Evolution 2 (chap 1)

Daniel Macaud

- Vous préférez vous en faire des ennemis ? Nous n’avons pas vraiment le choix !
- Ils ont tout détruit !
- Ils nous ont massacrés, et maintenant, ils osent prétendre qu’ils viennent en paix ?
- Il a raison, ça ne tient pas debout !
- Ouais, ce sont des menteurs !
- On reste ici !

    Merks s’énervait. Il venait de passer deux heures à discuter avec le colonel Mauresco. S’il restait méfiant à son égard, il était évident que ce terrien avait changé son fusil d’épaule. Mauresco avait été clair et limpide: oui, il avait donné l’ordre d’assaut, oui, il les avait pris pour des mutants, et Stago était un assassin à qui il avait refusé d’obéir, et ses hommes et lui étaient maintenant considérés par la Terre comme des mutins. Oui, toutes les excuses du monde ne suffiraient pas pour pardonner l’horreur du carnage qu’il avait perpétré et il en était vraiment désolé. Mais Mauresco voulait faire son possible pour expier ses fautes. Il avait ensuite fait la route retour avec quelques humains, après avoir attendu la fin de journée, et le soleil descendant, pour avoir suffisamment de lumière pour y voir clair afin de ramener les survivants dans la ville 12. Merks essayait maintenant de convaincre ses semblables, mais ceux-ci n’étaient pas prêts à se laisser convaincre. Pourtant...
- Au nom de Dieu, explosa-t-il, Essayez de comprendre ! C’est une chance inespérée ! Un vrai miracle ! Nous sommes encore vivants ! Si cet homme n’avait pas pris conscience de ses actes, nous serions déjà tous morts !
- Et qui te dit qu’ils ne vont pas nous massacrer si on revient en ville ?
- Parce qu’ils sont dehors, et qu’ils patientent depuis que je suis rentré.
- Quoi ?
- Tu les a amenés ici ?
- Traître !
- Attendez !

    Merks siffla. Une dizaine de militaire terrien apparurent, calmes, armes en bandoulière. l’un d’eux s’avançait au milieu du petit groupe qui avait reculé d’effroi.
- Je comprends votre peur, et votre colère, dit-il, mais je vous en supplie, acceptez maintenant notre aide. Nous devons racheter nos fautes.

    Discours inhabituel pour un soldat. Le groupe, silencieux, observaient les hommes de la Terre sans savoir quoi dire. Merks s’était rapproché des terriens, et observait ses semblables.
- Il y a eu assez de morts comme ça, reprit-il. Je veux vous protéger. Et je pense qu’on reverra ce salopard de Stago sous peu. Ils sont notre seule chance de survit... S’il vous plait...

    Les survivants s’entre-regardèrent. Ils étaient sincères. il y avait quelque chose de vraiment solennel dans ces excuses, dans cette demande. Pourquoi ne pas essayer de leur faire confiance ? Après tout, la rédemption existait, non ?
- C’est d’accord, fit le dénommé Vlad. Nous venons.

    En silence, le groupe rassembla ses affaires. Puis, tous, encadrés par les terriens, entreprirent de redescendre de la montagne, pour rejoindre le campement militaire. Merks pouvait enfin respirer, sa mission touchait à sa fin.

***

Androucha n’avait pas quitté sa chambre depuis l’arrivée des terriens. Elle était en colère contre Braid. Comment osait-il lui demander de rester en arrière ? Elle avait juré de se débarrasser des terriens. Elle était enquêtrice de la Terre, elle n’avait pas à recevoir d’ordres. De personne !


    Allongée sur le lit, elle fixait le cube, et réfléchissait à ce qu’elle devait faire. Elle avait juré de protéger les innocents. Ces terriens étaient une menace. Tant pis pour Braid ! Elle se leva, et attrapa le cube. Elle ouvrit la porte doucement et scruta les alentours. Le couloir de roches était désert. Personne ne la verrait sortir. Elle se glissa dehors. Au loin, on pouvait entendre des discussions dont les éclats rebondissaient sur les parois. Les torches électriques au plafond difusaient une lumière douce, plongeant parfois le couloir dans une pénombre toute relative, quand une lampe était grillée. La roche, peinte en blanc cassé, avait un aspect sécurisant avec la lumière.

    Androucha marchait en silence en direction de la sortie. Passant le bureau de Braid, elle sentit son coeur cogner dans la cage thoracique. Rien, pas un bruit. C’était trop beau pour être vrai. Elle rejoignit le couloir de la sortie et se retrouva dehors l’instant d’après. Elle respira à pleins poumons. Maintenant, direction le campement humain, et mettre un terme à cette invasion.

