Discours

Alain Caron

Chère Marie, cher Thomas

A chaque mariage, un vieux relou s'empare du micro, monte sur l'estrade, sort de sa poche une feuille pliée en quatre et prend la parole, sans autorisation. Aujourd'hui, c'est moi.

Souvent, le mec sort deux ou trois anecdotes récoltées auprès des parents, sur votre enfance, votre penchant sur le chocolat ou vos petits caprices d'enfants gâtés. Aujourd'hui, c'est moi.

Mais, j'ai rien trouvé parce ce qu'on se connait pas trop. J'ai vu de la lumière, je passais par là et je suis rentré. Vous savez bien que personne ne s'arrête vraiment en Bretagne...(sifflets). D'accord, pour une fois, il ne pleut pas...(sifflets). Bref, je me suis arrêté et une dame d'un certain âge, la maman de la mariée (sifflets) m'a demandé de faire un discours. "Tu prends l'apéro si tu parles" m'a-t-elle dit en pointant sur moi son regard menaçant. Autant de route en voiture pour rater l'apéro, c'est pas possible. Alors, j'ai accepté.

C'est certain, je dois avoir la tête de l'emploi, je dois avoir la tête du mec qui ne peut pas refuser une bière. Je dois avoir la tête de l'emploi avec ma petite chemise et mon petit cul. Et merde, j'ai la tête du mec qui fait un discours de mariage...

2 heures pour écrire un truc à lire devant 150 personnes, c'est impossible. Alors, j'ai pris une bière, deux bières, trois bières et une galette-saucisse avec du maroilles et j'ai ouvert un bouquin pris au hasard et j'ai décidé de vous le lire. Et oui, c'est vrai, plus personne ne fait des lectures en public surtout pour un mariage. Alors, pourquoi pas et puis tout le monde s'en fout de vos histoires d'avant. Alors voilà ce que j'ai trouvé pour vous deux, Marie et Thomas :

Ecoutez bien : "On passe sa vie à construire des barrières au delà desquelles on s'interdit d'aller" Je le répète doucement pour les sourds de l'assemblée : on passe sa vie à construire des barrières au delà desquelles on s'interdit d'aller. Quelque soit son métier, éducatrice, terrassier ou douanier. Et derrière ces barrières, "derrière il y a tous les monstres que l'on s'est créés. On les croit terribles", tous ces monstres, ils sont grands, moches, verts ou très noirs, ils nous font tous très peur, on les croit "invincibles, mais ce n'est pas vrai. Dès qu'on trouve le courage de les affronter", ces monstres "ils se révèlent bien plus faibles qu'on ne l'imaginait. Ils perdent consistance, s'évaporent peu à peu. Ils disparaissent."Au point qu'on se demande, pour finir, s'ils existaient vraiment".(Blandine Le Callet)

Moralité : je vous embrasse, j'embrasse mamie pour m'avoir donné l'occasion de parler de mon petit cul et maintenant que tous les monstres ont disparu, on va enfin boire l'apéro ! 

Signaler ce texte