Folie douce

laeti79

Synopsis

Catherine, une jeune psychiatre d’une trentaine d’années, mène une vie assez mouvementée entre ses patients plutôt loufoques, ses disputes avec sa sœur et surtout sa rupture avec son compagnon. Lorsqu’elle rencontre Frédéric, un nouveau voisin récemment divorcé, elle pense avoir retrouvé l’amour, mais elle doit affronter l’hostilité de ses enfants, surtout celle de Morgane, sa fille adolescente. Frédéric est partagé entre ses enfants et Catherine et les choses commencent à se gâter entre eux. Lorsque Catherine est victime d’un mystérieux harceleur, elle soupçonne d’abord Morgane, à la grande colère de Frédéric. Mais ensuite, elle va découvrir que la réalité est bien plus grave qu’elle ne le pensait.

Début

Par cette pluvieuse soirée de novembre, je n’aspirais qu’à une seule chose : rentrer chez moi, prendre un bon bain chaud et dormir. Au moins douze heures, de préférence, car la journée avait été plutôt rude. Les patients de l’hôpital psychiatrique où je travaillais étaient particulièrement nerveux et mon chef s’était levé du pied gauche. Il m’avait enguirlandée pendant un quart d’heure parce je ne m’étais pas rendu compte qu’un de mes patients avait réussi, Dieu sait comment, à se procurer un CD de Nirvana, le casser en morceaux et tenter de le manger. Il pensait qu’ainsi, le génie de Kurt Cobain l’envahirait. Et bien sûr, inutile de rappeler au boss que j’étais là pour soigner les malades et pas pour les surveiller en permanence.

Le soir, je n’avais pas pu échapper au repas d’anniversaire de ma sœur cadette, Laurène, qui avait profité de cette fête en son honneur pour me lancer des piques toute la soirée sans que personne ne lui fasse de reproches. Mais j’étais habituée à cette rivalité qui durait depuis notre enfance et que même mes études en psychiatrie ne m’avaient pas permis de résoudre.

Le temps d’aller de l’emplacement de parking de ma voiture à l’entrée de mon immeuble, j’étais déjà trempée. « Ca m’apprendra à ne jamais avoir de parapluie. », pensai-je avec mauvaise humeur. J’appuyai en vain sur le bouton permettant d’appeler l’ascenseur, de nouveau en panne, et m’apprêtai avec résignation à monter les quatre étages menant à mon appartement à pied quand j’entendis des cris de détresse provenant justement de l’ascenseur en question.

-          Au secours ! Je vous en supplie, que quelqu’un vienne m’aider ! Il n’y a personne dans ce maudit immeuble ?

-          Il y a quelqu’un ? (Non, c’est l’ascenseur qui parle).

-          Oui, je suis bloqué depuis presque une heure et j’ai beau sonner, personne ne répond. Le réparateur devrait être là depuis longtemps !

-          C’est déjà arrivé il y a quelques temps. Je vais appeler le syndic de l’immeuble.

-          Oui, faites vite s’il vous plaît, je n’en peux plus !

-          Voilà, c’est fait. Ils envoient quelqu’un pour réparer, il sera là dans un quart d’heure. Vous voulez que j’attende un peu avec vous ?

-          Si ça ne vous ennuie pas, ce serait génial. Je suis claustrophobe et je commence vraiment à angoisser.

-          Alors vous avez affaire à la bonne personne, je suis psy.

-          C’est vrai ? Ca tombe bien, je commençais à devenir fou.

-          Je vais faire de mon mieux pour éviter ça!  Vous avez une idée de ce qui a provoqué votre claustrophobie ?

-          Oui ! C’est la faute de mon frère aîné. J’avais cinq ans et lui dix. C’était un mercredi après-midi, notre mère nous avait laissés seuls juste le temps d’aller acheter un pain et je l’ennuyais depuis plus d’une heure pour qu’il joue avec moi alors qu’il voulait regarder des dessins animés. Pour que je lui fiche la paix, il m’a enfermé dans la garde-robe de nos parents et à cause du bruit de la télé, il ne m’a pas entendu pleurer. Ca n’a pas duré longtemps mais quand ma mère est rentrée, elle m’a trouvé au bord de la crise de nerfs. Elle était folle de rage ! Elle a privé mon frère de télé pendant une semaine. Et depuis, je ne supporte plus d’être enfermé.

