Fraîcheur matinale de la pierre

valalex

Fraîcheur matinale de la pierre

La fin des vacances est toujours difficile, mais cette fois-ci me semble plus ingrate encore. Peut-être parce qu’une coupure d’une semaine tient plus d’un long week-end que de réelles vacances. Peut-être aussi parce que j’étais vraiment bien, vraiment à l’aise, là, sur la terrasse de la maison de famille.

 Voilà où j’en suis en soufflant sur mon café de 10H30, de retour au travail, au centre du verger de verre et de béton de l’ouest parisien. 10H30 ? A cette même heure, la semaine dernière, j’étais certainement installé sur un transat pour bouquiner. Je repense au soleil méridional qui a si délicatement doré mon teint et pour lequel tous mes collègues me félicitent à présent.

 Un peu plus tôt, j’ai déjà eu le choc du réveil à 7H30. Cette sirène hurlante, qui me sort du lit tel un automate, ne m’avait pas manqué. Durant sept jours de réveils naturels, ma compagne et moi avions pris l’habitude de prendre notre petit-déjeuner dans le bon air matinal. Les voisins nous avaient gâtés de confitures de leur cru et nous en profitions pleinement. Ajoutez à cela du jus de fruit, un café, le chant des oiseaux et la vue sur la mer au loin… tout est là. Ce que j’appréciais par-dessus tout, c’était le contact de mes pieds sur les dalles de pierre encore fraîches. C’est aussi sous cette lumière que je préférais admirer le paysage. Elle n’avait pas encore l’intensité aveuglante de pleine journée ni la teinte rosée ou jaunie du crépuscule. Et quel paysage !

 Et quel paysage historique aussi ! Car tout en me replongeant dans ces souvenirs, je ne peux mettre de côté la notoriété mondiale de cette belle région de France. Tant d’hommes illustres ont séjourné dans ce Sud, pour prendre du recul, se revigorer, se distraire bien sûr, ou encore pour créer. Je pense à tous ces peintres, impressionnistes notamment ; je pense aussi à Fitzgerald, écrivant son magnifique Gatsby à quelques kilomètres de Cannes ; et je vois surtout (car ce sont mes parents qui m’ont raconté cela, après l’avoir croisé plusieurs fois) Sir Winston Churchill, se pavanant dans les casinos et prendre tout à tour racine sur les plus belles terrasses des plus belles villas des alentours, sirotant les meilleurs alcools d’une main, maniant le pinceau de l’autre, pour immortaliser la nature qui se présentait à ses yeux. Mais assez rêvassé, retour au travail.

 C’est le Sud qui me travaille, justement. Assis sur ma chaise en plastique à la cafétéria, je m’apprête à ingurgiter mon triste repas… Heureusement, ma mémoire s’agite à nouveau pour faire revenir à ma vue les banquets de la semaine passée. Me revoilà attablé au soleil du midi. Derrière moi, la maison. De plein pied, aux murs en crépis, ce n’est pas la plus envoûtante du lotissement, certes. Cependant, son emplacement en hauteur sur une colline près de Gruissan en fait un point de vue d’une valeur inestimable. Le salon et la cuisine donnent sur une terrasse aux dalles de pierre par des baies vitrées. Cette terrasse, de forme rectangulaire, est le cœur de la maison. Elle est à la fois l’endroit où l’on passe le plus de temps et le lien entre la maison proprement dite et le jardin. La famille l’a voulue sobre, voire humble, si bien que sa description telle quelle me paraît moins attrayante que toutes les activités à laquelle elle donne lieu. Une table de bois, six chaises qui vont avec. Un bois brut toujours nu, sauf pour le déjeuner, où on le recouvre alors d’une nappe. Un store déroulant pour les heures les plus chaudes et quatre transats. Un barbecue en briques sur une extrémité. La cuisine donnant sur le barbecue et la table, le salon donnant sur les transats, une configuration simple pour un maître mot qui l’est tout autant : la bonne vie, la bonne chère. Le barbecue justement, l’une des activités plein air préférée des français ! Après les salades composées, c’est au tour des poissons farcis aux herbes, côtes de bœuf, saucisses, pavés, grillades… Tout y passe ! Tous les plats que j’ai savourés me reviennent en tête et défilent sous mes yeux. Ca y est, j’ai déjà fini mon dessert.

 Café de 17H00. Jetant un coup d’œil par la fenêtre, j’observe un instant de mon vingtième étage le fourmillement frénétique sur le parvis de la Défense. Cela me rappelle la danse des abeilles autour de notre lavande. Toute la terrasse est bordée de lavande, et on en retrouve aussi plus loin dans le jardin. C’est par un petit chemin de terre que l’on peut s’y promener. On y trouve pêle-mêle toutes les plantes les plus communes de la région, ces plantes ou arbustes à l’aspect plutôt sec mais toujours plaisants par leurs couleurs ou leurs odeurs. Ainsi des bougainvillées, de la santoline, de petits palmiers, de la glycine, des rhododendrons, etc… 

 Et les soirées là-bas ? Ah… les soirées. Ou quand les murmures montant du terrain de pétanque s’arrêtent pour mieux nous faire entendre les sérénades des cigales. Puis les verres et les glaçons tintent alors que nous trinquons entre voisins. Les voix s’élèvent chaleureusement autour de cet apéritif dinatoire. La terrasse ne sera pas déserte avant quelques heures encore. Et mon bureau non plus…

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