Elle
nyckie-alause
Lumière ? Qu'en est-il de la lumière quand elle a traversé les shoji ? Elle semble dansante, car de chaque côté des panneaux s'illuminent les particules de poussière que les pas de celle qui entre font naître du néant.
Son mouvement est fluide, son vêtement de soie blanche s'enroule puis se déploie dans l'espace presque vide, comme un reflet qui précède l'apparition d'un objet produisant sa propre lumière. Elle glisse plus qu'elle ne marche. Une vibration de luth envahit le fond de cette immense salle, longue, mais longue… tant que le fond en semble inaccessible. Puis soudain la musique cesse et elle se penche s'accroupit se cache entre des arbres pas plus hauts que des nains pétrifiés. Certains sont juchés sur les trois pattes d'une table de bois noir, et d'autres voulant prouver une majesté légitime due à leur grand âge, sont érigés sur des promontoires rocheux comme des astéroïdes, ou des boulets de lave issue d'anciens monde. Quand le luth se laisse à nouveau entendre, elle se redresse comme un oiseau qui s'envole, elle écarte des bras plus grands que des ailes, ses plumes de soie bruissent. Jusqu'à son souffle qui était silencieux et qui devient aussi puissant qu'un cri. Elle danse. C'est cela, la danse, c'est exactement cela.
Elle s'incarne dans la femme et n'est plus que cela. Qui est cela ? Et qui est elle ?
Qui connait vraiment son nom croit la connaitre « Elle », mais c'est un leurre. Son nom je ne peux vous le dire, elle me l'a interdit. Si je devais lui envoyer une lettre je ne pourrais que l'écrire. Puis je devrais traverser la ville en mettant la main à ma poche pour qu'elle ne s'échappe pas, qu'elle ne me soit pas dérobée, quand je croise du monde et forcément j'en croiserais beaucoup dans cette ville surpeuplée de foules mouvantes. Le fleuve reflète les arbres anciens qui soutiennent ses berges. Je devrais suivre le fleuve. Quelquefois un héron se lève et prend possession du ciel d'un vol majestueux, il danse et tournoie comme s'il la connaissait pour se poser avec son élégance un peu plus loin et attendre que je m'approche.
Quand je me rencogne dans la quatrième niche, la plus spacieuse, creusée dans le mur au ras du sol, elle doit penser que je suis un arbre, elle louvoie sur son retour dans cette pièce longue longue, entre les arbres rabougris, et ne m'aperçoit pas. L'air qu'elle déplace est une caresse qui nous effleure, les arbres et moi. Quand la musique cesse à nouveau elle rejoint la porte par laquelle elle est entrée et disparait.
Longtemps l'air se déplace encore, longtemps les shoji ondulent dans l'air du soir avant de s'immobiliser. Et là, jusqu'à la poussière qui se repose, ne restent de vivants dans ce lieu que les arbres et moi et qu'enfin j'ose mon souffle.
Quand au-dessus de ma tête et de leurs cimes torturées le parquet du premier étage grince, des portes claquent, des canalisations se déchargent, j'ose me relever. Je remplis cette jolie cruche d'une eau que la pluie a offerte et je distribue à mes congénères leur récompense. Il ne faut pas plus longtemps que mon minutieux arrosage pour que les bruits venant d'en haut cessent.
La danseuse est couchée. Je vais descendre la ruelle et suivre le fleuve pour rentrer chez moi et demain, peut être lui écrirai-je une lettre.
Drôle d'univers, un brin zen et surtout génial.
· Il y a presque 3 ans ·Coup de cœur pour ce voyage, même si j'ai pas tout compris.
Christophe Hulé
Un amoureux qui ne s'est pas encore dévoilé ? Un bonsaï qui se prend pour un homme ? Une danseuse retenue ? Moi-même quand j'écris des choses m'échappent.
· Il y a plus de 2 ans ·nyckie-alause
tu l'éditeras??? cette lettre???
· Il y a presque 3 ans ·vividecateri
C'est une idée… mais j'avoue que je ne l'ai pas encore "lue"
· Il y a plus de 2 ans ·nyckie-alause