Elser, un héros ordinaire

Un DVD très mal distribué en France pour un film qui a à peine tenu une semaine à l'affiche en 2015. Il n'en existe qu'une version en VO (allemand) sous titrée en français. Perso cela ne m'a pas dérangé puisque je maitrise la langue de Goethe à environ 80 %. Cela dit, je concède que cela puisse en rebuter plus d'un et il serait dommage que ce film et cette histoire certes presque anecdotique, ne soit pas connue par le plus grand nombre. J'ai emprunté le DVD à la médiathèque, médiathèque qui à travers son rôle de promotion culturelle, se devait elle, d'offrir ce film à ses abonnés.

J'avoue, qu'après une longue période de recherches et de documentation sur la seconde guerre mondiale, je suis un peu en saturation et que ce n'est pas forcément le genre de film que j'ai envie de regarder en ce moment durant mes temps libres. Cependant, ne connaissant pas cette « anecdote » survenue peu avant la seconde guerre mondiale, alors qu'en Allemagne montait le nazisme et le tristement célèbre Adolf Hitler, ma curiosité a pris le dessus. Et puis avouons que notre époque actuelle est suffisamment inquiétante pour que l'on dépense plus d'énergie à l'analyser plutôt que de se pencher et de se rabâcher des choses qui font aujourd'hui partie de notre triste histoire ancienne. D'ailleurs, le peuple allemand a su tirer des conclusions et des réflexions de son tragique passé et est aujourd'hui un exemple de démocratie et de pacifisme pourrait on dire, même si la bonne attention et la bienveillance finissent  souvent hélas par devenir un triste paradoxe …

Synopsis...

Allemagne, 8 Novembre 1939. Adolf Hitler prononce une allocution devant les dirigeants du parti nazi dans la brasserie Bürgerbräu à Munich. Une bombe explose, mais Hitler ainsi que Joseph Goebbels, Heinrich Himmler, Martin Bormann et d'autres ont quitté les lieux quelques minutes plus tôt. L'attentat est un échec. Rattrapé à la frontière suisse alors qu'il tentait de s'enfuir, Georg Elser est arrêté puis transféré à Munich pour être interrogé. Pour les Nazis, il s'agit d'un complot et on le soupçonne d'être un pion entre les mains d'une puissance étrangère. Rien ne prédestinait Georg Elser, modeste menuisier, à commettre cet acte insensé ; mais son indignation face à la brutalité croissante du régime aura réveillé en lui un héros ordinaire…

Elser est le dernier film en date d'Oliver Hirschbiegel, un cinéaste allemand au quel on doit notamment le film « La chute » qui dépeignait les derniers jours d'Adolf Hitler, mais également un bon nombre de biopics d'une grande qualité comme « Diana » ou « Borgia ». Son meilleur film, d'ailleurs inconnu en France est «Das experiment » (l'expérience de 2001) qui avait fait l'objet d'un remake américain très discutable « The experiment ». Le monsieur est un cérébral et ses films sont tous des réflexions sur divers sujets.  Hirschbiegel argumente le fait que le choix de ses sujets n'est pas de dépeindre l'histoire mais de prétexter des faits historiques pour suggérer une réflexion sur notre futur en tirant donc des conclusions de notre passé.

Elser en est un exemple flagrant. L'attentat raté contre Hitler qui aura fait tristement sept morts, tous des civils innocents, a presque été oublié par l'histoire. Étant un échec total, cette anecdote de l'histoire du troisième reich n'a laissée aucune trace ou si peu dans l'histoire. Hirschbiegel nous laisse simplement un message d'espoir en nous disant que nous pouvons tous être des héros ordinaires en faisant juste entendre notre voix ou notre volonté. Le pouvoir politique, les décisions d'une élite, ne sont pas une fatalité car nous restons tous acteurs et au final, décisionnaires du système dans le quel  nous évoluons. Georg Elser était un jeune artisan libre et libéral, un homme  simple, intelligent et même libertin, qui avait pris conscience avant les autres qu'Adolf Hitler n'apporterait à l'Allemagne que la mort et la misère. Et c'est tout naturellement qu'Elser décidât seul, de mettre fin à la vie du führer … On dirait aujourd'hui, ‘qu'il avait des couilles !' Pour les plus jeunes, je précise qu'avoir des couilles, cela ne signifie pas uniquement de savoir attraper des Pokémons avec son portable ! Mais fermons la parenthèse…

