Etre et se souvenir.
ellis
Quand elle ferme les yeux, elle revoit son visage.
Elle a souvent la peur de le voir s'effacer de sa mémoire. Pas de photo. Quelques instants gravés, qui lui servent de moyen mnémotechnique pour se rappeler sa bouche, son regard, la courbe de ses sourcils, son nez, et ce léger coup de soleil parce qu'il a passé son été à bricoler la terre familiale.
Debout sur les falaises. Des enfants. Le vent et le soleil leur fouettent la figure. Il se tient près d'elle, juste un peu en retrait. Elle fixe les vagues. Ici, un oncle s'est noyé quand il n'avait pas quinze ans, et son père n'a jamais voulu en parler. Elle vient trouver quelque chose qui lui a toujours échappé. Ici. Il est là. Elle pense qu'elle aurait voulu voir cet endroit plus tôt, il la bouleverse. Aussitôt, elle se dit que non, qu'elle est heureuse de le rencontrer avec lui.
Quand elle se tourne vers lui, il ouvre les bras avec un air de reconnaissance qu'elle ne peut pas oublier. Sur son visage, il y a une lumière merveilleuse, éclatante. Elle l'a avalée. 25 juillet. Midi moins le quart.
Chaleur d'après-midi. Chambre d'hôtel aux rideaux tirés. Son regard un peu désolé. Et l'amour, tout l'amour, dans ses yeux, tout ce qui n'a pas besoin de mots. Sa bouche. La barbe naissante qui va griffer son menton et sa gorge et qu'elle gardera un peu, comme un tatouage. Cette petite boucle qui descend sur son front. L'amour dessous sa peau à elle quand elle le regarde. Rivière chaude. Insondable.
*
En vérité, ça lui vrille le ventre de fermer les yeux et de revoir son visage. C'est une douleur pleine, intense, qui ne regarde qu'elle. Son plus parfait secret. Son petit cancer.
Comme le soleil qui vous rougit sous la paupière
Quand vous voudriez dormir.
Waou... Je reste sans mots...
· Il y a plus de 9 ans ·Enfin presque... Désolé pour le terme mais tu lui as collé un putain de style à celui là .T'as dépouillé les phrases de tout qui était inutile. Ne reste que l'essentiel. Et si tu reprends le thème photographique (je sais je sais), c'est pourtant bien un boulot de parfumeur que tu as réalisé. Ne reste dans ce texte que des fragrances de l'huile essentielle de ce souvenir.
FÉLICITATIONS.
wic
Tu as le don de donner confiance toi. En vérité je l'ai écrit en dix minutes, à la première personne. Trop personnel. Je l'ai passé à la troisième. Puis j'ai effectivement retiré des choses dont à la relecture je n'avais pas besoin. Le don de donner confiance et le nez fin ;) merci...
· Il y a plus de 9 ans ·ellis
"C'est une douleur pleine, intense, qui ne regarde qu'elle. Son plus parfait secret. Son petit cancer." très beau.
· Il y a plus de 9 ans ·Marion B
Merci!
· Il y a plus de 9 ans ·ellis