Evolution 2 (chap 2)

Daniel Macaud

    Androucha ne tremblait pas. Elle se sentait en colère. En colère contre cet humain qui vendait les siens, en colère contre les terriens qui détruisaient tout. Du bruit à l’extérieur. De nouveaux venus ? Elle baissa son arme, attendant de voir.

    Les deux hommes mutants n’en menaient pas large. Arrivés en plein milieu de la ville, leur apparition avait provoqué une certaine confusion parmi les terriens qui, surpris, avaient d’instinct saisis leurs armes. Ils avaient ensuite été gentiment mais fermement menés à la tente du colonel Mauresco. Ils entrèrent, un peu perdus. Androucha, toujours camouflée, en eut le souffle coupée. Comment Braid pouvait-il agir de façon aussi déraisonnée ?
- Bonjour messieur, fit le colonel Mauresco. Je suppose que vous êtes des émissaires de la commuanuté des mutants ?
- Euh oui, fit celui qui avait la peau écailleuse. En fait, on nous a envoyé parce que nous sommes des humains mutants. Notre chef a pensé qu’on pouvait faire le lien...
- Vous êtes humains ? Demanda Merks, surpris.
- Ben... Nous sommes nés de parents humains, mais on est mutants... On sait pas pourquoi.
- J’avais entendu un rumeur à votre sujet, il y a longtemps, reprit Merks... Mais... Je ne pensais pas que vous existiez.
- Bon, fit l’autre mutant en s’adressant au Colonel. On nous a envoyé vous demander ce vous comptiez faire en venant ici.
- C’est à dire ?
- Ben... On est méfiant envers les humains. Et d’après ce qu’on voit, vous et les humains d’ici, vous avez fait la paix, alors on ne sait pas ce que vous comptez faire pour nous.
- Je vois... Votre chef est quelqu’un de sage. Envoyer des mutants humains... Ce qui fait de vous des humains malgré tout... Je vous avoue messieurs que je suis un peu perdu. Pour le moment, le plus urgent est de se préparer au retour de l’armée de la Terre, qui est notre ennemi commun. Nous, nous sommes des rebelles, des mutins, des traîtres. Vous... D’une manière générale, vous,  les habitants de la planète 232, vous êtes devenus des ennemis de la Terre, humains ou mutants...
- A ce sujet, commença Merks...
- Je sais, coupa Mauresco. Je dois vous dire quelque chose qui ne va pas vous faire plaisir.

    Mauresco commença ses explications. Merks les avait déjà entendues mais le choc était toujours là. Les humains mutants et Androucha écoutèrent le tout très attentivement. Mauresco conclut.
- C’est pour cela je crois que le haut commandement de la marine supérieure était très intéressé par cette armure. Il préférerait limiter votre avance technologique, et il a estimé, voici dix ans, que vous donner votre indépendance tout de suite serait une bonne chose pour vous empêcher de développer votre technologie. La victoire acquise, il n’était plus nécéssaire de se battre.
- Ce qui n’a pas été le cas, reprit Merks. Cette armure sortait de nos laboratoires, mais je n’en sais pas plus. Les plans ont été détruits dans l’attaque de la ville 41. Moi-même, je ne sais plus quoi penser. nous avons été trahis... deux fois.
- Je sais. Le gouvernement de la Terre a tout simplement réécrit l’histoire à sa façon. Nous aussi, nous avons été trahis.
- Et maintenant ? Demanda le mutant poilu. C’est bien gentil vos histoires d’humains, mais nous, nous n’avons rien à voir là-dedans. Pourtant, pendant des décénnies, notre peuple a été persécuté. Vous comprendrez que maintenant, nous sommes vigilants, et ce, malgré ces jolies paroles de regrets.
- Je sais bien. Ce que je vous propose pour le moment, c’est de nous ignorer en paix. Je ne sais pas ce qu’il adviendra de l’avenir, mais votre existence, et toutes ces révélations, remettent en question toutes nos croyances, toutes nos convictions. A court terme, nous allons devoir nous battre pour survivre, alors... Pour le moment, ignorons-nous.
- Bon... On a plus qu’à repartir alors. Les mutants resteront à l’écart de vos querelles intestines. Ne comptez pas sur nous pour vous aider.
- Je comprends.

    Les deux mutants repartirent. Merks et Mauresco se regardèrent. Alliés par la force des choses, ils ne se connaissaient même pas. Mauresco sentit bien l’hésitation du soldat.
- Tant que nous avons un ennemi commun, fit-il, il y a au moins une paix entre nous.
- Et après ?
- Après ce que nous allons vivre, j’ose espérer que cette paix durera. Vous avez ma parole d’honneur, ma parole de soldat, je ferais tout pour.

    Androucha soupira de lassitude. Des paroles, rien que des paroles tout cela. Elle voulut sortir de la tente en silence. Merks sentit quelque chose bouger. Il comprit dans l’instant.
- Androucha !

