ENTRE QUAT'ZYEUX

Isabelle Revenu

J'ai mis longue tempse avant de me décider à écrire. Je suppose que rien ne s'est fait par hasard. Une main amicale m'y a amené doucement, sans secousse. Une tape dans le dos de temps à autre. Ca a suffit pour faire siffler la valve de la cocotte à pression qui me sert de boite crânienne et libérer mes supernovas.

Comme ce sont souvent des urgences

j'écris court

des cris en somme

des cris écrits

des éclairs.

J'ai trois histoires prêtes un peu plus étoffées

un peu plus longues.

Mais j'appelle ça quand même des brèves, des nouvelles

pas des romans, j'aurais peur de lasser.

J'ai des mauvais souvenirs de mes lectures d'école

Certaines m'ont fermé à jamais l'accès à un style ou un auteur

je ne lis donc que très rarement

j'aime mieux les textes très courts, dans l'action...

Pas beaucoup de personnages

peu de détails

mais de fortes impressions.

Des tableaux en quelque sorte

Une visite du Louvre

un atelier de peintre éphémère

des couleurs approximatives.

Approximatives certes mais à chaque nuance sa palette 

chaque palette son dégradé

un dégradé qui ne sied qu'à un mot.

Un seul.

Je lance rageusement la peinture de toutes mes forces.

Il arrive que parfois, je loupe mon but

que l'eau qui emplit mes yeux me trompe. Dans ce cas, je laisse religieusement la tache couler le long de mon mur et je recommence à viser.

Une image chasse l'autre

Visite au pas de charge

Besoin de tout voir

vision panoramique

juste par curiosité

pour imprimer tout

tout au fond de moi

Le temps me presse.

Un sceau rougi

de chagrin ou d'amour

le résultat est le même

c'est toujours du rouge.

Peu de détails

des ombres vite crayonnées.

Estompées.

Pas de gomme

les traits perdent en vigueur

Une colère doit rester colère.

Une larme ? Faut qu'elle termine sa course

Voici le point final

la juxtaposition du cadre et du sujet

Ce sont ses yeux

je n'y noie dedans

Je voudrais m'y noyer toujours...

- Maintenant docteur, la visite est terminée. Vous savez je n'aime pas exposer à tout vent. Le monde est en perpétuel remous. Il faut que je vous quitte. J'ai à faire. Les mots n'attendent pas. Ce sont des maitresses inassouvies, des tyrans émancipés, des esclaves impatients. Ils se servent de moi pour nourrir leur espace. Faire parfois le vide autour d'eux ou bousculer les conventions. Ils ne sont pas domesticables. Enfin, pas dans le sens où on l'entend d'habitude. On les surnomme les électrons libres.

- C'était un beau vernissage. Dommage qu'il n'y ait eu que vous et moi.

- Je ferai mieux la prochaine fois..Quand le plus fort de la tempête sera passé. Au revoir docteur.

- Au revoir et n'oubliez pas de prendre vos comprimés...Voillllllà.... ouvrez la bouche ? Bien. Je referme la porte doucement. Ne vous inquiétez pas, le double clic n'est que la clé dans la serrure de sûreté. Je vous rappelle que vous ne risquez rien dans votre ch.. atelier, il y a un gard...concierge qui veille devant votre porte.

- A demain pour la lecture monsieur Sailor.

- A demain docteur. Heu, vous me racontez une dernière fois les Trois Petits Cochons avant de me border ?

- Bien sûr monsieur Sailor, bien sûr. A une condition toutefois, ne me caressez pas les cuisses comme hier.

- Entendu docteur Liebetraum.

- Il était une fois, Trois Petits Cochons à la queue en tire-bouch.......

- Roooonnnnnn.....rooooooooonnnnnnnnnnnnn

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