Evolution (chap 4)

Daniel Macaud

Des bruits. Des cris. Quelque chose dehors. Androucha bondit, regardant le rideau rouge, inquiète. La pieuvre apparut immédiatement.
- Un humain est entré dans le quartier des damnés, il est dans la cour arrière, fit-il rapidement en saisissant une arme de sa main ventousée.
- L’armure que j’avais, où est-elle ?
- Venez !

Androucha fit rapidement le tour du bar et passa dans l’arrière-boutique. Dans un coin, sous une pile de cartons sales que lui désigna la pieuvre, elle retrouva l’armure qui avait pris une forme de cube, exactement comme la première fois, quand elle la trouva dans l'entrepôt militaire humain. Elle la toucha, et l’armure se déplia, venant se coller sur son corps, la recouvrant entièrement, lui procurant cette sensation d'étouffement qui l’avait saisie dans l’entrepôt, alors qu’elle l’avait effleurée par hasard. Comment aurait-elle pu se douter qu’un cube de métal était une arme ? Le canon plasma reprit forme sur son avant-bras. Androucha eu un soupir de tristesse.

Dehors, l’agitation continuait. On tirait. La pieuvre avait disparue dehors, elle ouvrit la porte.

Merks s’en voulait. Il avait cruellement manqué de discrétion ! Il n’avait pas vu, en sautant la palissade, la pile de bouteille de verre qui se brisa sous son poids, alertant ainsi les mutants, qui ouvrirent le feu presque instantanément. Retranché derrière des caisses de stockages, il répliquait comme il pouvait, mais ne voyait pas grand chose. Une porte s’ouvrit, laissant la place à une pieuvre humaine, armée d’un gros calibre, qui pulvérisa sa faible protection. Il dut plonger pour trouver refuge derrière un amas de ferrailles plus épais. A cet instant, il vit surgir le robot. Il en était sûr ! Merks eut un éclair de réflexion. L’armure ne devait pas quitter le sol de 232. Il fit feu sur les réservoirs externes du petit vaisseau.

L’explosion fut gigantesque. Pulvérisant tout sur son passage. Merks fut assommé par l’amas de feraille qui tomba dessus, et lui sauva la vie. Androucha fut projeté contre le mur de la taverne, mais l’armure la protégea. Tous les autres mutants furent tués sur le coup. Le vaisseau n’était plus qu’une épave en feu, dont les flammes éclairait presque tout le quartier.

Les hurlements des humains de la milice firent réagir Androucha. Elle devait à tout prix fuir d’ici. Elle se releva, reprenant ses esprit. Elle les entendait approcher en hurlant comme des démons. Fuir. Androucha n’arrivait pas à faire obéir ses jambes. Elle était paralysée par la peur et le choc de l’explosion. elle hurla de désespoir.
- Je veux fuir ! Allez ! Bouge !

L’armure réagit. Un micro propulseur apparut dans le dos. Androucha s’envola dans le ciel noir de la ville, sous les yeux médusés de Merks qui reprenait tout juste conscience. Il fut entouré une seconde plus tard par une meute de milicien, armés jusqu’au dents. Il eut tout juste le temps de hurler.
- Je suis humain bordel ! Tirez pas !

***


L’atterrissage ne s’était pas fait en douceur, loin de là. Une peu sonnée, Androucha regarda autour d’elle. Des arbres. Une forêt. Elle était loin de la ville 41. Mais de combien ? Et pour combien de temps était-elle en sécurité ? Elle eut envie de pleurer. Pourquoi ? Pourquoi tous ces morts ? La puissance de l’explosion ne laissait aucun doute: Tous les mutants étaient morts. L’humain aussi certainement, même s’il se trouvait plus loin qu’eux. Pourquoi ? Cet humain avait tiré sur le vaisseau dès qu’il l’avait aperçu. Il l’avait empeché de partir. Donc il savait forcément qu’elle était un contact de la Terre. Il avait du être chargé de la faire taire, qu’elle ne fasse pas son rapport à la commission. Que cachaient-ils, ces humains ? Que protégeaient-ils de si précieux, pour ne pas hésiter une seconde à sacrifier autant de vie ?

Androucha parvint finalement à se redresser, et à s’asseoir. Elle ôta son casque pour reprendre son souffle. Autour d’elle, le calme de la foret contrastait avec son angoisse intérieure. L’aube était là, apportant son lot de lumière, chassant les ténèbres. Elle avait quelque chose de doux, cette lumière. Elle jouait avec les arbres, qui la tamisaient, en faisaient des petits faisceaux lumineux. Androucha avait remarqué que la lumière du soleil de la planète était particulièrement vive, surtout dans les villes humaines ou les arbres avaient été détruits. Ici, elle n’avait pas mal aux yeux. Sans les arbres, la lumière devenait très vite insupportable, elle en gardait un mauvais souvenir. Mais ici, la lumière était douce.

Androucha respira à pleins poumons. Elle s’allongea sur le sol mousseux et confortable. Elle se trouvait au pied d’un arbre gigantesque et magnifique, dont les larges feuilles lui faisait un parasol merveilleux. Toute la foret respirait le calme. Quelques chants d’oiseaux, des cris d’animaux. La vie s’animait, réveillée par la lumière. L’armure se désactiva d’elle-même, et se changea à nouveau en cube de métal. Curieux objet que celui-ci. Androucha le détailla.


Comment un si petit cube pouvait contenir une telle armure, avec un canon plasma ? Comment cette armure avait-elle fait pour lire dans ses pensées tout-à-l’heure ? Elle pensa soudain qu’elle pourrait donner ce cube à la commission. Il y aurait beaucoup à apprendre, c’était certain. Épuisée moralement et physiquement, Androucha finit par s’endormir, laissant la foret veiller sur son sommeil.


***


Merks se remettait petit à petit du choc qu’il avait reçu. les miliciens l’avaient aidé à se relever, et il contemplait maintenant l’ampleur du désastre. Une dizaine de mutants morts, donc sans intérêt pour un interrogatoire, un vaisseau inutilisable pour rechercher l’armure et son voleur, et plus aucun moyen de le retrouver, pas même un indice ! Elle s’était envolée dans les airs. Une armure volante, tu m’étonnes que le capitaine voulait la récupérer ! En bougonnant, Merks se secoua, tachant de redonner un semblant d’aspect convenable à son uniforme militaire. les flammes dévoraient toujours la carcasse du vaisseau, provoquant au passage une vague d’hystérie chez les miliciens, qui dansaient autour, en tirant en l’air. Des vrais malades ! Merks n’aimait pas les miliciens. Trop violents. Pas assez controlables. Des psychopathes avec des armes. Il sortit du petit carré de cour intérieur en repassant par la palissade, et se retrouva dans la rue. Il laissa derrière lui les cris de furie des miliciens et le crépitement des flammes, et sortit du quartier des damnés. L’envol de l’armure avait peut-être été repéré par les radars de la caserne, et surtout, le jour se levait, il devait se mettre à l’abri rapidement.
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