Éconduit

vejd

Concours Transfuge Shakespeare et la Jalousie

          Ça fait des mois que je passe par chez toi à l'improviste. Je sais que tu apprécies mes visites. Ça se voit quand les gens sont sincères. Tu m'aimes bien, c'est certain ! Mais c'est quoi cette silhouette que je vois à côté de toi ?
C'est une femme ? Bordel ! Ça a plutôt intérêt à être une femme ! Si c'est un homme, je vous découpe tous les deux et je vous enterre au milieu du bois. On me fait pas ça à moi !
Je délire, il faut que je me calme... T'as le droit d'avoir des amis. J'ai quelques amies moi-même. Des ex pour la plupart... C'est tellement débile ce cliché. On n'est pas des bonobos. On est civilisés.
          Putain ! Je crois que c'est un homme... Le fils de... Vous êtes très proches l'un de l'autre. Tant pis pour les fleurs, je les jette dans cette poubelle. Tu les mérites pas.
Pourtant, on est bien tous les deux. Ce que j'aime chez toi, c'est qu'il n'y a pas à parler plus que ça, tu laisses les corps s'exprimer. T'es pas comme ces pétasses que je fréquentais jusqu'alors. Celles-là, il fallait attendre des jours avant qu'elles ne daignent m'ouvrir leurs cuisses. Ne parlons même pas de leur cœur ! T'es tellement à l'aise avec ta peau, ça me donne des complexes. J'ai jamais été aussi nu devant quelqu'un. Dans tes bras, y a comme un bout de bonheur qui s'effrite doucement. On se cache de la vie dans notre étreinte, parce qu'on est d'accord tous les deux : dehors, ça fait peur. Tu me touches comme personne. Je me sens puissant pour un bref instant. Tu me dis que j'ai toujours été fort, mais j'en rigole ; et tu sais alors que tu devras continuer à me protéger. Je suis pas prêt à être autonome. Autonome, c'est seul. Je suis et resterai un nourrisson affamé devant tes mamelles rondes et gigantesques comme des montagnes. Et tu continueras à me tenir en joue avec ces tétines droites. J'avais que des petites fièvres avant de te connaître. Tu m'as filé la maladie incurable la plus profonde qu'on puisse éprouver. Je lape tes poisons aux sources de ta respiration, de ta transpiration, de tout ce qu'il y a de plus nocif en toi. Tout ce qui est sale est exquis. C'est la banalité la vraie saleté.
          Il pose la main sur ton épaule ! Tu te laisses approcher comme ça ? Tu penses à moi ? C'est tout le respect que t'as pour moi ? T'es vraiment conne ma vieille. Quelques belles paroles et il t'emballe tranquillement. Qu'est-ce qu'il peut bien te raconter ce rapace ?
- "Si ton âme est aussi belle que ton cul, tu dois être mère Thérésa ?"
J'ai envie de te tuer tellement tu te laisses faire. Je suis là, planté à contempler cette insulte. De toute façon, je savais que je pouvais pas te faire confiance. Les filles comme toi, elles sont faites pour cracher sur les sentiments. T'es vénéneuse. T'as toujours été trop lointaine ; tu finiras seule, tu crèveras et t'auras toute la place du monde dans ton caveau. Tu ressens rien, y aucune émotion qui irrigue ton cœur ; t'es déjà morte. Pour moi, tu l'es.
Maintenant vous vous embrassez ? Sale pute ! Mais qu'est-ce que je t'ai fait ? Je t'aimais comme si j'étais un foutu personnage de roman à l'eau de rose. Je connaissais le moindre de tes grains de beauté. Je t'apportais des fleurs. J'avais envie qu'on s'en aille d'ici, qu'on se donne la chance de recommencer notre vie ailleurs. Je te rêvais dans ta robe blanche, notre amour célébré par un maire pour lequel on n'aurait pas voté, et on se serait regardé en étouffant nos rires complices. On aurait eu une famille comme dans les séries américaines. J'aurais détesté ta mère presque autant que je te déteste maintenant. Alors qu'est-ce que j'ai pu faire ? J'ai pas été à la hauteur ?
Je hais l'image que tu me renvoies de moi-même. Je me sens trahi par ce que j'éprouvais pour toi.
Merde ! Je te laissais même de l'argent pour que tu t'en sortes... Parce que je t'aimais... T'as perdu un client, sale pute !

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