Disparue Volontaire

redstars


Parfois, j'ai envie de faire un sac, et de m'en aller. Où, j'en sais rien. Pour combien de temps, j'en sais rien non plus. Mais oui, parfois, j'ai envie de m'enfuir. Disparue volontaire. Je n'ai plus seize ans. Je pourrais. Les adultes font ce qu'ils veulent de cette chose là, la vie. Un pauvre mot, hein...


Je prendrais une polaire bien chaude, et des pulls qui étouffent, un jean épais, des chaussures confortables ou des bottes de sept lieux, un couteau voire une baguette magique, un briquet, une lampe torche, ma vieille bombe au poivre et mon carnet de sortilèges, un duvet et une épuisette à papillons… oui, et dans ma petite voiture, je partirais, direction nulle part.


Je roulerais un peu au hasard, sans savoir où, ni combien de temps. Je m'arrêterais de temps en temps Et je sais comment gagner un peu d'argent. Comme avant… Good girls do bad things sometimes... Et me fondre dans la plus glauque des réalités, et retrouver le visage de la déchéance dont je ne me souviens plus des traits. Ainsi que le goût âcre de cette autodestruction qui m'a tant manquée. Coucher avec la mort, nuit après nuit, pendant que dorment tranquillement les princesses et autres reines trompées par leurs Princes.

 

Peut-être que je croiserais des chimères, des licornes ou des elfes maléfiques. Là, dans ces mondes que je traverserais sans pouvoir prendre de photographies, voire sans chercher à en garder des souvenirs. Je plisserais un peu les yeux, pour distinguer les mirages et les oasis impalpables. Je dormirais à l'ombre des arbres centenaires, dans des forêts enchantées par mon imaginaire. Je parlerais aux gens, pour essayer de les comprendre, ou je les observerais, simplement, évoluer là, insouciants, presque naïfs, avec leurs petites vies remplies et similaires, des dominos à perte de vue. Encore et toujours à chercher pourquoi eux, ils n'ont pas envie d'abandonner. Pourquoi eux, ils vivent sans jamais se dire, et si je laissais tomber ?

 

Surtout, ne plus donner de nouvelles.

Disparaître purement et simplement.


Jeter mon portable pour ne pas être suivie, le fracasser sur le goudron. Et me retrouver sur le banc des marginaux, des désenchantés, des désabusés. De ceux qui ont trop cru, trop espéré, de ceux qui se sont perdus, ou égarés. De ceux qui ne s'entendaient plus très bien avec la vie. De ceux qui ne savaient comment composer avec elle. Ou juste la supporter. Oui, partir, rejoindre les autres, sales comme des anges. Partir pour mieux revenir, ou partir pour ne jamais réapparaître. Ne pas annuler mes rendez-vous. Ne rien préparer. Partir d'un coup, comme ça, quelque soit l'heure. Préparer mon petit bagage, comme j'irais faire les courses. Mettre la clef dans le contact, et m'en aller, moi et ma fatigue mentale, morale, mon épuisement, moi et ce trop ou ce plein que je ne supporte plus.

 

Errer un peu à droite, un peu à gauche. En diagonale, et dans la marge, y noter des détails en pattes de mouches, et surligner les passages importants de mon histoire sans chapitres. On chercherait sans doute mon corps. Étant donné les idées noires dans ma tête, ces fleurs noires qui forment de somptueux jardins toxiques là au fin fond de mon âme trouée. Mais on ne le retrouverait pas. Car je serais partie au loin, là où personne n'irait chercher quoi que ce soit, ou qui que ce soit, là où les étoiles mortes brillent encore. Et je changerais d'endroit, souvent. Et je chercherais le sens de cette vie qui m'échappe. Et j'irais me perdre au pays des merveilles. Là où les chemins s'effacent avant que l'on ait eu le temps de les emprunter. Là où chantent les fleurs mélancoliques. Là où on me trancherait la tête.

 

Voilà à quoi j'ai pensé avant de m'endormir, après cette énième dispute, après ces énièmes miettes le long de mon corps, qui s'éparpillent et tombent quand je me gratte. Je me dissous, je m'étiole, regarde. Si je gratte trop, je vais redevenir poussière. De moi il ne reste plus grand-chose.

Alors parfois oui, c'est l'envie, celle de m'en aller, une nuit, sans faire de bruit, sur la pointe des pieds. Chut....


  • Merveilleuse écriture sombre et si noire que l’on a envie de vous prendre dans les bras et de vous bercer comme un petit enfant. C’est ce que j’ai envie de faire chaque fois que je vous lis.

    · Il y a plus de 6 ans ·
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    nehara

  • " qu"à écrire sur mes ressentis" dites vous, mais il n'y a rien de réducteur dans l'écriture de ses ressentis, si la forme est belle et le fond consistant !

    et puis un beau matin, vous élargirez peut-être une de ces fenêtres sur un nouvel et plus large horizon qui sait

    mais en attendant, votre miroir est passionnant

    on y plonge on s'y noie sans doute avec ravissement

    · Il y a plus de 6 ans ·
    Image de femme baroque

    anna-c

    • Merci :)

      · Il y a plus de 6 ans ·
      Zt245dd

      redstars

  • (Je n'avais pas encore lu votre "profil" ! Tout y est !
    Borderline, Cela m'évoque ce film de Cassavettes avec Gene Rowland en Femme sous Influence ...Dur.
    Mais quelle vulnérabilité chez l'héroïne, ce qui la rend forcément attachante !
    Alors..........)

    · Il y a plus de 6 ans ·
    Image de femme baroque

    anna-c

  • C'est l'effet burn out , tel que je l'imagine....Il faut absolument arrêter la course folle et faire une pause, en effet. La vie "pauvre mot", certes, mais nous n'avons que cela, quelques années....si tout va bien. Et vous parlez si bien malgré tout ce gris, malgré tout ce noir, de ses merveilles, de ses beautés, de ses fleurs mélancoliques, de sa magie....ouf, tout n'est donc pas perdu !

    Il faut lire Cioran. Plus noir tu meurs. Et justement c'est cela qui requinque ! A trop médire de la vie et des hommes, le cynique Cioran nous fait rire de lui, et aussi nous-mêmes !

    Cela dit, votre cri sonne juste, on vous suivrait bien dans votre fuite et vous l' écrivez bien. Il faut absolument que quelqu'un vous prenne dans ses bras, que vous pleuriez au chaud !

    On souhaite que ce texte soit une simple création littéraire, on souhaite que cela ne soit pas du vécu vrai....

    Parce que c'est trop douloureux.

    · Il y a plus de 6 ans ·
    Image de femme baroque

    anna-c

    • Merci pour votre passage, j'ai lu Cioran dans le passé. Du reste tout est réel, malheureusement je n'arrive plus qu'à écrire sur mes ressentis. J'irai voir votre profil, merci de votre passage en tout cas

      · Il y a plus de 6 ans ·
      Zt245dd

      redstars

  • Trop bien écrit, mais chut....

    · Il y a plus de 6 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • Merci Louve encore une fois, merci de me lire :)

      · Il y a plus de 6 ans ·
      Zt245dd

      redstars

    • C'est bon de s'épancher, et d'être lue (te) vous fait du bien !

      · Il y a plus de 6 ans ·
      Louve blanche

      Louve

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