Destin
vreel
Ce qui va suivre est une trouvaille, quelque chose de suréalliste mais qui doit être transcrit afin que la mémoire reste.
Lors d'un passage vacances à Monpazier, petit village charmant du Périgord, je suis resté ébloui par cette place dont des images médiévales de batailles de chevaliers sortirent tout de suite de mon imagination illimitée : une place carrée, cernée par des maisons tenues par des arcades basses avec un puits dans un coin. J'appris en allant voir une exposition que Bourvil et Jean Marais venait régulièrement ici jouer des scènes magiques de films de cape et d'épée et, c'est pendant cette exposition que je vis une oeuvre incroyable dont je vais vous citer ci-dessous quelques morceaux...
"...j'attendais, là, calmement, la tête enfouie dans un saut d'avoine, que mon tour vienne, la bataille décisive était proche et, en tant que cheval, j'étais chouchouté ! Je m'étais déjà dépensé le matin en portant Bourvil sur ma croupe à courir à la recherche de son maître dont il désirait plus que tout et avec précipitation rendre compte de ce qu'il avait entendu au château, j'avais couru à bribes abbatues et tout s'était bien déroulé, j'ai même été caressé gentiment par des mains de toutes tailles qui me murmuraient à l'oreille "brave bête ! Brave bête !" et j'étais heureux !
Vous vous demandez comment un cheval de mon envergure est arrivé sur un film et surtout, comment ai-je pu écrire un journal intime chevalin ? Allez, je me lance !
Je suis né un soir d'hiver, je m'en souviens car j'entendais, quand je sorti du ventre de ma mère, une chanson de Noël, ça parlait de cloches et de sapin vert mais, ça, je l'ignorais encore, pour l'instant, je ne voyais pas encore le bout du tunnel mais je savais déjà que la patronne priait pour moi. Quand je sentis la paille chaude sur mon corps gluant, et que mes narines se dilatèrent pour boire mon premiier bol d'air, je sus que j'étais enfin né et les coups de langues de ma mère allèrent en ce sens.
Je grandis et devins un beau poulain. Je ne savais toujours pas écrire ni penser de façon humaine, j'étais simplement bien à gambader dans mon pré avec ma mère et c'est là qu'il arriv...Je l'avais déjà repéré car il venait régulièrement me voir : c'était le fils de la fermière, un grand jeune homme mince et roux et triste, je savais qu'il n'était pas heureux, il était toujours seul, la mine abattue et je vis que ma venue lui faisait du bien. Alors, un jour, je vins vers lui ; il était assis sur un poteau de la clotûre, il eut peur, mais quand il vit que je ne lui désirait aucun mal, je lui mit un petit coup de tête sur son épaule et il se mit à rire aux éclats. Il parti en courant vers sa demeure et je ne le revis que le lendemain : il avait avec lui un livre.
Comme la veille, je vins vers lui, il était assis au même endroit et, il me fit la lecture : c'était l'histoire d'un petit poney nommé Polly. Il parlait avec emphase et de façon claire et nette et moi, je le regardais et écoutais. Le garçon roux et longiligne était enfin heureux : il avait trouvé un ami : moi !
Chaque jour, je l'écoutais, ce petit Polly était passionnant et, soudain, je ne sais par quel miracle, les mots que le garçon me lisaient entraient dans mon esprit d'une manière si limpide et claire que mon esprit se mit à répéter les mots et mon intelligence animale à me les répéter et je vis à l'instant même le garçon roux non pas comme une chose mais comme un homme dont ses mots me firent devenir un poulain intelligent et "humain" ! Cela reste encore inexplicable à l'heure où j'écris ces lignes...
Chaque jour, c'est moi qui venais, il n'avait plus à siffler ou à m'appeler, j'étais déjà là quand il arrivait car je savais à quelle heure il venait me lire ses histoires. "Fin" ! Quand il prononça ce mot, je sus que je deviendrais comme Polly : courageux et gentil, téméraire et fier à la fois, sans excès et que je serais un bon cheval. Je ne pouvais en parler à ma mère qui n'avait pas cette intelligence subite qui m'était tombé dessus grâce à des mots doux et rêveurs, mais je savais qu'elle comprenait.
Un jour, un homme vint à la ferme : il recherchait des chevaux forts et uniques pour des courses hippiques : je m'empressait donc, quand je le vis, de montrer ce que je savais faire, je galopais le plus vite que possible dans l'enclos en hennissant, ce qui le fit retourner la tête vers moi de façon curieuse et, comble de tout, je sautais par dessus la clotûre et vint stopper ma course folle à ses pieds : il avait les yeux globuleux, mon ami roux riait de joie et le fermier n'enrevenait pas : "Je le prends, tout de suite, votre prix sera le mien" !
