Les aventures de Sylvère Casse-Couilles

sylvere-dangely

LES AVENTURES

DE SYLVERE CASSE-COUILLES

 

Synopsis

            Les aventures de Sylvère, monstre à la fois beau et anormal, envoyé faire la guerre, alors qu’il est fait pour l’Amour. Ecartelé entre son devoir de guerre et son amour pour Grenadine, sa dulcinée, il cherche une solution à ce conflit intérieur, et sera amené à déserter afin de conduire une nouvelle guerre, la « Guerre de l’Amour ». Comédie paradoxale mêlant romantisme forcené, guerre et décalage humoristique. Conte moderne aux accents féériques.

Début

                        Ça a dû commencer à Tarascon. Pas celui de Tartarin, ce fada, mais le joli Tarascon des châteaux et de l'eau. Là-bas, de château en château, on peut observer comment un jeune con devient une figure de la fiction. Don Quichotte, si ça se trouve, avait des ascendances dans ce pays. En tous cas, Sylvère Casse-Couilles connaissait bien le parfum du patelin,  car il y avait passé trois jours, du temps de sa prise de conscience des bonbons, bien après avoir appris (dans un livre, comme souvent) le rapport de Tartarin aux lions.

                        Un beau matin du mois de Janvier - Janvier, vous savez, c'est le mois du paradoxe, une joue classique, une joue moderne : Janus, quoi, le Dieu de l'hypocrisie et des retournements, la tête forte à double-face - un beau matin du mois Janus donc, je ne saurais vous dire si c'était le treize, par chance, Sylvère Casse-Couilles fut envoyé, de manière inopinée, au pays des bonbons.

                        Sa tête savait encore - il faut vous dire qu'elle n'avait jamais encore été trépanée - ce que signifiait sucer un bonbon au mois de janvier. Aussi curieux que cela puisse vous paraître, cela signifiait perdre la tête pour l'amour de la guerre. De toutes façons, sa tête, Sylvère Casse-Couilles l'avait bien accrochée sur ses épaules. Je dis bien que c'est lui qui l'y avait placée. Pensez-donc ! Elle se serait envolée s'il n'y prenait pas garde à la place de tous ces grands hommes préparant le quotidien.

                        Ici, je dois, s'il m'est permis, vous faire une apologie de la tête de Sylvère Casse-Couilles. Sylvère Casse-Couilles a, je crois, ce que l'on peut appeler une tête bien faite. Suffisamment jolie au dehors, pleine de folle et substantielle semence à l'intérieur. C'est ce qui fait l'entourloupe pour quiconque veut sonder le monde capital de Sylvère Casse-Couilles. La boule au-dessus du cœur (ce qui signifie : "toujours la main sur le cœur"), Sylvère Casse-Couilles prend sa tête pour un coffre-fort. Toutefois, cette tête est faite de chair. C'est pourquoi on peut y discerner des particularités matérielles. Il y a une face, dans la tête de Sylvère Casse-Couilles, qui possède un grand œil et une petite bouche. Sur l'autre face de sa tête, on peut y apercevoir au contraire une grande bouche et un petit œil. C'est ce qui fait dire à certains amis (parfois les meilleurs) de Sylvère Casse-Couilles que lorsqu'il se tait, c'est qu'il fait jaillir une profonde lumière, tandis que lorsqu'il ferme les paupières, il devient ce qu'il est convenu d'appeler une "grande gueule".

                        Je ne puis parfaire la présentation de sa tête sans parler de ses cheveux, je veux dire ses terminaisons nerveuses. C'est en effet sa seule particularité extérieure remarquable - je m'en veux de ne pas vous avoir prévenu auparavant de l'effet qu'elle produit - seule particularité donc qui fasse que la tête de Sylvère Casse-Couilles, quoique belle, est cependant un petit peu anormale. Sylvère Casse-Couilles a des cheveux jusque sur les joues. Pas des poils de barbe, non, mais des cheveux, des vrais, des terminaisons des nerfs.

                        Pourtant, il y a plus de cheveux sur la joue du petit œil que sur celle de la petite bouche. On voit pour ainsi dire les nerfs de l'extérieur.

            "Y'a qu'un cheveu sur la tête à Matthieu !

             Y'a qu'des nerfs sur la tête à Sylvère ! "

Nous allons bientôt voir que l'importance des nerfs chez Sylvère Casse-Couilles, comme ce qui permet de peser son intelligence, n'a de correspondant dans l'univers de l'explication invisible, que la puissance de ses volte-face, demeurées désormais mémorables. Janus change de joue dès que le jeu de l'intelligence le veut.

                        Qu'est-ce qui énerve le plus Sylvère Casse-Couilles : le manque ou le surplus de nerfs ? Le petit œil le rend malheureux. C'est dire qu'il n'aime parler que pour soigner les plaies de son ignorance. C'est le petit œil qui est malheureux. D'où la devise parfois proférée par Sylvère Casse-Couilles, dans les moments les plus inopportuns : "Mieux vaut être grande gueule que faux-cul".

