Enfin la célébrité ?!
Go Mat
Il fut un temps préhistorique où l’Internet n’existait pas, ni le téléphone portable, tout juste si nous avions gouté aux joies du fonctionnement des premiers ordinateurs. Il fut un temps où en tant qu’adolescents nous avions du temps, et nous passions notre temps à tuer le temps. Nous étions des élèves quelconques de terminale, et en ce mercredi après-midi, nous décidâmes de jouer un tour à notre professeur préféré, monsieur Chamoud, professeur d’économie. Comme l’on-dit, qui aime bien châtie bien !
Avec mes deux camarades et tout au long de l’année, nous avions notamment pris 89 fois l’ascenseur d’un centre culturel pour bien nous assurer qu’il fonctionnait, provoquer un élève fasciste de notre établissement avant de refuser de le combattre à mains nues en pleine rue, écumer toutes les bandes dessinées de la bibliothèque municipale, nous rendre au siège du journal local pour les informer d’une manifestation monstre de 50 élèves dans la rue, mais tout en refusant de donner nos noms, de peur d’être dénoncé aux renseignements généraux…
Qu’allions-nous faire aujourd’hui ?
Notre triumvirat opta pour faire une petite blague à notre professeur principal. Notre comparse Vincent, issu de la bourgeoisie annecienne, l’avait déjà croisé au pied de ce qui semblait être chez lui en plein centre-ville et à deux pas du lac. Nous nous y rendîmes en élaborant un plan. Après tout, ce fier serviteur de l’Etat ne méritait-il pas d’être connu ?
- C’est ça ! s’exclama Nicolas, prenant l’expression d’Einstein découvrant la théorie de la relativité. On va se faire passer pour des journalistes et lui faire croire qu’on va l’interviewé.
- Banco !
Nous trouvâmes une cabine téléphonique à proximité de cet endroit, ainsi qu’un bottin. Nous vérifiâmes l’adresse, ainsi que le numéro de téléphone. Vincent se porta volontaire pour faire le pseudo journaliste.
- Oui, bonjour monsieur. Franck Paillisson, journaliste, je suis bien chez monsieur Chamoud ?
- Oui, lui-même, bonjour.
- Je suis journaliste à la télévision, France 3 Alpes et je souhaiterai vous interviewer.
- A propos de quoi, monsieur ?
- Eh bien…
On entendait nos rires étouffés d’adolescents en rut dans la cabine à moitié ouverte, mais Vincent ne se démonta pas.
- Eh bien, sur votre activité professionnelle…
- Je ne vois pas en quoi ça intéresserait les spectateurs…
- Mais si, voyons, sur le beau métier que vous faites.
- Journaliste vous dites, hein ? Ce ne serait pas Leigneret à l’appareil par hasard ?
- Mais non, mais non voyons…
- C’est vous, hein ?!
Un temps de flottement. Leigneret baissa la tête.
- Oui, monsieur… Mais comment m’avez-vous reconnu ?
- Votre voix, Leigneret, on la reconnaitrait même sous l’eau. Et d’où m’appelez-vous ?
- Oh, à cent mètres de chez vous, monsieur.
- Et quels sont les deux emplumés qui pouffent derrière vous ?
- Leroy et Godard, monsieur…
- J’en aurai mis ma main au feu. Le trio infernal. Encore une de vos blagues débiles…
- Ce n’est pas bien grave, monsieur…
- Eh bien, ouvrez bien vos oreilles Leigneret, vous avez de la chance que je n’appelle pas la police, mais vous pourrez dire à vos deux complices que je vous convie tous les trois mercredi prochain à la même heure au lycée pour élaborer un article journalistique sur les mauvaises blagues d’élèves. Peut-être que vous passerez ensuite à la télévision, qui sait ? Vous leur passerez le message.
- Oui, monsieur…
- A demain Leigneret, bonne journée…