En quête d'inspiration

Ô Muse, conte-moi donc les exploits du poète

Celui qui eut un jour une étrange requête :

Ayant soudain l'envie d'un tout nouveau projet

Il apostropha Dieu pour pincer un sujet.

Ses doigts fatigués souffraient avec amertume :

Ils rêvaient de pouvoir s'emparer d'une plume

Et d'écrire sur ce vieux parchemin meurtri

Ce qu'ils ressentaient en eux au plus enfoui.

Un jour, l'inspiration fit son apparition,

Comme apparaît furtivement un espion.

Il est vrai, le poète avait la main agile

Pourtant la tâche fut pour lui bien difficile.

Mille voyelles formaient la cavalerie

Le ‘a', le ‘e', le ‘o', le ‘u' et même ‘i'.

Les consonnes, quant à elles, firent au front défaut :

Les mots courage et consonne sonnent bien faux.

Le rythme, lui seul, préféra combattre à pied

Mais il brandît aussi fièrement son épée.

Il frappa si fort le crâne du grand poète

Que celui-ci chancela soudain de la tête.

Les rimes croisées frappèrent alors si fort

Que notre poète trembla de tout son corps

Mais de suite il interposa son bouclier

Entre lui et les menaçantes embrassées.

Le poète, blessé, continua le combat :

Il voulut éviter aux alliés le trépas.

Dans sa tête une seule recommandation :

Ne surtout pas laisser s'enfuir l'inspiration.

La musicalité sonna soudain du cor

Dont rugit au loin un bien dissonant accord.

Elle appelait à l'aide son allié Pégase

Pour de cette guerre faire enfin table rase.

De nouveau victimes de leur triste destin,

Les phalanges se racornirent sans entrain.

Les mains, le cœur, la tête s'étaient engourdis.

C'était trop tard, l'inspiration était partie.

Elle était arrivée tel un souffle de vent

Et repartie avec le même empressement.

Quelle en est donc la curieuse raison secrète ?

Ô Muse, conte-moi donc les exploits du poète !

                                                                                           luxaeterna