-------

                        Le pays des bonbons, c'est le pays où les sentiments sortent de la tête, justement, et pas du cœur. C'est un pays où Sylvère Casse-Couilles est arrivé un jour, sans trop savoir pourquoi, ou plutôt, par la force des choses. Qu'il y ait, non loin du pays du yaourt, celui des bonbons, cela peut sembler féerique. Mais c'est en vérité reconnu publiquement. Pour ceux qui n'en sont pas assurés, je vais tout de même expliquer la chose. Le pays des bonbons se situe au point international de la violence : entre Teceles et Réether, non loin de Liec. C'est là que prend sens le rapport millénaire de l'amour à la guerre.

                        Il y a bien des petites guerres, des guerres qui ne peuvent se soustraire aux contingences du temps, des circonstances; mais celle-ci, plus que mondiale, est universelle. Elle met en relation l'Amour abstrait et la guerre des patriotes. Car c'est bien du Pays des patriotes qu'il faut parler. Notre bonne Vieille France n'est pas faite pour la guerre. C'est pourquoi elle est patriote dans l'âme. Elle a comme le devoir de compenser son manque d'autorité et de force militaire par sa grande et magnifique volonté de paix et d'égalité.

                        Aussi Sylvère Casse-Couilles n'est-il pas seulement le héros d'une fiction, mais le protagoniste de la véritable histoire. Où celle-ci a-t-elle débuté, c'est ce que je vais préciser à présent. Le long d'une petite crique, dans l’Ebruob, aménagée par les bons soins artificieux du fameux "Club Méditerrassé", il y a plusieurs personnes, qui n'attendent pas grand-chose, si ce n'est - inutilement, et c'est dommage - la fin de leurs vacances. Ce sont les hommes normaux ou dits tels. Cependant, on peut aussi regarder de l'autre côté du miroir : on y trouvera la petite et moyenne Erret, torturées par une guerre intestine depuis maintenant longtemps, pour ne pas dire toujours. C'est l'endroit favori des morts. Ça l'était en tout cas, jusqu'à ce que Sylvère Casse-Couilles s'y aventure.

                        Ce dernier partit donc pour le pays des bonbons, résolument investi par sa mission : rendre l'éternité aux vivants presque morts en faisant la guerre de l'amour. Hors de son paysage mental, pourtant, tout était bien plus riche en concrétude. Les petits villages par lesquels il pérégrinait,  distillaient sur son chemin une odeur de Provence et une sensation de sérénité mêlées l'une à l'autre. C'est qu'il ne cessait de rencontrer, de ci, de là, des oliviers en fleurs. L'aspect aride de certains coteaux, la sécheresse du monde végétal, tout concourait à donner l'impression d'une puissance naturelle, même sans aucun effet de luxuriance.

                        Seulement, il ne faut pas l'oublier, cette guerre était le brise-bonbons. C'est-à-dire le bonheur, sans qu'il le sache, de Sylvère Casse-Couilles. Horreur, haine, hideux discours : tel est l'horizon sur lequel se profilait l'avenir de Sylvère Casse-Couilles. Ce dernier - vous le dirai-je? - était pourtant enthousiasmé à l'idée de trouver son complément d'âme, de pouvoir se retrouver dans quelque chose d'autre que lui-même, de savoir enfin ce que pensait de lui l'autre côté du miroir. Il commença donc, pour se mettre "dans le bain", par simuler cette confrontation; et ceci, tout simplement, devant la glace de sa salle de bain. Il prit son appareil d'où sortent les photos, se mit devant le miroir, disposa l'appareil contre la glace (l'objectif dirigé vers son visage) et appuya sur le déclencheur, pour voir ce que le miroir savait de lui.

                        Une fois mis en condition, il ne trouva plus bizarre que lui, Sylvère Casse-Couilles, ait à se rendre au brise-bonbons. Cela était, somme toute, dans l'ordre des choses. Alors il prit sa besace, plia bagage. Il n'emportait pas grand-chose avec lui; juste le strict nécessaire : vêtements, produits de toilette, un livre - L'ingénieux hidalgo Don Quichotte de la Manche, - une bande dessinée - Kodo le Tyran, de Franquin - et puis aussi une photo, celle de sa dulcinée à lui ; enfin son béret, essentiel par temps de vieillesse.

                        Sur ces entrefaites, Sylvère Casse-Couilles se mit en marche. Il se rendit à la garnison qui siégeait à Tarascon. Là-bas, on lui fit subir maints examens (de vue, et du corps tout entier plus généralement). A quoi bon? Pour vérifier, sans doute, qu'il y avait de la bonne machine dans ce mauvais vivant. De toutes façons, Il n'était pas nécessaire de pratiquer un examen plus métaphysique, c'est à dire moins physique : le gars était venu pour cela; on aurait bien le temps de voir ses capacités et ses désirs sans pour autant se lancer dans des élucubrations sans fondement scientifique.

-------

                        Pendant ce temps-là, quelqu'un vivait au rythme de ses souvenirs et de ses intermittences cardiaques : c'était Grenadine; la belle de Sylvère. Ce dernier aurait été dans l'impossibilité de vous dire quoique ce soit sur l'état de cette dernière. Il était tant absorbé par le fond, qu'il ne  trouvait plus la force de vivre avec elle au quotidien. D'où sa tristesse. Le contrepoint, tout de même, c'est qu'il l'aimait plus que tout le monde.

Signaler ce texte