DISTANCE

Julie Ormancey

Je ne sais pas pourquoi on s'aime. […] On lutte pendant si longtemps contre notre plus grand gouffre, se répétant avec fierté que nous en sommes sortis, pour finalement y retomber en une fraction de seconde, en un regard de garde baissée. Ne sommes-nous pas tous en permanence entrain de lutter contre nous mêmes. L'amour n'est que tendresse, et le sexe, lui, dans son unique frénésie, reste un leurre qui nous aveugle aussi longtemps que nous accepterons de lui donner crédit.


J'ai été l'amertume d'un souvenir disparu, tout comme l'ivresse de celui qui boit, j'ai été la vapeur des illusions des hommes trop faibles pour demander pardon, trop lâches pour se faire une raison. Et sans eux je reprends vie, ultime funambule de mon hérésie, je sais aujourd'hui que je n'ai pas tant besoin de leur amour que de celui du monde. […] J'ai cru pouvoir écrire le bonheur, j'ai cru trouver les mots qui auraient su le définir. Mais je crois que seule la douleur sait s'écrire, je crois qu'elle est la seule à pouvoir se raconter, sans faux semblants ni préjugés.


La joie a quelque chose d'aussi absurde qu'un baiser raconté, seul un baiser volé mérite l'honneur d'être couché sur papier. Ce second-là chuchote le drame et l'indicible tragédie d'un coup du ciel incompris. […] Puis il y a eu le manque. Sentiment qui m'a été bien familier, dès ma moins tendre enfance, il s'est collé à ma peau sans jamais me quitter, il aura été mon ultime et plus fidèle compagnon régulier.


Le manque a cela de fascinant qu'il a du mal à se laisser écrire, il tranche en silence dans tout ce qu'il vous reste pour vous le retirer.

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