La conversation se prolongea quelques minutes jusqu’à l’arrivée du technicien, furieux contre son collègue qui ne répondait pas au téléphone quand il était de garde. Le mystérieux inconnu sortit enfin et mon attente fut largement récompensée. Devant moi se tenait à un homme très grand  - 1,88 m, comme je devais l’apprendre plus tard - aux cheveux bruns très courts, aux yeux verts et au plus magnifique sourire que j’aie jamais vu. Tout ce que j’aime !

-          Ma sauveuse ! Je ne sais pas comment vous remercier.

-          Ce n’est rien, ça m’a fait plaisir de vous aider. Vous habitez l’immeuble ? C’est la première fois que je vous vois.

-          Oui, je viens d’emménager et je ne connais pas encore mes nouveaux voisins. Je m’appelle Frédéric.

-          Moi, c’est Catherine. J’espère que votre mésaventure ne vous aura pas dégoûté d’habiter ici.

-          Non, je m’en remettrai. C’est un peu ridicule d’avoir paniqué comme ça mais je ne pouvais pas m’en empêcher.

-          Ca peut arriver. Il y a beaucoup de gens qui ont des phobies. Bon, je vais vous laisser. Bonne soirée.

-          Attendez, j’ai quand même une idée pour vous remercier. Je pourrais vous inviter à dîner, ce serait l’occasion de faire connaissance justement.

-          Pourquoi pas ?

-          Demain soir, ça vous irait ?

-          Oui, c’est parfait. J’habite l’appartement 4B.

-          Moi c’est le 3A. Je monterai vous chercher vers dix-neuf heures.

-          D’accord, à demain.

Le lendemain soir, j’étais horriblement nerveuse. On pourrait penser que j’ai l’habitude des rendez-vous à presque trente ans, mais ce n’est pas si simple. En effet, quand j’étais ado, je n’étais pas vraiment du genre tombeuse. J’avais beaucoup d’amis garçons, je m’entendais même généralement mieux avec eux qu’avec les filles, mais pas de petit ami. J’étais plutôt considérée comme la bonne copine (ou comme l’intello de service par ceux qui ne m’aimaient pas, car j’étais une très bonne élève). Ca m’a d’ailleurs valu des complexes épouvantables, surtout quand je voyais ma sœur, pourtant quatre ans plus jeune que moi, collectionner les amoureux dès les premières années du secondaire.

J’ai sauvé mon honneur en sortant quand même avec un garçon avant elle, quand j’avais quinze ans. J’attendais le bus en fin d’après-midi quand un des plus beaux garçons de l’école est arrivé, s’est assis pas très loin de moi, et a éclaté en sanglots. Sa copine – une fille canon évidemment –  l’avait quitté et il avait le cœur brisé. J’avais déjà l’instinct d’une future psy, car je l’ai longuement réconforté. Eperdu de reconnaissance, il m’embrassa (je faillis m’évanouir de bonheur) et nous sommes sortis ensemble pendant une semaine. Jusqu’à ce qu’il m’annonce gentiment qu’il était désolé mais qu’il avait revu son ex et qu’ils s’étaient réconciliés. J’ai pleuré tous les soirs pendant deux semaines. Jusqu’à ce que mon meilleur ami Tony me fasse remarquer que mon chagrin d’amour avait duré deux fois plus longtemps que mon histoire elle-même et qu’il était temps de tirer un trait.

L’année suivante, je suis sortie quelques mois avec un garçon super. Tout se passait bien entre nous tant que nous étions tous les deux, mais à chaque fois que son insupportable bande de copains arrivait, ils gâchaient tout. Malheureusement, il ne pouvait pas se passer d’eux. J’ai fini par rompre.

Ensuite, je suis entrée à l’université où j’ai rencontré Jérémie, mon premier grand amour. Nous sommes sortis ensemble pendant toutes nos études et avons vécu ensemble pendant notre internat. Mais entre ma spécialisation en psychiatrie et la sienne en chirurgie, nous étions toujours débordés de travail et nous passions de moins en moins de temps ensemble. Nos sentiments se sont éteints petit à petit et nous nous sommes séparés après avoir réalisé qu’à part notre appartement et une grande affection mutuelle, nous ne partagions plus rien. Mais il me manque. Ca n’a pas été évident d’apprendre à vivre seule. Et ce n’est pas non plus facile d’être à l’aise face à un autre homme. Depuis notre rupture, je n’ai connu personne en dehors d’une petite aventure de vacances en Espagne et je ne sais pas trop comment me comporter. J’ai rangé mon appartement et donné un coup d’aspirateur avant de passer deux heures à me pomponner. Ca y est, on sonne à la porte. Ca doit être Frédéric. Pourvu que tout se passe bien !

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