Garamond, 12
fleur
Synopsis
Il était une fois, un auteur en mal d’écriture, qui se lamentait sur cette machine démoniaque du livre qui prit son brin de folie et de ridicule pour inviter son propre livre dans les méandres de ce monde inaccessible tant par la grande porte que par la petite porte. Il choisit de prendre les chemins de traverse, le menant vers ceux de l’humour affublé de l’amour.
Mal lui en prit, car Garamond, 12 a plus d’un tour dans son sac et certainement plus de pouvoir que celui d’un banal roman.
Attention esprit conventionné, prière de cesser toute lecture au-delà de ce point.
C’est ainsi que l’auteur fut propulsé lui-même, au cœur de sa propre histoire où il rencontra le protagoniste, auteur lui-même d’un livre, devenu le coup de cœur de la jeune libraire propriétaire par héritage d’une petite librairie atypique.
Coup de cœur qui pourrait bien se muer en un terrible coup de foudre !
Au cœur de cet étrange triangle, une énigme : celle de Garamond, 12 qui s’éclipse en ombre chinoise, pour laisser la scène à ce Monsieur X et son livre qui n’est ni plus ni moins son testament moral puisqu’il ne lègue ni biens ni dettes mais les raisons de ce destin. Monsieur X, avouera en réalité tous les déboires et les déconvenues pas très « clean » qu’il a essuyés provocant la perte de son épouse, la disparition de son fils et sa propre tragédie. C’est par l’écriture qu’il libère son mal, et retrouve la voie d’une certaine sagesse le menant tout droit sur le chemin d’une belle et jeune libraire.
Nous cheminons sur les premiers pas de cette rédemption, tout en écoutant l’histoire de Monsieur X et de son livre, le quotidien de la jeune libraire, en parcimonie l’histoire de la vieille tante et ses prétendants, et enfin cet étrange auteur de son Garamond, 12 qui devient l’intrus de ce livre.
Des personnages tout en opposition qui se reflètent pourtant dans un même miroir celui de la passion. L’osé étonne et chahute la frustrée, Garamond, 12 bouscule son auteur au-delà du conformisme et la vieille tante qui avait toujours refusé de se ranger pour mieux vivre sa vie de femme libre faisant languir un amoureux éternel. Les uns dévergondent les autres, alors que les autres calment les ardeurs des uns.
Tout un joyeux cocktail « frappé » aux ingrédients étranges qui secoue pour s’écouler en une liqueur épicée et pétillante.
Les pages s’égrènent semant chemin faisant des graines de passion, sur ces terres du destin pousse souvent ce brin de folie, et des belles fleurs d’amour.
L’amour en filigrane, comme point commun d’une seule et unique passion : celle des mots.
Mais quand les mots n’ont plus de pouvoir face à l’amour fou, que reste-il si ce n’est que l’humour et la dérision.
Le burlesque n’a jamais tué personne, d’autant que Garamond, 12 se veut sentimental voire Don Juan, avec ses airs de grand enfant, il sait séduire avec son large sourire. L’irréel s’invite dans les désirs, ou est-ce l’inverse ? Etrange amalgame d’une réalité qui fusionne aux rêves les plus ardents.
L’amour fou ! Livre fou, histoire de fous mais soyons fous !
Ce roman se veut une comédie dont on ne saura pas tout à fait qui est qui, et si la fin n’est pas tout compte fait le début et pourquoi pas un conte de fée en mal de devenir réalité.
Sans doute un livre de plus, de trop ou pas assez, comme un pied de nez à qui de droit. La belle affaire ! Garamond, 12 s’en contrefiche des déconvenues, les laissant à tous les auteurs en mal d’ego, il s’est fait plaisir en écrivant une histoire rocambolesque, à pris son pied, et s’est bien marré.
Qu’importe la réelle constance de l’histoire puisqu’au final, le lecteur aura tout oublié une fois le livre refermé avec un sourire aux lèvres ! N’est-ce pas d’ailleurs le lot de la majorité des livres lus ? Alors où est le problème ?
Comme une page blanche
Garamond, 12 je te veux mon roman, mon livre, mon témoignage de cette société à fric, je te prends comme compagnon de route, mon ami, ma folie, ma déception, ma page blanche, ma page de rage, nous allons en guerre sans boutons ni bataillon. Allons, partons pour de bon contre cette montagne d’immondices. Un coup de pied dans ce tas de détritus. Balayons ce paysage devenu trop infâme, trop virtuel, remettons les choses à leur place, lumière et vérité, un bon nettoyage de printemps.
