Evolution (chap 6)

Daniel Macaud

    La seule information que ne donnait pas le scanner, c’était le goût des fruits. Celui qu’Androucha venait de goûter lui laissait un goût pâteux dans la bouche, et il était franchement amer. Elle eut une mimique de dégoût. Tout ceux qu’elle venait de goûter lui plaisaient, mais ce dernier était tout simplement mauvais ! Cuit peut-être... Androucha se laissait aller à ses considérations culinaires en dévorant la petite corbeille de fruit qu’elle s’était constituée. Le soir arrivait doucement, et la lumière aurait bientôt disparu. Androucha savait qu’elle ne pourrait pas avancer beaucoup de nuit dans la forêt, sans compter que les prédateurs nocturnes seraient certainement de sortie. Elle allait devoir faire attention.

    Puisque son vaisseau avait été détruit, elle pensait rejoindre une autre ville, et demander de l’aide dans le quartier des damnés de la ville. Elle pourrait très certainement trouver un vaisseau et enfin rentrer pour la Terre. Elle pourrait y faire son rapport et convaincre la commission d’envoyer de l’aide aux mutants de Pégase.

    Le silence tomba soudainement sur la forêt. Androucha ne le remarqua pas tout de suite, mais elle put entendre un bruit malheureusement famillier. Un ronflement sourd qu’elle aurait reconnu entre mille. Le ronflement annonciateur de l’attaque des chasseurs terriens. Effleurant le cube, paniquée, elle lança son propulseur dorsal et s’éleva dans les airs, au dessus de la forêt.

    Des milliers de chasseurs terriens. Il devait y avoir un escadron pour chaque ville de 232. Elle en était persuadée. Elle savait bien comment oeuvraient les terriens. Ils allaient raser chaque quartier des damnés, ne laissant aucune chance aux mutants qui y vivaient. Ainsi les humains de Pégase avaient demandés des renforts ! Comment cela était-il possible ? La colonie avait déclaré...

    Le carnage stoppa net toutes ses réflexions. La ville 41 toute entière sous ses yeux fut ravagé par un torrent de feu. Terrorisée à l’idée d’être repérée, elle se posa aussitôt et prit la fuite, le plus loin possible de l’enfer qui venait de se déchaîner. Elle devait rester en vie, c’était le plus important, mais maintenant, face à l’armée terrienne, quelles étaient ses chances de salut ? Elle ne voulait pas y songer. Elle voulait simplement fuir. Et vivre. Elle courut, droit devant elle, jusqu’à tomber d’épuisement, tard dans la nuit.

***


    Merks arrivait à la lisière de la forêt. Devant lui se dressait des centaines d’arbres immenses, et entre les troncs, la nuit était partout. Pas un brin de lumière, les deux petites lunes de 232, même dans un ciel sans nuages, n’y pouvait rien. Au loin, on voyait encore très bien l’incendie de la ville 41. Merks soupira, alluma le phare avant de son Duad, et s’enfonça entre les arbres. Sous le couvert de ceux-ci, il savait qu’il serait difficilement repérable, et qu’il pourrait avancer sans problème. Et pour le mener jusqu’à l’armure, rien de mieux qu’un détecteur de métaux ! Dans une forêt, il avait de fortes chances de tomber dessus ! Concentré sur le petit écran du détecteur et sur le chemin tortueux que lui livraient les arbres, il avançait méthodiquement, fouillant la nature, à la recherche de cette fichue armure, se promettant de faire payer ce foutu voleur, même si, quelque part, il lui devait la vie...

***


    Le soleil se levait à l’horizon. Combien de kilomètres avait-elle parcouru ? Dans quelle direction ? Et maintenant, que faire sans aucune ressource ? Comment rentrer sur Terre ? Le désespoir était tout ce qu’il restait à Androucha. Elle pleura de longues heures.

***


    Le pilote de chasse première classe Jacques Stago en était certain, il avait vu de la lumière à la lisière de la forêt. Des futures victimes qui refusaient leur sort ? Ben voyons ! Il avait averti son escadron, et était parti en chasse, “sniffant” le territoire grâce à ses bio-scanners, et à des detecteurs de chaleurs. Il ne fut pas long à trouver. Un petit véhicule, avec un homme. Un tir, et fin du fuyard !

***


    Putain de terrien ! L’explosion venait de le secouer vigoureusement. Il s’en sortait de justesse. Échapper trois fois à la mort en moins de quarante-huit heures, y’avait pas à dire, Dieu l’aimait, c’était certain ! Il accéléra au maximum, et fonça droit devant lui, il devait sauver sa peau. Devant lui les arbres semblèrent soudain faire un mur végétal, les tirs du chasseur explosèrent à nouveau à ses oreilles, secouant le duad. Il devait trouver un abri. Sous le couvert des arbres, le seul moyen que devait avoir ce pilote pour le viser, c’était le detecteur de chaleur, mais s’il arretait son moteur, il était perdu. Fuir. Merks ne pensait plus qu’à cela, fuir et vivre.

***


    Satané mutant ! Il résistait bien pour un démon ! Il avait adopté une trajectoire brisée, l’obligeant à le réaligner à chaque fois pour tirer, mais Stago était bon pilote, il l’aurait !

***


    Les bruits des explosions résonnèrent aux oreilles d’Androucha. Un chasseur arrivait dans sa direction. Il devait poursuivre un mutant réchappé du carnage. Androucha devait lui venir en aide. Elle réactiva son armure et s’envola au dessus des arbres.

    Devant elle, un chasseur arrivait a toute vitesse, tirant au sol. Un chasseur terrien. Il était là son salut ! Prendre le temps de le viser, le clouer au sol, sans le détruire, le réparer, et repartir pour la terre. La précision du canon plasma allait lui être d’un grand secours. Détruire le gouvernail de vol stationnaire, bonne idée. Facile à réparer, et vitale pour le maintien de l’appareil en vol.

    Androucha respira profondément. Son petit propulseur dorsal lui assurait une parfaite stabilité. Le chasseur se rapprochait vite. Maintenant. Le tir toucha parfaitement sa cible, et le chasseur dévissa immédiatement pour aller se crasher dans la forêt, à quelques centaines de mètres. Androucha eut un sourire de victoire. Elle allait rentrer sur Terre !

***


    L’explosion au dessus de lui ne faisait aucun doute. On venait de lui sauver la mise. Sans doute le voleur de l’armure. Merks freina. Le duad s’immobilisa enfin, il pouvait respirer. Merks fut prit de l’envie soudaine de briser les jambes de ce chasseur terrien qui avait eu l’audace de lui tirer dessus. Son detecteur de métaux s’affolait. Avec une carcasse de vaisseau à trois cents mètres, pas étonnant. Il remit les gaz.

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