Fruit pourri

jo75

Blottie dans ses bras, je savoure l'instant quand soudain son téléphone vibre. Je regarde discrètement l'écran. Un message d'une fille que je ne connais pas. Qui est-ce ? Lentement, la chaleur quitte mon corps, laissant place à un vermisseau qui pénètre dans mon cœur et vient en ronger les parois, se nourrissant de mes inquiétudes. Je fais taire l'angoisse qui monte en moi et chasse les mauvaises idées, retournant à ce moment présent avec lui.

De retour chez moi, je m'endors, oubliant toutes mes idées noires, alimentées par mon imagination malsaine et fertile. Cependant, le vermisseau continue de grandir, instillant de jour en jour un peu plus de confusion dans mon esprit.

Toutes les fois où je me retrouve chez lui, je répète la même scène. Je me fais violence mais ne peux m'empêcher de fouiller les draps blancs des yeux, à la recherche de cheveux longs ou de traces de maquillage trahissant le passage d'une femme, d'une rivale dans son lit. Aucun indice ne vient confirmer mes soupçons. La fièvre retombe alors. J'ai gagné ma bataille intérieure et souris, me moquant de moi-même.

Quelques semaines plus tard…

Voilà deux heures que mon message est resté sans réponse. Deux heures pendant lesquelles mon cerveau confus et en ébullition me fait imaginer les pires scénarios. Je le vois avec une femme. Il lui fait l'amour, de la même façon qu'à moi. La petite voix sournoise du ver pénètre jusqu'à mon cerveau qui abandonne toutes ses défenses. Je ferme les yeux de douleur face à cette idée qui devient maintenant une évidence. Mais les paupières closes, la vision se fait plus nette, plus percutante, plus réelle. Mon estomac se tord, la nausée me monte à la gorge tandis que mes yeux se mouillent.

La jalousie me ronge de l'intérieur. Le ver, niché au fond de mon cœur, a aboli toute trace de bonheur et d'insouciance. Il ronge mes entrailles, aspire le souffle de vie qui m'anime, annihilant toute pensée rationnelle et distille en moi le poison acide du doute et de la peur. Accablée par ma possessivité et ma jalousie, je me referme sur moi-même, gisant sous son joug intérieur.

Mais, le ver, toujours plus pernicieux, continue sa lente croissance.

Il est là, à cette soirée. Il discute avec une femme, bien plus belle et élégante que moi. Je les épie depuis ma cachette. Il la prend dans ses bras, lui fait des sourires. Mon cœur se tord, libérant le venin qui se propage dans mes veines, glaçant au passage chacun de mes membres. Je me dirige alors vers eux et écarte ma rivale pour qu'elle ne puisse plus le toucher, lui, l'objet de mes désirs. Ma larve intérieure se tortille de plus belle en moi, jouissant de ma peine et de ma colère dont elle se repaît. Je crie, je hurle ma douleur, m'arrache les cheveux tandis que des larmes de rage jaillissent de mes yeux.

Lui me regarde, ahuri, choqué. Il ne reconnaît plus la jeune fille si douce qu'il avait rencontrée. Je croise son regard et comprends. Ses mots fusent à travers mes oreilles bourdonnantes, cinglants, telles des flèches venant chacune me harponner en plein cœur tandis que mon ver intérieur continue de se tordre de plaisir.

Face à la violence des propos, ma colère retombe d'un coup. Mon ver intérieur se recroqueville sur lui-même, repu. La raison revenue à moi, les sens encore engourdis, je me sens honteuse face à ma crise de jalousie et regrette mon attitude enragée. Mais il est trop tard pour les regrets et les excuses. Je viens de briser mon bonheur en mille morceaux, révélant à tous ma folie intérieure. Mon cœur roule alors au sol, tel un fruit pourri, rongé par le ver.

 

 

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