Evolution (chap 13)

Daniel Macaud

    Le calme plat. Ordonnant à tout le monde de rester immobile, Merks se risqua dehors. La silhouette maintenant familière de l’armure provoqua chez lui une euphorie qu’il ne se connaissait pas. Elle disparut très vite cependant. Androucha tenait l’un des terrien en joue, il était blessé.
- Qu’est-ce qu’elle fout ? Pensa-t-il. Elle va pas le laisser partir ?

    Il en était hors de question. Furieux, il sauta de rochers en rochers et en saisit un petit à deux mains. Androucha se tourna vivement. Elle eut juste le réflexe de reculer et hurla.
- Non ! Ne fais pas ça !

    Merks ne l’écoutait même pas. Il jeta le rocher de toutes ses forces à la tête de l’homme. Le bruit d’os brisés secoua le coeur d’Androucha qui vit, horrifiée, l’homme mourir sous ses yeux. Elle braqua son canon sur Merks, qui, penché sur le cadavre, récupéra son arme. Elle hurlait de colère.
- Espèce de malade ! Tu l’as tué !
- Parce que tu l’as pas fait !
- Il se rendait ! Assassin !
- Et eux, c’est quoi d’après toi !? Hurla Merks en pointant son arme sur elle, hein ? Tu crois qu’ils venaient nous aider à survivre ? Descend de ta planète du bonheur ! On est en guerre ! Et survivre, c’est tuer, avoir du sang sur les mains !
- Il se rendait ! Il n’était pas nécéssaire de le tuer !
- Si t’avais descendu ce pilote, il les aurait pas attiré ici ! Tu crois qu’ils auraient épargnés les civils ? A cause de toi, ils ont failli faire un carnage !

    Androucha ne répondit pas. Elle refusait d’admettre qu’il avait raison sur ce point. Sans Stago, les humains n’auraient rien eu à craindre. Pourtant... Elle était certaine d’avoir fait le bon choix. La mutante et l’humain étaient immobiles, chacun se menaçant de leur arme. Un instant, une éternité, ils se fixèrent du regard. Toute la haine de l’homme, et sa violence étaient là, Androucha pouvait les percevoir dans la nuit, à la faveur de la faible lueur des lunes, et du feu de camp qui brûlait devant l’entrée de la grotte. Toute l’incompréhension et la peur de la mutante étaient dissimulées derrière son casque. Merks renchérit.
- Et maintenant, tu comptes faire quoi, hein ? Tu les a laissé fuir, ils vont revenir, et on est toujours en danger ! Tout ça parce que la demoiselle ne veut pas comprendre qu’on est en guerre !
- La guerre... Vous n’avez que ce mot là à la bouche, vous les humains... Vous me dégoûtez !
- Alors retourne chez les tiens. Et tâche de survivre. Moi, j’ai des gens à protéger ici.
- Je... Tu n’y arriveras pas...

    Des hurlements stoppèrent leur conversation. Stago sortait de la grotte, un otage entre ses mains. Un enfant. Il avait profité de la confusion. Androucha et Merks braquèrent leurs armes.
- Ca va les mutants ! La ferme ! Baissez-moi tout ça, fit Stago railleur. J’hésiterais pas à le trucider !
- Si jamais tu fais ça, cria Merks, tu n’auras pas le temps de te retourner !
- Je lui brise la nuque si tu baisses pas ton arme !

    Androucha ne savait pas quoi faire. Merks était prêt à faire feu. Elle le sentait. L’enfant pleurait. Stago arborait un rictus diabolique. La mère du petit hurla de désespoir.
- Pour l’amour de Dieu, pitié !
- Vas-y, prie ! Ricana Stago.
- Laisse-le partir ! Je te jure que je te descend !
- Et tu ferais ça devant sa mère ? Drôle de façon d’exaucer sa prière !
- Stago ! Fit soudain Androucha. Relache le petit. Je te promet que tu pourras partir.
- Ah ouais ?
- C’est promis !
- Qu’est-ce que tu fais ? Tu vas le laisser filer ? Après ça ?
- Oui ! Laisse-moi faire Merks, je sais ce que je fais. Promets-moi de ne pas tirer.
- Hors de question !
- S’il te plait !
- Allez Merks, ricana Stago, obéis à la madame !
- Ta gueule toi ! Hurla l’homme en réajustant son arme.
- Merks ! Ecoutes-moi. Si tu veux, toi et moi, on le traquera après. Pour le moment, il faut sauver l’enfant. On l’aura plus tard.
- Je... T’as intérêt à savoir ce que tu fais la mutante, parce que je te descendrai aussi !
- Je te le promets.