Son action fut donc hélas un échec et le film n'a pas vocation de nous dire ce qu'aurait pu être le monde si Elser avait réussi. Après l'attentat raté, cette histoire n'aurait en fait plus aucun intérêt, mais Hirschbiegel s'étale durant toute la durée du film en de longs flashbacks sur ce qu'a été la vie de ce jeune allemand avant l'emprise d'Hitler. On nous montre une Allemagne libre et ouverte à l'art et au monde. Une Allemagne avec des rêves et une liberté des mœurs presqu'en avance sur ses voisins. Le film nous montre aussi parallèlement à tout cela, la montée du nazisme et du parti. Un pays divisé en deux avec d'un côté ses rêves et de l'autre la montée d'une folie incontrôlée qui comptait autant d'adeptes convaincus que d'individus sans opinions qui suivaient simplement le mouvement.

Elser, un héros ordinaire nous montre surtout une Allemagne avant son naufrage dans une guerre qui aura fait plus de 50 000 000 de morts sur l'ensemble de la planète. Un pays qui avait soif de liberté mais qui avait également ‘faim' tout court et qui a suivi un hypothétique sauveur, un guide. La suite on la connaît …   Le point fort du film est de nous montrer la vie de ce modeste artisan, visionnaire et courageux et au public d'en faire un parallèle avec notre époque. A signaler que les reconstitutions sont bluffantes tout autant que les acteurs d'ailleurs. C'est un film décalé et parfois même sympathique, cru et dur aussi car il nous montre les choses sans fard en laissant peu de temps à la suggestion et à l'imagination. Les scènes de tortures et d'exécutions sommaires effectuées par la gestapo et les nazis (parfois même dans leurs propres camps ou partis) sont volontairement et précisément montrées car on ne parle pas de la torture, on la montre, pour éviter toute ambigüité de langage ou de métaphores. La torture ce n'est pas une vue de l'esprit ou un concept diffusé par les médias, mais une chose que l'on ne ferait pas à un animal, mais que l'homme s'autorise sur ses semblables en prétextant des idées ou des idéaux ! (dixit Oliver Hirschbiegel !)

Bref, méfions nous des médias et des infos lointaines qui ne font que nous effleurer sans nous émouvoir. La vérité est ailleurs, et elle est souvent cruelle.

Tout cela fait de « Elser, un héros ordinaire » un excellent film que je recommanderais même aux plus jeunes (à partir de 12 ans), ceci afin que tout le monde puisse mettre des images précises sur des mots qui deviennent aujourd'hui flous ou parfois même insignifiants … L'histoire est un éternel et triste recommencement, dit on. Alors, on ne sait jamais, vômieux être prévenu et prévenant !

Christian Friedel est Georg Elser

Katharina Schüttler est Elsa

Burghart Klaußner est Arthur Nebe

Johann von Bülow est Heinrich Müller

Bonus: Documentaire : Le deuxième assassinat de Georg Elser (45 mn) - Entretien avec le réalisateur (13 mn) - Entretien avec les scénaristes (10 mn) - Reportage sur les effets spéciaux.

J'ai regardé et écouté avec attention les bonus (pour une fois !) Il faut absolument, si l'on a regardé ce DVD, voir les bonus ! J'en ai d'ailleurs tiré la substance de ma petite chronique.  S'il n'y en avait qu'un à voir, ce serait l'entretien avec le réalisateur Oliver Hirschbiegel, un mec que j'aime vraiment beaucoup. Celui avec les scénaristes, fils et petite fille d'un officier nazi, n'est pas mal non plus. Le bonus sur les effets spéciaux en dit beaucoup sur la qualité exceptionnelle de la reconstitution de l'époque. Des effets numériques très élaborés ont été utilisé pour ce film et paradoxalement, on ne les remarque pas. Un bel exemple au passage pour démontrer que l'usage du numérique au cinéma peut aussi servir à autre chose que de fabriquer des dinosaures ou des extraterrestres.

Bien à vous.