Est-ce que je te manque, mon Amour ?

Alain Galindo

EST-CE QUE JE TE MANQUE, MON AMOUR ?

Synopsis :

Ce livre retrace la vie d’un couple ordinaire et « taquin ». C’est de l’amour vache dans des scènes quotidiennes qui racontent les aléas de leur rencontre, du partage de leur vie et de leur séparation.

Je suis passé par une fin du style « nouvelle », fracassante, pour pouvoir démarrer le livre sur des chapeaux de roues. Ainsi, les lettres qu’on lit au départ s’expliquent à la fin et la scène avant la séparation permet d’entrer dans le vif du sujet. Par le suite, les chapitres racontent une histoire tumultueuse où se mêlent amis, animaux, voisins et famille.

DEBUT DU ROMAN :

Correspondance

Chérie,

 quand tu es partie, l'appartement m'a paru vide.

Vidé, pour être plus précis.

La communauté d'Emmaüs n'a pas voulu des quelques meubles qui restaient, ceux que tu as eu la gentillesse de me laisser.

J'ai aussi apprécié la chasse d'eau trafiquée qui a craché l'acide sulfurique alors que je venais de poser mes fesses sur la lunette.

Ne parlons pas de la machine à laver dont la carcasse électrifiée m'a donnée une sacrée secousse sans que pour autant j'en meure, je suis désolé.

Pour la gazinière qui s'éteint 30 secondes après l'allumage, laissant le gaz s'échapper, même le technicien du service après vente en reste ébahi : il ne savait pas que c'était possible. Félicitations.

Idem pour le piment incorporé au déodorant : je t'admire. J'ai passé deux jours à l'hôpital en expliquant aux médecins que, bien qu'étant allergique au piment, j'avais éprouvé le besoin de faire cette expérience. Pour rien au monde je ne t'aurais trahie, ma chérie.

Le fer à repasser ? Il a explosé alors que j'étais à trois mètres. Mon visage ne gardera pas de séquelles.

Je n'ai même pas mis le four à micro onde en marche, mon amour, je l'ai immédiatement jeté, j'espère qu'il était piégé.

Pour le coup du radio-réveil se consumant une demi-heure avant de sonner et dégageant des gaz toxiques : bravo.

Malgré tout ça, Amour de ma vie, comme tu peux le constater, tu m'as énormément manqué.

 Mais dis-moi : as-tu mis des gants pour lire cette lettre, juste pour savoir si je te manque, en ce moment ?

 Amoureusement,

 Ton homme.

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Mon chéri,

 Penses-tu ! Tu ne croyais tout de même pas que j'allais ouvrir ta lettre comme une sotte (tu me connais, mon Amour). J'avais pris toutes mes précautions.

Mais, que lis-je ? Tu n'as pas encore trouvé tous les pièges ! Ou alors tu joues au cachottier…

Je n'attends pas de réponse, bien sûr, mais peut-être trouveras-tu une infirmière suffisamment complaisante pour retranscrire sur un bout de papier toilette ce que tu lui murmures à l'oreille (combien te reste-t-il de dent(s), mon cœur ?).

 Bon, je te laisse tranquillement mourir dans d'affreuses souffrances, je ne voudrais surtout pas te distraire.

 Adieu.

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 Ma perle,

 j'ai eu la mauvaise idée de prêter l'appartement aux Gényés qui venaient passer quelques jours dans la région. Nous ne les aimions pas, tu te souviens, mais j'irai tout de même à l'enterrement. Enfin, aux enterrements.

 J'ai eu ta lettre grâce au facteur qui m'a reconnu alors que j'aidais les secours à dégager les corps dans les décombres de l'immeuble. Heureusement, il me connaît, parce qu'il paraît que c'est la boîte aux lettres qui en explosant a servi de détonateur à tout ce que contenait la cave comme pains de plastic, un travail de démolisseur pro, il ne reste plus rien, comme tu t'en doutes un peu. Ce brave facteur aurait pu être désorienté et t'aurait renvoyée ta lettre. Il est consciencieux, tu aurais pu croire à mon décès, connaissant ton optimisme.

 Ma chérie, j'ai encore toutes mes dents. J'en profite pour sourire et d'ailleurs, je sais que ça te fera plaisir : je me remarie à la fin du mois. J'ai longuement cherché (dix jours) une femme à laquelle tu ne ferais pas la peau si je l'épousais et j'ai trouvé. Nous t'invitons au mariage, si tu es libre.

