DROLE DE ZEBRE

Isabelle Revenu

C'est un drôle de zèbre mais il ne me fait pas rire. Il a sa paillasse en moi. A l'étroit. Sa vie est à l'image de sa cage. Doublée des barreaux de son joli costume.

Je suis en ce moment le cortège en répétition. Un cortège qui le conduira de vie à trépas.

Mais il ne peut ni ne veut disparaitre. Il a essayé des dizaines de fois d'escalader la pente raide qui mène plus haut.

Et je ne veux ni qu'il disparaisse ni qu'il me délaisse.

C'est un drôle de zèbre qui ne m'arrache aucun bravo. Ses sabots s'entravent dans une herbe folle et bruissante, balayée par la bise froide.

Le voilà prenant le vent de face. Le voyez-vous se protégeant des assauts d'Eole ?

Il détourne la tête, naseaux asséchés. Yeux en pleurs. Il est tout seul.

C'est un drôle de zèbre mais sa posture n'est pas comique. Il n'avance et ne recule pas davantage. Il a mal à sa vie. Il aimerait bouger, retrouver sa route ou mieux, en tracer une autre. S'enhardir sur ce petit chemin de terre ocre, ne faire attention à rien. Juste avancer.

C'est un drôle de zèbre triste que j'aimerai monter. A cru, je l'ai cru. Sans rênes et sans guide. Il ne va jamais où je voudrais qu'il vienne. Il me perd dans ses déserts de sable blond. Dans ses cieux lumineux et ses yeux aguerris.

C'est un drôle de zèbre qui me fait mal à regarder. C'est lui en moi. Tout le temps. Et par tous les temps. Tant au beau comme au mauvais. Il me sème parfois en pleine tempête, en plein no man's land.

D'autres fois, il m'aime à l'orée d'un bois ou même au beau milieu des tournesols.

C'est un drôle de zèbre qui fait des tours de passe-passe.

Il fait le sourd de ses belles oreilles bigarrées et couvre ses paupières d'un sel amer qui brûle les miennes.

J'ai ouvert pour lui la boîte que Pandore m'avait recommandé de garder fermée. Tout m'a explosé à la figure.

Un Hindenburg en déroute. Un mégalithe à terre. Un oiseau blessé...

C'est un drôle de zèbre vraiment.

Vraiment.

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