***


    Piloter un croiseur de guerre avec seulement un tier de l’équipage tenait de l’exploit. Assis confortablement dans le fauteuil du commandant, Stago en avait parfaitement conscience. Pour le moment, le voyage se déroulait sans encombres. Le croiseur était entré en Hyperespace, tout allait bien. Les problèmes allaient très certainement survenir à l'atterrissage. En fait... il n’allait pas pouvoir se poser. L’équipage allait revoir rester en orbite, et demander du renfort. Stago enrageait. Son rapport allait faire des étincelles à l’état major, il en était certain. Tout comme il était certain de revenir avec au moins deux croiseurs, et des milliers d’hommes. Il en souriait d’avance, ruminant sa vengeance.

***


- Braid... Euh... La dauf’ a mis les voiles.
- Quoi ?!

    Braid en cassa l’accoudoir de son fauteuil en frappant du poing. Dire qu’il était furieux relevait du doux euphémisme, tant ses yeux semblaient vouloir quitter leurs orbites. Ses naseaux fulminaient.
- Elle est partie.
- Quelle idiote ! Elle veut provoquer une nouvelle bataille ou quoi ? Elle joue à quoi ?!
- Ben... Je sais pas...
- Envoyer des observateurs sur la ville 12. Je veux savoir ce qu’il s’y passe minute par minute ! Bloquez toutes les issues, je préfère prendre les devants !
- Oui chef !

***


    Le campement humain s’animait. Avec la fin de la journée, les hommes resortaient des tentes de fortunes, et commençaient la construction de nouvelles batisses. L’armée était bien équipée, et les engins de terrassement faisaient place nette avant que les batisseurs ne rentrent en action. Postée à la lisière d’un champ, cachée dans les brousailles, Androucha observait l’activité des envahisseurs. Elle ne comprenait pas ce qu’elle voyait. Aucune sentinelle, aucune surveillance des environs. ils ne se comportaient pas comme des envahisseurs belliqueux, mais plutôt comme des colons qui prennent pied sur un nouveau territoire. Poussée par la curiosité, elle décida de s’approcher et activa son camouflage optique.

    Elle avançait maintenant silencieusement dans les rues dévastées. Au milieu des humains qui ne la voyaient pas. Aucune arme. De plus en plus curieux. Ils ne semblaient pas craindre une possible attaque. Un bruit de pas venant du bout de la rue. Un groupe. Androucha fixa les arrivants avec surprise. Les survivants, merks en tête, arrivaient. Ils ne semblaient pas effrayés, tout juste méfiants. Certains terriens avaient les armes en mains. Prisonniers ? Merks ne semblait pas effrayé. Il ne semblait pas agir sous la contrainte. Avait-il perdu la raison au point de trahir les siens ? Cela ne lui ressemblait pas.

    Androucha eut un soupir de tristesse. Que savait-elle vraiment de cet humain, au fond ? Elle devait en avoir le coeur net. Elle le suivit jusqu’à une tente, placée au milieu du campement, et entra avec lui, et les deux soldats qui l’accompagnait. A l’intérieur, un autre terrien, leur chef à priori. Aucune trace de Stago. Qu’est-ce que ça voulait dire ? Merks et le terrien se serrèrent la main. Le traître ! Elle leva son arme. Cette fois, elle ne devait pas faillir !

***


    Braid attendait le nouveau compte-rendu. En face de lui se tenaient deux humains mutants. Ils ressemblaient à peu prêt à des humains, ceci prêt que la peau d’un était écailleuse et que l’autre avait une forme vaguement bestiale, avec de oreilles plus grandes, et un pelage sur tout le corps et le visage.
- Les gars, j’ai besoin de vous. Vous allez vous rendre au campement des terriens, et tenter de discuter avec eux. Vous leur ressemblez un peu, ca devrait nous aider à lier le contact. Espérons que cette stupide dauf’ ne va pas tout faire foirer !
- Chef, fit l’un d’eux, on sait pas grand-chose des humains vous savez.
- Vous sentez comme eux. Ils devraient s’en rendre compte, et puis... C’est notre seule chance de tenter un trêve.
- D’accord chef.
- Oui chef.

    Les deux hommes attendirent avec Braid. Le rapport tomba, apporté par un coursier. Calme plat. Aucune trace de la dauf’.
- Bon. Allez-y, et soyez prudent.
- Oui chef.
- Bien chef.
- Et appelez-moi Braid, bon sang ! Je suis pas un humain moi !
- Oui ch... Euh... Braid.

    Les deux hommes partirent, laissant Braid à ses soupirs exaspérés.

***

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