 Au fait, ça y est ! Je sais à qui appartenait le frigo américain que nous avions croisé dans l'escalier, porté par trois robustes déménageurs. Il était à Mme Doups, notre ex-voisine du dessus. Comment je le sais ? J'ai retrouvé la porte du frigo avec l'avant-bras de Mme Doups encore accroché à la poignée. Je ne pouvais pas me tromper, avec toutes les bagues qu'elle avait aux doigts ! D'ailleurs, comme tu trouvais l'une d'elles absolument magnifique (et ne me souvenant plus de laquelle), je t'envoie la main dans le colis ci-joint : tu trancheras.

Je te donne ma nouvelle adresse :

Orlandini Paolo et Ghislaine

67, rue des amoureux

34000 Montpellier

 Réponds-moi vite pour le mariage et dis-moi si tu viens seule.

 Bisous.

Ton ex-homme

 PS : Ah oui ! Tu auras reconnu l'adresse de ta mère. Que veux-tu, mon appartement ayant disparu, on va vivre chez elle. Nous nous aimons d'un amour sincère, je t'assure et nos trente années de différence ne sont pas un obstacle pour moi. Elle t'embrasse aussi.

Avant la rupture

 Discussion anodine :

- Tu as vu, chérie, une centrale nucléaire n'est qu'une grosse chaudière, en fait.

- Depuis quand tu t'intéresses au nucléaire ? Je croyais que tu avais voté vert.

- Je ne m'intéresse pas au nucléaire, mon amour, je lis un article sur les centrales nucléaires.

- Tu n'as rien d'autre à lire ? demanda Delphine en revenant de la cuisine avec une tasse de thé. Ou à faire ? Le nucléaire. Ça t'avance à quoi de savoir comment marche une centrale ?

- Ça ne m'avance à rien. L'article est intéressant, alors…

- Ah, tu vois !

- Je vois quoi ?

- Je t'ai demandé depuis quand tu t'intéressais au nucléaire, tu me réponds que ça ne t'intéresse pas et maintenant tu trouves l'article intéressant.

Elle but une gorgée de son thé et compta "Un" dans sa tête.

- Quand je dis intéressant, c'est manière de parler. Ça ne m'intéresse pas de savoir comment fonctionne une centrale, mais le gars qui a écrit l'article est passionnant.

- Tu connais sa vie ?

- La vie de qui ?

- Du journaliste. Tu dis qu'il est passionnant.

- Non, j'ai pas dit que le journaliste était passionnant. J'ai dit que l'article du journaliste était passionnant.

- Ah non, mon amour ! Tu as dit que le journaliste était passionnant. Au passage, pour quelqu'un qui a voté vert, trouver un article sur le nucléaire intéressant écrit par un journaliste passionnant, ça la fout mal.

"Deux".

- Mais tu m'énerves ! Qui t'a dit que j'ai voté vert, d'abord ?

- Tu n'as pas voté vert ?

- J'ai pas dit que je n'avais pas voté vert, je te demande qui t'a dit que j'avais voté vert.

- Tu ne vas pas voter à droite, pas toi !

- Et pourquoi pas ?

- Un gars qui vote à droite ne couche pas dans le même lit que moi ! Donc, tu n'as pas voté à droite.

- Et tu voudrais que je vote vert ?

- Ce n'est pas moi qui vote mon chéri. Si tu ne sais pas prendre une décision, à ton âge…

- Je n'ai pas besoin de toi pour me faire mes opinions.

- Alors, pourquoi tu me demandes si je voudrais que tu votes vert ?

- Mais, je ne te demande pas pour qui je dois voter !

- Ah ! Si ! A l'instant, mon cœur.

"Trois".

Elle finit sa tasse de thé.

Paolo était debout maintenant, limite fou de rage. Il fit le tour de la table basse et revint se planter devant sa femme. Elle se leva.

- Pourquoi tu fais ça ?

- Faire quoi ? dit-elle, ramenant la tasse vide à la cuisine.

- Pourquoi tu cherches toujours à envenimer les choses ?

- Je te signale que je ne suis pas énervée, moi. Si tu veux qu'on discute, tu devrais d'abord te calmer, je n'aime pas la violence.

Revenant dans le salon, elle saisit la revue qu'il avait abandonnée sur le canapé.

- Me calmer. Oui, tu as raison, je vais me calmer. Tiens, je vais aller promener le chien que tu ne veux pas qu'on ait, ça va me faire prendre l'air.

- N'oublie pas les sacs pour ramasser les crottes qu'il aurait faites, chéri.

Il claqua la porte d'entrée.

Delphine s'installa confortablement sur le canapé. Elle n'aimait pas lire autrement qu'avachie de la sorte, seule, sur le canapé.

Et pour libérer le canapé, avec Paolo, il suffisait de compter jusqu'à trois.

Faciiiiiile.

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