Eclipse

Petite, à peine née, tu te sens choyée

Comme une princesse, mignonne aux grands yeux verts,

Tu es à l'abri, ne crains rien, n'aies pas peur,

Cette famille aimante et douce veille sur ton beau berceau.

Je marche enfin, on me court après, j'accélère

Et trébuche sur le tapis du grand salon,

L'odeur lourde du parquet ciré fleure bon…

On m'attrape. On me couvre de caresses et de baisers.

Petite, tu as bien grandi, mais s'il-te-plaît,

Ne sois pas pressée, sors, profite du grand air !

Il pleut, les flaques s'agrandissent, passent les heures

Où demeure cette colombe que fuient les gouttes d'eau.

Rappelle-toi, notre maison aux arbres verts,

Comme autant de grandes grilles te protégeant

Et au pied desquels, ces iris violets valsant

Au vent violent imitaient le spectre d'une épave échouée.

Petite, la Vie emmènera tes jouets,

Tes premières larmes, les fantômes clairs

Du salon, tes premières peines de cœur…

Berce l'instant, bientôt cette Dame fera couler les eaux !

Et toi et moi n'est désormais plus un mystère

Et toi ou moi, d'un même cœur nous avançons

Moi le passé de toi, dans la même maison

Où, lentement, je m'endormirai parmi tes roses fanées.