Et je partis à l'arrière d'un camion, dans une petite maison à roues étroites, sans avoir fait une peite lèche d'adieu à celui qui m'a tout donné ! La route fut longue et j'arrivais chez mon nouveau maître : un endroit immense, tout vert, avec mes semblables en nombre incroyable. Je fus mis dans une écurie propre et remplie de bonne victuaille, seul, entouré des autres chevaux. Tout les monde paraissait heureux et content d'être ici et je dormis profondément.
Le coq me réveilla, je me levais aussitôt, on vint me chercher et on me laissa gambader dans un enclos, histoire de me défouler après tous ces kilomètres. Je fus heureux de pouvoir m'en donner à coeur joie, sous un soleil matinal déjà bien chaud. Quelques minutes plus tard, je vis mon nouveau maître venir avec d'autres gens et parler fièrement de sa dernière trouvaille : "C'est lui : il est incroyable !". Alors, sans qu'il m'en demande l'autorisation, je me lmis à courir, galoper, hennir, le tout joyeusement. Ils sourirent et m'applaudirent : " Tu avais raison : il est incroyable !".
Je continuais dans les semaines qui suivirent de courir devant lui et ses amis, de manger convenablement, de dormir et de profiter de l'endroit et de la nature. J'étais bien. Un jour, il me mirent un harnais et me conduire sur un centre hippique, on me mit une selle qu'on fit bien tenir autour de ma taille, un petit homme à casquette avec un habit coloré monta sur ma croupe, tapota gentiment ma cuisse et, poussant un "hé,hu", sans doute un dialecte bien de chez eux, je me mit à galoper vite tout autour de la piste. Le cavalier se cramponnait, moi, j'étais à mon aise et j'adorais courir aussi vite et cela ne déplut pas aux spectateurs présents car il crièrent de joie et le petit cavalier me caressa vivement la tête et la crinière, il me posèrent un grand drap sur le dos, c'était bien chaud, ça faisait du bien, et me reconduire à mon emplacement. J'ai dû leur faire un effet boeuf !
Mes journées se suivirent et se ressemblèrent : je fus mené sur le cours hippique et je fis ma course, tous les jours. Cela ne m'ennuyais pas, je leur montrais de quoi j'étais capable et ensuite, je me reposais, soit dans mon enclos, soit dehors à brouter et profiter du temps et ma vie me comblait. Un jour, on me dit : "C'est le grand jour, mon grand, je sais que tu seras le meilleur !". J'ignorais de quoi il parlait mais cela devait être important vu son état exalté. On m'emmena dans la maison mobile, et quelques heures plus tard, je fus sur une pelouse hippique inconnue mais avec un tel brouhaha ! une foule immense et compacte était dans les tribunes, il y avait plein de petits cavaliers à casquettes et brillants de coquetterie et cette journée avait l'air très importante pour eux.
"Mais au fait, on ne lui a même pas donné un nom à notre héros !". C'est vrai, je n'avais aucun nom, je me demandais bien ce qu'ils allaient choisir et là, j'entendis : "Appelons le Polly !". Polly ? Et là, je revis mon aventure avec mon ami roux à la ferme, ma mère, mon départ et surtout la lecture qui m'a fait devenir ce que je suis, ils ne pouvaient trouver mieux ! Ils emmenèrent Polly, c'est à dire moi, sur la piste de course : on m'enferma avec mon petit cavalier dans une sorte de corridor étroit et sans briques et, au coup de pistolet, tout cela se leva et ce fut le départ des chevaux. Nous étions dix à courir sur cette piste, nous étions tous aussi forts et téméraires car notre seul but était de gagner cette course tant attendue des humains, nous prenions les tournants avec rapidité, sans écarts, et nous filons sur la piste droite et, à la dernière ligne, je fournis un effort considérable et distançais tous mes partenaires, je finis premier de justesse et tout le paddock fut heureux de l'annoncer à la terre entière ! On me prit en photo, enjolivait mon nom, j'étais Le Cheval à voir !
