Espèce de chameau (1).

Nous allions chacun à nos sources respectives, à la rencontre du bonheur et du bienfait.

L'eau prenait soin d'elle et le vin de moi.

Quand Betty passait une semaine en thalasso, je sillonnais de mon côté les caves. J'avais souvent le coffre plein et la mémoire absente sur la couleur et la teneur en degrés des étiquettes; c'était flou à relire.

Betty sortait du lavoir à n'importe qu'elle heure du jour jusqu'à des bains trop tardifs, lorsque du haut d'une cuve je marmonnais de façon syllabique tout en laissant descendre le jus lentement pressé au fond de ma gorge: - 'Pu-tain-quil-est-bon !'

Betty se faisait assez discrète quant au goût de l'eau:

- Ben t'es con ! Tu crois que je vais ramener un pack de 12 pour te faire plaisir et te faire pousser les fraises avec ?

Quand Betty plantait des points d'interrogation à ses phrases, cela voulait dire que la terre avait fini de tourner dans le bon sens pour moi, que je ne faisais plus parti de son système solaire, et que la nuit tomberait plus vite que la vitesse de la gazelle à l'encontre d'un léopard au galop d'une pub pour un sac de chez Louis Vuitton.

Je ne comprenais plus rien, j'avais dans les yeux du sable et du picotement. Je ressemblais à une espèce de chameau ou à une sorte de dromadaire de contreplaqué à monter soi-même en tournant les pages pour comprendre où vont la tête et les bosses....