Il éteignit l'écran pour ne plus voir ni écouter. Il ne voulait pas être complice, ne pas subir l'affront d'être trahi par ses sens. La sensation de participer au grotesque ne lui plaisait pas. Il n'était pas acteur, uniquement un spectateur de mauvais goût. Une saveur amère auquel il s'habituait, avec regret et sans surprise. Il se leva, les jambes engourdies par ce long moment d'inutile immobilité et s'étira, espérant enclencher un processus de mouvement aboutissant à une véritable finalité.
Il se rendit compte sans tarder qu'il en décida autrement. Ses yeux se posèrent sur sa table basse. Elle était d'une laideur simpliste, on ne pouvait trouver meilleur adjectif, un meuble de bassesse. Dessus, les journaux de la veille. Ou peut-être des jours passés. Il ne savait plus. Les couvertures avaient un caractère interchangeable, d'un numéro à l'autre.
Ce n'était qu'un présumé fantasme papier des aspirations humaines du moment. Des années plus tard, on regarderait ces feuilles jaunies pour y déceler l'état d'esprit populaire à un instant T. On y verrait un manque de pertinence enrobé d'efficacité. L'opinion, une valeur variable au gré des actualités. Le débat, une fureur de mauvaise foi.
Les polémiques prolifiques des ennemis politiques, le cynisme financier en argent comptant. La célébrité poisseuse et les articles charognards. Elever les chiffres et les enfants au désenchantement. Résolution inexistante pour l'avenir incertain.
Il soupira et jeta les vulgaires froissés par son mépris. Il alla de pièces de pièces, sans trajet apparent. Il arriva dans sa chambre et pour la première fois de cette journée ses sens lui apportèrent satisfaction.
Les plies déformés, le gonflement régulier des draps cachait des formes reconnaissables. Attendrissante par la familiarité, il ne douta jamais de cette présence. Il se glissa lentement contre elle. Ses mains jusqu'ici peu usité trouvèrent là un intérêt affirmé d'un frisson. La gorge palpitante et les cordes vocales accordées d'un gémissement partagé. Les jambes répandues et les cuisses tendues d'une envie certaine. Des doigts qui se cherchaient sans besoin de se trouver, à descendre le long des côtes, à remonter le long du dos. Longtemps sans autre tenue, à deux êtres prêt à oublier les caches-misères du quotidien.
Le parfum des corps impatients, les gouttes salées des yeux amoureux sur les langues endolories par des lèvres assassines. Ces bandits taquins menaçant de l'ennuie ou la vie ? La réponse ne put se faire attendre, et elle fut par bonheur pour nos affectueux, d'une prévisible douceur.
Vivre pour ce qui compte, sans compter les deniers. Sans le voisin pour épier ni de politesse à posséder pour écouter les avis imbéciles de ce dernier. Ne rien donner, pas même un coup de rein à la bonne vieille société.
Se préserver des flatteries vicieuses, tendre sa main sous les draps et caresser la peau heureuse. Couvrir les entres et choisir d'un oui, d'un non, un espace, un instant, un désir, un prénom. Moiteur et humidité de la chair frôlée. Elle tisse au travers des veines et comble les artères qui furent cratères. Amour, du coton pour mon coeur. Sensible à l'humide. Il ne se déchira pas. Torsion amoureuse du fil à l'appétit de dentelle.
Heureux que cela puisse plaire !
· Il y a environ 11 ans ·Scythe Crow
C'est un texte magnifique !
· Il y a environ 11 ans ·janteloven-stephane-joye
Votre "coton" est un baume pour les âmes...
· Il y a environ 11 ans ·ahqepha