimer

Mais à quoi il sert ce corps, s'il n'est plus en accord avec le cœur ?

A rien, et c'est bien ce qui fait peur.

A vouloir trop prendre de distance avec son enveloppe charnelle

J'avais presque oublier pourquoi elle m'était essentielle

Elle n'est ni lisse, ni imperméable, ni impeccable, ni immonde

Ce corps, c'est juste un réceptacle entre moi et le monde.

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