Garamond, 12 est dubitatif devant tant de volonté de combattre son sort vaille que vaille. Pas trop vaillant ce petit bout de rien ! Ce n’est pas une poignée de feuilles et une couverture cartonnée qui feront le poids contre cette folie meurtrière, cette spirale infernale. Garamond, 12 réfléchit à ce qui pourrait bien séduire un lecteur, mieux encore un éditeur sans offusquer quiconque.
Alors réfléchissons : si je parle d’amour, on va me trouver un petit côté fleur bleue, eau de rose, si je parle avec Je, on en déduira une autobiographie déguisée, bien que Je est un autre (ah Arthur combien tu as raison), si je change de sexe, on me soupçonnera de vouloir assouvir un fantasme, si je raconte la vérité forcément je mens, si je fais de la poésie, alors là certain ce n’est pas malin, je ne vaux rien, et si je m’aventure aux nouvelles, autant rire toute de suite de cette ligne littéraire boudée, d’ailleurs on se demande toujours pourquoi.
Garamond, 12 se désole, même si il fait le bon choix, il connaît son destin, au fond d’un tiroir, sur une pile ou une autre, mais jamais sur un rayon d’une librairie, d’ailleurs elle est aussi victime de cette affreuse vermine, les libraires se meurent, se font lâchement abattre et personne ne lève le petit doigt.
- Je rêve d’être libraire !
- Mais oui Garamond, 12 c’est une très bonne idée ça ! Et si tu étais libraire, Garamond, 12 ! Une ou un ?
- Hmm voyons, je pourrais être femme et faire vibrer les messieurs qui naïvement désireraient comme par hasard ce petit livre là-haut très haut perché pour qu’un nouveau paysage se profile dans les pages de Garamond, 12 !
- Ben voyons Garamond, 12 tu n’as pas honte de tenter ainsi le lecteur, crois-tu que je fais dans le registre du porno ! Hors de question, tu m’entends, même si, pour sûr ce petit livre coquin se vendrait certes sous le manteau mais il se vendrait…
- Sans histoire, ni sens, ni tête, ni genre, ni style, quelques mots rutilants, alléchants, et l’affaire est dans le sac et la main dans la … hum !
- Tu me fais honte, Garamond, 12 ! Tu te dévergondes ! Honte à toi, te voilà aussi contaminé. Je reprends les rênes si c’est ainsi. Soit, tu es libraire, oui une belle libraire, mais qui se cache derrière son style classique, ses cheveux tirés en chignon et des lunettes passées de mode, il reste que son visage frais et rosé, son sourire et sa grâce qui se faufile dans les rayons.
- Et cette odeur de papier et d’encre mêlés qui ne peut cacher son effluve de femme en offrande, je salive déjà !
- Une femme en offrande, Garamond, 12 ? Qu’est-ce que tu vas me chercher là ? Une femme ne s’offre pas dans mes livres ! Elle se désire. Elle se conquiert, se mérite, se fait attendre, se bataille, se séduit, mais jamais elle s’offre comme une fleur à l’abeille goulue. Jamais tu entends ! Reprenons notre histoire, tu veux. Non mais tu désires que je sois édité ou pas, alors un peu de fantaisie, un peu de dentelles oui mais du respect, diantre !
- Certes de la dentelle, j’aime bien, d’ailleurs elle serait aussi vendeuse de dessous ça serait encore plus subtile, non ? Ces petits bouts de rien, si doux, si charmeurs, si coquins, si … j’ai perdu le mot !
- Si évocateur peut-être ? Alors tu choisis, vendeuse de dentelles ou libraire ! Il faudrait peut-être se décider, j’ai un livre à écrire moi !
Garamond, 12 réfléchit et décide tout compte fait autant défendre sa cause :
- Elle sera libraire en dessous de dentelles, voilà qui ravira tout le monde.
- Allons bon !
En avant tout !
- Dans tous les cas, mon cher Garamond, 12 si ton choix n’est ni le bon, ni le meilleur, il ne faut plus croire au père Noël pour espérer un succès. Mais ne t’inquiète pas tant, il y a la solution de secours, celle de l’autoédition, ou encore la mise en ligne sur un blog. Tu sais comme l’auteur américain.
- Non je ne sais !