    Merks hésita un moment. Le silence de l’assistance était lourd. Stago continuait à arborer son petit sourire de victoire. Intérieurement, il était mort de peur. Sans arme, il n’irait pas loin si Merks décidait de le descendre. Il jouait sa vie sur un coup de poker. Merks ne le quittait pas des yeux. Sauver l’enfant. Sur ce point, pour une fois, il était d’accord avec la mutante. Après tout, elle venait de les sauver tous. Il baissa son arme.
- Je te laisse filer si tu laisses le gosse. Mais essaie quoi que ce soit d’autres, et je troue la peau, pigé ?

    Stago soupira intérieurement. La jouer grand seigneur. Pourquoi pas après tout !
- C’est bien ça ! Regarde, je tiens parole ! dit-il en reculant prudemment pour atteindre un petit bosquet couvert par un rocher. Je vais le relâcher, doucement. Je vais prendre ce chemin rocailleux. Si vous me poursuivez, je vous entendrai. Vous ne m’aurez pas.

    Il lâcha l’enfant et plongea derrière le rocher. On entendit disctinctement ses pas décroitre en quelques secondes, il courait vite ! L’enfant se précipita vers sa mère, en larmes. Les autres eurent un soupir de soulagement. Merks se tourna vers Androucha.
- Ok pour cette fois. Tu nous as tous sauvé la vie. Je t’en dois une.
- Ca veux dire quoi ?
- Je laisse tomber ton armure. J’ai des gens à protéger maintenant. Et on ne peut pas rester ici, les terriens vont revenir.
- On est encore ennemis ?
- Je sais pas. Les terriens nous ont attaqué tous autant que nous sommes. Mutants ou humains. Je pense qu’on peut faire une trève. Pour le moment.
- Bien. Tu fais quoi maintenant ?
- Il y a un réseau de grottes plus haut, je l’ai vu sur mes cartes cet après-midi. Je vais les y conduire. On va essayer de trouver d’autres survivants, s’organiser pour résister. Et toi ?
- Je dois repartir pour la Terre. Demander du renfort.
- Contre nous ?
- C’est vrai que ça n’a plus trop de sens. Contre eux plutôt. Encore et toujours eux.
- Ouais... J’ai la furieuse impression d’avoir été trahi.
- Bon... Je dois filer. Ca ira ?
- Hey la mutante, j’suis un grand garçon !
- Bien !

    Merks la regarda s’éloigner un instant.
- Androucha ?
- Oui ?
- Merci.

    Elle ne répondit rien et activa son propulseur dorsal. Elle disparut très vite dans le ciel noir. Quelque part au sud, une fusée éclairante fit rougeoyer les ténèbres, quelques secondes.

***


    Les hommes n’avaient eu le temps de comprendre, à peine de réagir. ils venaient de l’ancer l’attaque contre la grotte quand des tirs venant de derrière touchèrent l’un d’eux. Ils ripostèrent tout de suite, mais devant la vélocité de l’ennemi, ils n’étaient pas de taille. Très vite, un deuxième homme, puis un troisème fut touché. Ils replièrent finalement, et rejoignant la rivière. L’un d’eux manquait à l’appel. Nouveau rapport. Ils attendaient les ordres. Repli. l’opération était un echec cuisant. Otage non sauvé, un homme perdu. Ils descendirent prudemment et en silence, pour retrouver les duads. Ensuite, ils iraient retrouver leur point d’extraction.

    Les deux blessés soignés, ils étaient prêt à partir. A cet instant le traqueur s’agita. Il venait d’accrocher un nouveau signal GPS. Il était très près. L’un des hommes mit ses lunettes à vision nocturne. Rien. Il se cachait. Finalement, ils décidèrent de signaler leur position. c’était risqué, mais tant pis. Ils devaient au moins repartir avec l’otage. leur ami ne serait pas mort pour rien ! La fusée éclairante fit un bruit de feu d’artifice. Quelques secondes plus tard, Stago les rejoignait, heureux.
- Putain les gars, ca fait plaisir de vous voir.
- C’est toi l’otage ?
- Jacques Stago, pilote de chasse première classe.
- Content de vous retrouver première classe ! On lève le camp. On vous ramène à la maison.
- Tant mieux, j’ai beaucoup de choses à raconter au colonel !

    Les six hommes se mirent en marche.

***


- Tu l’as vu ?
- Oui Colonel.
- Elle est comment ?
- Efficace colonel, la mutante a cloué mon appareil au sol avec une précision remarquable.
- Alors cette armure existe vraiment.
- Colonel, pour être honnête avec vous, une section d’élite avec cet équipement, et pourrait annexer n’importe quelle planète colonie !
- Il me la faut ! Stago, vous allez repartir pour 232. Je vous confie une unité d’élite. Je veux cette mutante, et je veux son armure !
- A vos ordres Colonel !

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