Evolution (chap 10)

La colère noire du colonel résonnait dans tout le poste de pilotage, et il y avait des chances pour qu’elle résonne dans tout le bâtiment. Face à lui, le second n’en menait pas large. Les rapports d’incidents que consultait maintenant le colonel ne faisaient qu’augmenter sa fureur. Depuis qu’il avait ordonné l’attaque des villes détenues par les mutants, les nouvelles n’étaient pas bonnes. Aucun humain sur cette planète. Que des mutants. Qu’étaient-ils tous devenus ? Il repensa au choc qu’il avait eu en voyant ce mutant se faire passer pour un humain. Tout ceci dépassait son entendement. Pourquoi avoir tenté se faire passer pour un humain, alors qu’il devait bien se douter que tôt ou tard, la supercherie aurait été dévoilé ? Pourquoi avoir promis de donner des armes, soit disant révolutionnaires, pour simplement quitter cette planète ? Et cette fameuse armure, elle était où ? Était-ce cette arme qui avait détruit ces deux chasseurs ?

Le colonel frappa du poing sur la table. Il ne comprenait pas. Et les rapports étaient muets. Seul indice probant, la signature numérique de mutant que le croiseur avait reçu dans le signal de détresse. Et depuis, silence radio. Plus de mutants, plus de pilotes, plus de chasseurs. Tous volatilisés dans la nature. Tout ceci ne sentait pas bon.
- Il faut en savoir plus. Envoyer une unité d’exploration au sol. Je veux savoir ce qu’il se passe sur cette planète. Passez les villes au peigne fin, interrogez les survivants s’il y en a. Retrouvez-moi Ces pilotes, même morts !
- Oui Colonel !

Le second prit littéralement la fuite et sortit du poste de pilotage en courant. Le colonel resta plongé dans ses pensées. Si les gars du haut commandement avaient pris la peine de dépecher un croiseur, c’est que l’information qu’ils avaient reçu était fiable et intéressante. Mais là... Depuis la déclaration d’indépendance des planètes colonies de Pégase, il n’y avait pas eu de reprise de contact. Le colonel lui-même n’avait jamais vu de ses yeux les planètes. Les négociations et la signature du traité d’indépendance s’étant faites de manière indirecte. La Terre avait d’autres chats à fouetter avec les mutants, pour se préoccuper des revendications indépendantistes d’une bande d’exilés. L’indépendance avait été vite expédiée, et tout le monde sur Terre s’en foutait éperdument.

Mais, il y a deux mois, le haut commandement avait reçu une information sur une nouvelle arme, que voulait vendre un haut responsable de l’armée régulière de la planète 232, en échange d’un transfert sur Terre de sa personne. De plus, un incident mettant en cause un mutant de la Terre dans les parages avait éveillé les soupçons des décideurs, qui avaient donc dépêché le croiseur Galaxia sur place, afin d’en savoir plus, et de récupérer cette fameuse arme, présenté comme une armure mobile de nouvelle génération. Et le colonel était tombé sur un mutant ! Quid des humains ? Etait-ce tout simplement un piège ? Il n’en savait pas plus. Et son rapport n’allait pas faire plaisir à ses supérieurs. Pas du tout.

***

Une petite halte avait été décidée. Le bivouac dressé, Merks sortit de son duad quelques denrées, qu’il accepta de partager, de mauvaise grâce avec le pilote humain. La mutante avait préféré se prendre des fruits. Tous les trois ne disaient rien, mangeant leurs rations. Stago et Merks se regardaient en chien de fusil, chacun cherchant à deviner quelle serait la prochaine action de l’autre. Androucha restait sur ses gardes. Le silence pesant ne plaisait pas à Stago, bien décidé à en savoir un peu plus sur ceux qui ne retenait captif.

Essai raté ! Elle n’était pas aussi stupide que cela. Stago continuait à réfléchir. L’autre avait l’air moins fermé. Il pouvait toujours tenter.
- Et toi, tu comptes faire quoi maintenant ? Je veus dire... On a rasé toutes les villes.

