Ecume
fionavanessa
J'habite un pays océanique.
Parfois, j'ai rendez-vous avec la mer, pour une brève discussion, ou moins brève.
La lente succession des vagues, le ressac, l'énergie de l'onde soulevée jusqu'à ce qu'elle se brise et devienne écume, et que l'espace d'un instant, plus rien ne bouge, tout soit horizontal, avant le prochain galop de la prochaine vague jusqu'au sable, ce sont les énoncés marins, à quoi je réplique en pensée, c'est ainsi que cela se passe, la vie est ainsi, et lentement mes yeux quittent le bord de mer et prennent le large, ma vue s'étend, la vague émotionnelle qui m'agite cède peu à peu au calme de l'horizon.
L'homme est fait d'eau, dit-on. Et véritablement, nous produisons des liquides variés, les larmes, la sueur, la poche des eaux qui se rompt, et d'autres encore, plus secrets. Lorsque nous sommes troublés, ou en effort intense, nous redevenons mer, lac, rivière, et nos débordements en renversent un peu au passage, de cette eau dont nous, les contenants, maîtrisons mal l'horizontalité.
Sans quitter mon rivage, j'ai changé d'horizon.
Ton pays est derrière moi.
Ce voyage, je ne peux pas l'oublier, il est inscrit dans ma chair, dans mes cicatrices.
J'ai accepté d'être l'écume qui se meurt au bout du voyage.
Alors la nouvelle vague de vie naît, imperceptible d'abord, un simple battement de paupières, puis une petite pirogue qui fend l'eau droit devant, enfin un tremblement divin du haut du ciel chargé jusqu'en bas dans les abysses, qui dit, je vis, tonnerre de Brest, et qu'importe le reste ? Ni passé ni futur, que la vague présente qui me happe et que je me laisse être.
C'est alors que j'aperçois ma nouvelle terre.
Je sais que c'est là que je vais, le courant m'y amène.
Je ne me soucie plus d'être heurtée par les vagues. De mourir écume. Car je sais qu'après la vague vient une autre, et que cela ne meurt jamais.
Après une pensée, pas chassé, vient une autre. Après une journée remplie de toi, pas chassé, vient une autre.
Dans les jours sans toi, je perçois maintenant le son que ne manquera pas de produire la journée où tu seras. Dans laquelle il y aura en écho les jours où tu n'étais pas là, les prémices de toi.
Alors, se fond ma limite. De petite vague, j'embrasse le tout, ou le tout m'embrasse, et dans ce tout tu n'es jamais loin. Je ne suis vraiment moi qu'abandonnée au tout, que m'abandonnant. Je ne suis vraiment moi que partagée dans le tout, où tu es, toi. Tes jours d'écume, laisse-les s'échouer dans le tout, c'est la force de l'onde qui t'emportera plus loin, encore une fois, vers moi peut-être, qui suis sur le rivage sans bouger, et embrasse du regard ce tout où tu es, toi, et où je suis, moi. Le reste n'est que dentelle et végétation, décor et civilisation. Mon eau-de-vie, c'est toi.
Comme une bouteille à la mer qui s'accroche à son destin et qui , à force de dériver, trouvera un jour son destinataire. Un jour. Superbe cette phrase "Mon eau-de-vie, c'est toi."
· Il y a environ 9 ans ·erge
Merci Ergé. Parfois, rien à faire qu'attendre que la vague de vie vienne à nous.
· Il y a environ 9 ans ·fionavanessa
Ce qui est bon c'est de savoir qu'elle viendra à nous :) Un jour.
· Il y a environ 9 ans ·erge
oui cela ressemble bien au mien avec le problème de l'amour en plus. pas de problème d'ailleurs l'amour est au cœur de la vie, mais la mer est un apaisement pour tous ceux qui sont un peut trop immobiles avec leur corps. Ies vagues donnent le mouvement, comme les rails dans le train. Encore une fois bravo pour ton écriture.
· Il y a plus de 9 ans ·elisabetha
Bp d'émotions dans ce cœur palpitant...
· Il y a plus de 9 ans ·Apolline
c'est bien là le nœud du problème !
· Il y a plus de 9 ans ·fionavanessa
merci beaucoup !
· Il y a plus de 9 ans ·fionavanessa
et moi je vous découvre. magnifique et vrai, vécu.
· Il y a plus de 9 ans ·monamacdee
merci beaucoup !
· Il y a plus de 9 ans ·fionavanessa
Waw c'est un texte qui parle beaucoup, pas de mots....Bravo !
· Il y a plus de 9 ans ·ade