et si

Et si…

Et si ce matin devenait extraordinaire ?

Et que je l'avais oublié…

Si chaque goutte de pluie devenait bijou à mon cou ?

Et que je l'avais oublié…

Si chaque miaulement de mon chat disait « je t'aime » ?

Et que je l'avais oublié…

Si chaque cliquètement de vaisselle disait « merci de prendre soin de moi »

Et que je l'avais oublié…

Et si cet homme en complet gris et chapeau mou

Tout droit sorti d'un poème de Prévert

S'il regardait sa voisine de métro

Une toute petite fille

S'il oubliait son carnet de chiffres

Si elle lui apprenait à dessiner,

Il se souviendrait…

Se souvient-il ?

Te souviens-tu ?

Je me souviens

De ce formidable appétit

Qui me dévorait

De cette fureur de vivre

Qui courait dans mes cahiers

Cachée derrière les mots

Qui court encore  derrière l'interminable liste de chiffres de son carnet

Qui court toujours avec les dessins fleuris de l'enfant

Et les dessins précis et raisonnables du monsieur

Un jour un seul dessin le plus ordinaire

Pourrait faire naître un petit prince amoureux d'une fleur

Pour peu qu'on y prenne garde

Qu'on regarde la page blanche au bon moment

Qu'on n'oublie pas

D'ouvrir ses yeux

Un peu plus grand

Un peu plus fort

Un peu plus longtemps

Pour y cueillir la scène

Que la vie y écrit

Et toi

Ne baisse pas les yeux

Devant celui

Qui est à côté de toi

Dans le métro dans le jardin au théâtre ou chez le médecin

Il a peut-être un nouveau dessin à t'apprendre…

Fiona, avril 2006