Je n'étais pas orgueuilleux de ce qui m'arrivait, j'étais heureux de ce que je donnais à ceux qui croyaient en moi et on me le rendais bien. Je n'avais pas à me plaindre et j'étais heureux. Je fis d'autres courses, j'en gagnais quasiment toute la totalité et un jour, je devins sans doute vieux, car mes courses se distancèrent et ne devinrent plus qu'ephémères : j'étais mis en retraite alors que je savais que je pouvais toujours courir autant, je vis d'autres chevaux aller aux courses mais moi, je restais dans ma maison, et bien qu'on m'embrassais et me donnait de l'amour, je n'étais plus le premier. Il ne me restais plus qu'à attendre quelque chose de nouveau...Et il arriva !
Un matin, le coq avait hurler depuis déjà bien des heures, on vint me voir. J'étais encore embrumé de sommeil, je vis mon maître avec un homme aux cheveux hisutes, avec des lunettes de soleil qu'il retira pour bien me regarder. Mon maître ne fit que des éloges de Polly, ce qui plut à l'inconnu car il dit : "Je veux voir !". On me mena à l'enclos et je courus de nouveau comme avant, je galopais comme un fou, comme j'étais bien, les naseaux en feu et le vent soufflant contre ma peau ! Quand je revins vers mon maître, le nouveau était heureux comme tout et dit "C'est lui que je veux !".
Le lendemain, je quittais définitivement mon maître sans de dernières embrassailles, et je fus remis sur les routes. Quand je sortis de la benne, j'étais dans un endroit surréaliste : on déplaçait des décors, on criait dans tous les sens et on me mis dans un champ où l'herbe était délicieuse. J'entendis des voix, deux hommes s'approcha de moi : "Tu vois, Jean, c'est lui qui va me faire décoller les oreilles !" Jean riait : "Mon pauvre André : tu as de la chance, il paraît si gentil !". Les deux hommes me caressèrent et m'enbrassèrent.
Dans les jours qui suivirent, je sus que j'avais été acheté par un grand propriétaire qui utilisait ses chevaux pour le cinéma et je fus choisi pour jouer dans des films de cape et d'épée avec souvent les deux hommes qui sont venus me dire bonjour dans le champ. On tournait souvent à Monpazier car ce petit village médiéval était l'endroit rêvé pour des batailles et autres duels grâce à sa jolie place et ses maisons en arcades et il est vrai : de mes yeux d' équidé, j'adorais Monpazier ! Quand j'attendais mon tour dès le mot "moteur", je ne me lassais pas de regarder ce village, il était accueuillant et beau ! Je devins une sorte de star locale, mon nom de Polly m'aidait facilement. Je dois dire aussi que ce nouveau métier était bien moins fatiguant que les courses ! J'avais trouvé ma voie...
Là s'arrête le journal intime de Polly, les dernières pages sont illisibles, elles ont fait le bonheur des estomac des mites mais le peu que j'avais lu m'avais transporté et vu que j'ai un imaginaire incroyable, je me devais d'en savoir plus. J'allais voir la dame de l'exposition et lui demanda des renseignements sur Polly, le cheval qui écornait les oreilles de Bourvil quand il courrait à vive allure. Elle rit et me demanda d'aller sur la place, il y avait un film en tournage et plein de chevaux, elle me souhaita bonne chance. La place était remplie de caméras, d'acteurs, de villageois figurants et j'allais vers les chevaux qui attendaient. "Polly" ? J'attendais, rien, je hurlais "POLLY" et, là, au loin, j'entendis un hennissement, je courus en renommant le nom et j'arrivais devant un enclos où je vis un jeune cheval. "Polly" ? Il hennit à son nom et une jeune fille vint vers moi. "Vous chercher quelque chose ?". "Votre cheval se nomme Polly ?". Elle me sourit et compris : "suivez-moi" !
Elle m'emmena chez elle, une gentille maison de brique, dans le même jus que celles de Monpazier, elle habitait à 200 mètres de la ville. "Assezhez-vous, je reviens " ! J'attendais peu longtemps, elle revint avec un album photos. "Vous avez lu le bouquin à l'expo ?". "Oui". "Vous êtes bien le seul à en croire les mots". Je souris. Elle ouvrit l'album et là, un beau cheval, fier et droit fut le héros de celui-ci, à côté des dernières, il y avait le petit, celui devenu grand dans le champ. "C'est son fils ?". Elle fit oui de la tête : "il a le même caractère et tempérament bien trempé de son père et il nos comprend, lui aussi...". Et là, on rit aux éclats et je fus le plus heureux des hommes car je venais de vivre une aventure incroyable et exceptionnelle.
Merci Polly. Merci...