Et la raison...

mademoiselle-the

Ce qui différencie l'Homme de l'Animal ? Pas grand chose...

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Et pourtant, elle avait pris sa décision...

Ils s'entendaient plutôt bien, pas à la perfection, mais assez pour remplir le vide sonore qui parfois se faisait un peu trop insistant. Alors ils parlaient de tout, de rien, de n'importe quoi, dans n'importe quel ordre. De toute façon, aussitôt les mots étaient-ils prononcés, qu'ils étaient oubliés. Après tout, ils n'avaient pas vraiment besoin de mots. C'était plus par convention que par nécessité, s'il leur arrivait de converser.

Ce qu'ils attendaient l'un et l'autre, c'était ce moment où les mots resteraient en suspens, au milieu d'une phrase, pour laisser place à une forme d'expression plus primitive, physique, concrète. Là, ils s'entendaient parfaitement. C'était une évidence qui s'était imposée à eux, dès le début. Il suffisait qu'il tende la main vers le creux de ses hanches, et immédiatement, ils se comprenaient. Leurs bouches s'attiraient, se redécouvraient timidement, avant de s'engager dans une folle discussion sans mot, faite de longs baisers, de légers mordillements et de petits coups de langue humide. Il remontait sa main le long de son dos, elle enfonçait ses doigts dans sa chevelure. Et très vite, leurs mains se baladaient plus hardiment, ils en tremblaient presque. C'était électrique. Tant pis si quelqu'un les surprenait là, dans son atelier à la porte non verrouillée. Bien qu'ils étaient tacitement tombés d'accord sur le fait de garder tout ça secret, et de cordialement se comporter comme si de rien n'était en présence des autres, ces moments-là écrasaient leur raison, plus rien n'avait d'importance, juste leurs lèvres qui parlaient leur propre langage.

Et ces quelques mots, "Tu viens ce soir ?". Quatre mots qui, contrairement aux autres, ne s'envolaient pas immédiatement. Lourds de sens, ils emplissaient peu à peu l'espace, et restaient là quelques instants, nonchalants, enveloppants. Pas beaucoup plus utiles que les autres, en soi, mais c'était le rituel. Un "Ok", soufflé dans un murmure, suffisait à les chasser, et l'air redevenait léger. 

Alors elle inspirait profondément, leurs corps retrouvaient leur calme, sa poitrine se soulevait, les mains qui étaient posées là suivaient le mouvement, avant de redescendre vers sa taille. Il lui caressait ensuite la joue, et elle repartait travailler dans son propre atelier, sans un mot de plus. C'était acté : le soir, ils iraient chez lui.


Mais ce jour-là, c'était différent. Elle avait pris sa décision. Après avoir mûrement cogité, après avoir convoqué toutes ses copines les plus proches autour d'un thé _tard le soir, et accompagné d'alcool, bien évidemment. Elle ne voyait pas d'avenir dans cette relation, certes agréable, mais qui ne menait nulle part. Le vide de sa vie n'en sortirait que plus insatiable. Comment s'imaginer construire une vie de couple, quand aucune conversation ne laisse de trace ? De surcroît, il avait déjà quelqu'un dans sa vie, elle venait de le comprendre. Elle ne voulait pas être celle qui briserait le cœur de cette presque inconnue, qui de toute évidence, ignorait tout des agissements de son compagnon. Et même si elle avait trouvé en lui une solution facile et efficace pour combler la vacuité qui la composait, il ne fallait pas. Il ne fallait plus. Sa décision était prise.

Sachant que les mots se perdraient de toute manière avant d'avoir atteint leur objectif, éviter de se retrouver seule avec lui semblait la meilleure solution pour arrêter là cette histoire. Ils finiraient par oublier.

De toute manière, il n'était pas tous les jours à son atelier, l'éviter était assez simple. Et comme si le destin la confortait dans sa décision, il se passa une dizaine de jours sans qu'il ne montre signe de vie. Ces dix jours passèrent donc sans heurt. Sa décision était ainsi prise, et avait même eu le temps de se cristalliser dans sa tête et dans son cœur.

Ce n'est que deux semaines plus tard qu'elle aperçut son scooter sur le parking, en arrivant le matin. Elle passa la journée à l'éviter soigneusement. A la pause déjeuner, entourés de tous, elle ne lui avait pas adressé un seul regard, et sembla tout à coup éprouver beaucoup d'intérêt pour sa voisine de table. Quand il lui proposa un café, elle prétexta beaucoup de travail. Quand ils se croisèrent dans le couloir, elle fut soudain absorbée dans ses pensées, fixant un point au loin. La journée passa, et elle s'en était plutôt bien sortie. Elle s'étonnait même d'avoir réussi si facilement à l'éviter, et à laisser les choses aller.

Mais au moment où elle ferma la porte de son atelier pour rentrer, elle sentit une présence familière derrière elle, et eut à peine le temps de comprendre, qu'une main l'attrapa, une autre la retourna, et un corps la plaqua contre la porte qu'elle venait de verrouiller. C'était lui. Pas d'échange cordial, Pas de préambule verbal. Aucun mot n'était sorti, aucun avertissement. Il lui dévorait le cou, sans sommation. Avait-il compris qu'elle trouverait une pirouette pour s'échapper, à la moindre ébauche de conversation ? Elle n'eut même pas le courage de le repousser, tiraillée entre son désir et sa raison. Il se lasserait peut-être, si elle ne répondait pas à son désir apparent. Ses mains la caressaient, ses lèvres la dévoraient. Elle se mordit la lèvre inférieure, et fit son possible pour se retenir de lui planter ses ongles dans la chair, à travers son pull. Se maîtriser, et rester de marbre. Penser à cette autre fille, qui ne sait pas. Penser au fait que tout ça ne mène clairement nulle part. Penser à toutes ces longues discussions entre filles, où clairement le contre l'a emporté sur le pour. Penser à sa décision, qu'elle a résolument prise. Penser à ce nouveau type qu'elle vient de rencontrer. Ah, tiens, j'avais pas rendez-vous avec lui d'ailleurs ? Penser à...


..."Tu viens ce soir ?" Ces mots venus se lover au creux de son oreille la tirent de sa vaine tentative de s'échapper par la pensée. Elle ferme les yeux, et soupire...


Et pourtant, elle avait pris sa décision.  

  • Oh waow, t'écris tellement bien ! Je sais même plus quoi dire tellement tu manies bien les mots lol

    · Il y a plus de 7 ans ·
    Image

    littlerebel

  • Il parait qu'il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis...je pense que le magnétisme aura raison d'elle..une jolie plume que je découvre Merci

    · Il y a plus de 7 ans ·
    Ade wlw  7x7

    ade

    • Il paraît... ;)
      En tout cas merci pour ton passage par ici =)

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Avatarbis

      mademoiselle-the

  • Aie ! Je crains qu'elle ne rechute ! Le coeur a ses raisons. ... ce qui fait le miel des auteurs ^^ ;) j'aime beaucoup ta plume toujours aussi fluide :)

    · Il y a plus de 7 ans ·
    Ananas

    carouille

    • Merci !! =) Je crains aussi qu'elle ne rechute... mais sait-on jamais...
      c'est si compliqué, les conventions sociales =P

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Avatarbis

      mademoiselle-the

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