Le regard furieux que lui jeta Merks lui fit immédiatement penser qu’il venait de dire une connerie.
- Pardon, fit-il aussitôt. Je... Je n’ai fait que suivre les ordres. Tu dois savoir ce que c’est.
- Oui je sais. C’est d’ailleurs pour ça que je suis encore en vie. Mais pourquoi nous avoir tiré dessus ? On est humains nous !
- Ben... Les ordres étaient simples. Les villes de mutants devaient être rasées. Le colonel a dit qu’il n’y avait que des mutants.
- Et vous n’avez pas cherché à vérifier ?
- On a obéi !
- Tout comme l’autre chasseur a bêtement obéi en te tirant dessus tout-à-l’heure, coupa Androucha. Vous ne savez faire que ça. Tirer, tuer d’abord, réfléchir après ! C’est pour ça que vous allez tous disparaitre.
- Quoi ? Firent les deux hommes en fixant Androucha.
- Ne faites pas ces têtes-là. Si vous n’êtes même pas capable de vous reconnaître entre vous, comment allez-vous faire pour ne pas vous entretuer ? Regardez-vous, vous êtes encore en train de vous demander si l’un ou l’autre n’est pas un mutant qui ment ! Je peux vous dire moi, que vous êtes humain tous les deux, autant sur le plan de l’intelligence limitée, que sur le plan du physique limité !
- Tout n’est pas si limité que ça chez moi, ricana Stago.

Merks ne put s'empêcher de rire aussi. Les blagues salaces, ça c’était universel ! Androucha haussa les épaules. Cette dernière remarque l’interpellait. Devait-elle le mettre sur le compte de l’humanité, ou celui du machisme primaire ? Après tout, c’était des mâles, il ne fallait pas l’oublier.
- Crétin, dit-elle simplement.

Les deux hommes explosèrent de rire. Androucha ne dit rien. Elle se contenta de lever son canon plasma en direction des deux hommes. Silence immédiat.
- On peut repartir ? Ces messieurs sont-ils prêt ?
- Ca va, on y va ! ronchonna Merks. Mutante et aucun sens de l’humour, on peut dire que tu collectionnes les tares toi !
- Et vous les conneries !

Les deux hommes se relevèrent. la dernière remarque de la mutante résonnait dans l’esprit de Merks. Cela l'agaçait, mais il devait bien l’admettre: elle n’avait pas tort. Ces cons de terriens avaient fait feu sans réfléchir une seconde. Pour le moment, il ne comprenait pas bien ce que cela signifiait, mais quelque part, il se sentait trahi par les siens. Trahi et rejeté. Cela  faisait mal. En silence, ils remontèrent sur le duad et tous levèrent le camp. Caché dans le sol, un petit carré de plastique commença à émettre un petit signal GPS. Ces petits émetteurs étaient un équipement réglementaire des pilotes terriens, destinés à les localiser en cas de perte de leur appareil. Stago en avait toujours une bonne vingtaine sur lui, étant donné que leur durée de vie était limité. Il comptait bien jouer au petit poucet et attirer les renforts à lui.

***

***

Androucha continuait à réfléchir sur ce qu’elle allait faire après. Attendre n’était pas son fort, et surtout, il était peu probable que les humains renvoient un autre chasseur seul. Elle le réalisait tardivement. C’était stupide de sa part de n’avoir pas pensé à cette éventualité tout de suite. Trouver une caverne. Abandonner les deux humains ici, qui seraient en sécurité, et repartir dans une ville, même en ruine, trouver des survivants. c’était du domaine du faisable. Sinon que faire ?

Stago avait semé sur le chemin un deuxième émetteur. Avec un peu de chance, il serait repéré par les secours, ou ceux qui seraient chargés de les traquer. Au moins, ils sauraient qu’un humain était en vie, et demandait de l’aide. Il eut un sourire intérieur. Surtout rester serein, et continuer à essayer de gagner leur confiance.