Exécution publique

Sylvain C.

Genoux à terre, les poings liés... mise en prière d'un condamné, implorant le ciel d'en finir, d'y rester, que perdure son martyre sans jamais trépasser. Sur l'échafaud, le souffle chaud de son bourreau, penché sur son dos, distille une odeur rance d'alcool, de sueur, de pisse... une odeur d'outre-tombe à vomir! Les relents de dégout en haut-le-cœur n'entachent pourtant en rien la noblesse de son tortionnaire, de sa lame affutée à en percer la peau pour en pervertir la chair, de ses muscles bondés prêts à se déployer avec puissance, de sa morbide beauté qui, le temps d'un regard complice, allège son supplice. La tête en arrière et les yeux à l'abandon, il s'en remet tout entier au bon vouloir de ce dernier qui vient les lui bander. L'obscurité d'une nuit sans lune éclipse un instant la peur et l'effroi, le poids de son corps fébrile et tremblant, la pesanteur de tout ses tourments, pour n'en laisser au final qu'un être calme, léger et serein. La menace, elle, est bien présente, inévitable et susceptible de tomber à toutes secondes, à chaque instant, devenue presque palpable dans cet air sec et électrique qui lui réchauffe les veines à faire bouillir son sang. Vocifère une foule invisible qui ouvre le bal; les insultes, les jurons, qu'on lui crache au visage, s'ajoutent aux coups et flagellations du fouet qui vient le marquer au fer rouge. Les sévices se suivent et se ressemblent, des tortures à la chaine qui le laissent pour nu le cuir en lambeaux , et le souffle coupé court, plus très loin du dernier.

Son crime: la déviance. Coupable de plaisir, de son absence, celui de n'en éprouver que par la douleur et la violence. Esclave de ses pulsions, de tout ses sens, qui uns à uns le poussent au vice, puis la jouissance par les cris et la souffrance. La société le condamne à en payer le prix fort, à lui et ses semblables, « pervers », « maniaques », « détraqués »... des bêtes sauvages selon les dires de leur prude morale qui juge indécent leur façon de déjouer la vie pour mieux jouir de ses horreurs. La peine est capitale: relégués au rang de marginaux, la honte qu'on leur colle sur le dos, le regard de travers sur une intimité décortiquée à coups de couteaux.

L'excitation est à son comble, des Oh et des Ah, des cris de douleur, d'apitoiement ou de joie… et bientôt la sentence qui s'abat avec son râle d'impatience. « Baise-moi! » pour dernière volonté, « Défonce-moi le fion!». L'exécution est sans appel: le corps épuisé, gisant sans vie à l'agonie.

Photo: « My surrender », Mike Bliss. www.mikesbliss.com