Être Debout - extrait 1

Matthias Claeys

Le doigt dans le ciment frais, j'ai senti et ça goûtait la menthe. J'ai écrit la date. Dessus le ciment j'ai mis du parquet. Dessus le plâtre où j'ai écrit mon nom hier j'ai mis de la faïence.

Tout recouvrir ce que j'ai touché.

Tout recouvrir ce que j'avais touché.

Un cadeau.

Mes empreintes empaquetées. Au suivant.

Que celui qui prend ce lieu l'épluche,

M'épluche,

Ecorche le sol qu'on a foulé, mette les traces à nu, dise des choses dessus, se dise des choses dessus.

Que celle qui prend ce lieu après celui qui aura pris ce lieu après moi se crée un monde d'une date dans le ciment, d'une annotation dans un livre.

Faire disparaître. Place pas nette, mais à peu près.

Rien n'oublie rien.

Moi, j'oublie,

Mais pas mes chaussures.

Qu'on m'imagine d'après moi, je quitte la place que j'ai trop habitée,

Et je n'ai pas oublié d'inscrire quelque chose.

Je suis passé par là.

Quelqu'un est passé par là.

Elle en aura vu des choses, la poussière, qu'elle taira quand on lui demandera de raconter.

On extorque leur histoire aux pierres et on torture les cailloux.

J'aime l'idée de savoir, mais un peu.

Je sais que les tuiles ont été posées par des mains, et que ces mains savaient des choses qui me sont interdites.

Ces tuiles contiennent une partie de ce que je n'ai pas vécu.


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