- Oh arrête de faire l’innocent, celui qui a mis son livre en ligne et un éditeur a été séduit et même que son livre s’est vendu comme des petits pains ! Tu vois, il n’y a pas que des idiots sur terre, les internautes ont, eux aussi, leur envie de lecture et ce n’est pas parce qu’une maison d’éditions boude ton bouquin, refuse de prendre des risques que tes aventures sont vouées au silence. Tu peux compter sur moi, cher Garamond, 12 coûte que coûte tu iras vers ta destinée, celle d’être lu. Une seule condition toutefois, tiens toi à carreaux ! Sois sage, intéressant au moins pour une minorité, quelques sourires en coin, sous cape, ou jaunes, mais ne reste pas de glace par pitié. Bon je te l’accorde, un brin de folie, de coquinerie si ça te démange, un brin de poésie, de grandes passions inassouvies, de grandes désillusions aussi, un peu de romantisme, cocasse, perspicace, mais ouvre ta carapace. Espoir, je le veux, Garamond, 12…
Garamond, 12 soupire. Bien ça promet ! Quoi, je ne peux vous dire à ce moment précis du récit mais tout est entre mes mains enfin plutôt entre vos mains ! Oui, oui, faites pas le malin, livre il y a, forcément, lecteur il y a, c’est d’une évidence pas assurée certes mais probable.
Bla bla bla, et alors ça vous intéresse tout ça ? Peut-être temps de se lancer non ?
La petite libraire, s’avance nonchalante vers son échoppe, se baissant d’une façon peu commode, mais sa tenue oblige, pour déverrouiller le rideau de fer peint de mille calligraphies, toutes aussi belles les unes que les autres et de diverses tailles… oh ce n’était pas elle qui en était à l’origine mais sa vieille tante celle là même qui lui fit don de cette boutique plus que centenaire. Oh là, bien plus que centenaire ! C’est pour vous dire que c’était vieillot ! Toutefois la peinture avait été rafraîchie, redonnant un coup de fouet à cette bicoque et la devanture de bois donnait un ton chaleureux. Derrière le rideau de fer se cache de deux grandes belles vitrines et une sublime porte qui tintinnabule quand on la pousse. Avant même de pénétrer, vous abordez un siècle révolu simplement en admirant la boutique. De belles moulures roulent et tirebouchonnent tout le long du mur, la gouttière de zinc vient mourir au seuil de la rigole par une bouche béante d’un animal qu’on ne peut réellement définir, mi-dragon, mi-chimère. Et quand la pluie abondante s’engouffre dans ce long couloir et rejaillit rageuse et rieuse en petits soubresauts, éclaboussant les pieds des passants, ça fait toujours sourire la petite libraire.
- Garamond, 12 inutile de t’attarder sur tant de détails, puisque ta vie s’écoulera sur une étagère coincé entre deux autres G, note que c’est un bon point, peut-être près d’un H, hallucinant. Avec un peu de chance, tu seras quelques jours durant sur le présentoir face à la porte afin que l’acheteur potentiel ou compulsif se jette sur toi, dès le seuil franchi. Oh n’aie crainte, il t’aura vite reposé quand il aura parcouru les quelques lignes, rien ne le disposera à déroger à son menu habituel. C'est-à-dire un bon roman, bien fait, bien rondement mené, tout en finesse avec un titre tapageur qui souvent n’a aucun rapport avec l’histoire. Juste une tactique pour appâter le goujat qui oserait passer son chemin sans avoir pris la peine de lire au moins le résumé. Ou bien même, il passera devant toi sans te voir, tellement son regard avide cherchera la dernière gourmandise vantée un peu partout dans le cercle des littéraires.
- Ne fais pas cette triste mine, mon petit Garamond, 12 si ça peut te rassurer c’est le cas de bien de tes congénères.
- Et bien justement, j’ai envie d’avoir une belle librairie et une jolie libraire qui saura me prendre délicatement, me toucher avec douceur, et quand ses petits doigts fins tourneront mes pages je frissonnerai de plaisir, alors que sa lecture sera interrompue par un client, délicatement elle déposera un marque page parfumé entre mes feuilles, me tiendra tendrement entre ses mains si douces et chaudes pendant qu’elle lèvera la tête rêveuse comme avec regret de me quitter un bref instant. Souriante pourtant, elle accueillera cet homme svelte qui comme par hasard lui sourit de toutes ses dents.
- Non mais je n’y crois pas Garamond, 12 déjà tu insinues une histoire d’amour dès tes premières pages. Pas très original tout cela, mon petit ! Tu crois que ta petite libraire résistera au premier passant juste entré par curiosité ! Oui forcément la devanture ne laisse pas de marbre surtout pour le premier touriste sillonnant les rues de cette petite bourgade.
- Touriste, touriste, pas si touriste que ça, le petit Julien.
- Comment Julien ! Tu ne vas pas nous refaire « le rouge et le noir », quand même ? Garamond, 12 vraiment tu me déçois.