    Mauresco le regarda, surpris. Androucha ne bougeait plus. Merks se tourna vers l’endroit où il la savait présente, invisible.
- Androucha, répéta-t-il. Je sais que tu es là. Je sais que tu as tout entendu.
- A qui vous parlez ?
- A la mutante qui possède cette armure. Elle est là, dans cette pièce, et elle a un camouflage optique.
- Comment le savez-vous ?
- Je l’ai... senti. Un léger courant d’air.
- Vous en êtes certain ?

    Pour toute réponse Merks fit quelques pas sur le côté et lança son poing dans le vide. Il rencontra l’armure d’Androucha, et le choc résonna dans la tente. Androucha recula un peu sous le coup. Elle soupira et désactiva son camouflage optique. Son apparition fit sursauter le colonel.
- Tu es doué Merks ! Dit-elle en enlevant son casque.
- Ca alors !
- Je vous présente Androucha, l'enquêtrice de la Terre pour la commission d’enquête des mutants terriens. Je te croyais repartie.
- Mon vaisseau n’est pas encore prêt.
- Vous êtes donc la propriétaire de cette fameuse armure.
- Vous ne l’aurez pas !
- Je n’en ai pas l’intention. Vous savez que vous détenez une arme qui intéresse la Terre ?
- Je sais. Ils ne l’auront pas non plus ! Je suis la seule à pouvoir l’utiliser.
- Que faisiez-vous ici ?
- J’étais venu vous arrêter.
- Mais...
- Vous n’êtes pas belliqueux. Je n’ai aucune raison de vous détruire.
- Bien. Qu’allez-vous faire à présent ?
- Repartir pour la Terre.
- Je ne crois pas que cela soit utile.
- Pourquoi ?

    Le colonel soupira. Encore une chose a avouer. Il y a quelques mois, il avait été heureux d’apprendre cela. C’était des ennemis. Maintenant... Il ne savait plus... Androucha réitéra sa question.
- Parce que les mutants ont perdu la guerre sur Terre. fit-il. Les derniers survivants ont été déportés sur une des planètes colonies, mais j’ignore...
- Quoi ?
- Androucha calme-toi. Baisse ton arme.
- Ne m’en veuillez pas. La dernière attaque que nous avons lancé sur les hauteurs de l’Himalaya ont eu raison de votre volonté. C’était bien votre QG, non ?
- Espèce de...
- Androucha non !

    Elle était prête à tirer. Elle tenait le terrien en joue. Les cris attirèrent des militaires qui braquèrent leurs armes instantanément sur la mutante. Sa colère décuplait.
- Ne tirez pas ! Ordonna le colonel à ses hommes.
- Bandes d’assassins !
- Ce n’est pas moi qu’il faut maudir, fit le colonel, très calme. Je vous en prie... Androucha. Essayez de vous calmer. Me tuer ne changera rien, et vous perdriez un allié. Pire, vous vous feriez des ennemis. Nous ne sommes pas obligés de nous entre-tuer.
- Androucha... Tu n’as aucune chance là.

    Androucha ne bougeait pas. Paralysée par la colère, elle ne savait pas comment réagir. Toute sa vie... Balayée d’une phrase. Tout le QG, ses amis, ses proches... Morts ou déportés... Maudits humains !
- Vous... Vous...
- Je comprends votre colère Androucha, reprit Mauresco. Et je ne pensais pas devoir fournir ces explications un jour... Je... Je prends conscience maintenant des erreurs de mes supérieurs.
- Comment vous savez ça !? Aboya la mutante.
- Je venais de quitter la Terre quand j’ai appris l’information. L’attaque a été lancé juste après que cette mission ait été décidée. Tout s’est fait très vite. De ce que j’ai compris lors de mon brief de mission, la nouvelle de l’existence de cette armure a provoqué un changement de stratégie radical. Ils ont du avoir peur que les mutants de la Terre mette la main dessus.
- Je ne savais même pas qu’elle existait ! Hurla Androucha.
- Eux si ! C’est un humain d’ici qui nous a donné l’information. Et l’escarmouche qui a eu lieu il y a cinq mois...
- Devoncha ! Que savez-vous sur lui ?
- Qui ?
- Mon frère ! Un dauf’ aussi !
- Un dauf’... Oh seigneur... Je comprends tout maintenant...

    Le colonel avait blémi. Androucha voulait savoir. Qu’est-ce qu’il cachait ? Pourquoi il avait peur maintenant ?
- Parlez !
- Androucha... S’il te plaît...
- Silence toi ! T’es comme eux !
- S’il vous plaît... Androucha... Je vais vous dire ce que je sais... Ce n’est pas beaucoup... Mais vous devriez quand même baisser cette arme...

***

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