gare !
Sylvie Palados
Le couloir s'étirait sans fin vers une indicible noirceur. La musique s'estompait dans le silence brut, comme un parfum léger glissant sur l'air. Puis les notes s'éteignirent et ne resta que le néant !
Le jour approchait laissant filtrer ses rayons sous les porches. Les jeux de lumière, virant du jaune au blanc, nuançaient le ton de pierres usées par les ans. Les alcôves abritaient de multiples secrets que même le jour ne pénétraient pas ! Le temps pouvait continuer de passer dans ce couloir immense, il coulait telle une rivière sans pouvoir réchauffer ces murs inertes. Pourtant il fut une époque où la beauté de ces pierres montrait l'admiration de leurs décors chatoyants. Les ocres lourds s'auréolaient de dorures ornées de cyan. Du tape-à-l'oeil qui avait bon temps à ce moment-là et avaient le mérite d'agrémenter l'austérité de arcs romans. La foule incessante faisait écho dans ce décor baroque. Les yeux et les sens s'agrémentaient l'un l'autre comme un spectacle unique.
Pas de répit cependant dans ce tunnel sans fin, pas de mesure du temps non plus. Seuls les nuances chaudes du jour laissaient place au blanc blafard de la nuit. Et le silence alors ! Nenni, toujours un brouhaha incessant, certes moins fort, plus retenu faisait place la nuit au fracas du jour, mais nul silence ne passait là.
Alors pourquoi s'appesantir sur cet endroit indiscret ! Pourquoi vouloir toucher ces pavés violentés par des pas innombrables, pourquoi s'attacher à ce lieu bourdonnant ?
Et pourquoi pas ! Ne doit-on porter attention qu'à la beauté des astres, la démesure de l'océan ? Ne peux-t-on admirer dans une pureté brute un lieu aussi commun qu'un couloir. Observez vos pas et arrêtez-vous deux secondes en levant les yeux vers les voutes. Ne voyez-vous pas alors une splendeur oubliée ? Touchez ce mur froid que la main a gravé, sentez le grain qui se réchauffe sous vos doigts. Si la pierre pouvait vivre elle vous raconterait ces siècles qu'elle a traversés. Si la main de l'homme ne l'avait pas défigurée elle vous montrerait ses fresques effacées.
Alors faites-là revivre ne serait-ce qu'une fraction de seconde. Une seule. Mais pas n'importe comment, ni n'importe quand. Uniquement le soir ou la lune ne se lève pas. Uniquement dans le milieu de cette nuit où les ombres envahissent les arches. Seulement là le vacarme s'éteint laissant place au bruit de la pierre. Seulement là le couloir soudain respire, prends vie dans un silence léger. Seulement là une musique indicible suinte des pierres. Ce hall n'a plus de gare que le nom !
Ce couloir danse sur les ombres de ces arches, emmenant ces dernières vers une luminescence brumeuse, tintinnabulante ! Ombres ondoyantes musicales, qui n'aspirent qu'à se libérer. Un air léger et frais s'éparpille soudain, caressant les arches presque avec amour ! Il traine alors dans son sillage une musique qui enfle, puis se cache. L'entendez-vous soudain, surgir de partout puis disparaître dans un souffle fleuri ! Elle se joue de tout l'espace d'un instant, puis....
Le couloir s'étirait sans fin vers une indicible noirceur. La musique s'estompait dans le silence brut, comme un parfum léger glissant sur l'air. Puis les notes s'éteignirent et ne resta que le néant !
Merci a vous. les pierres parlent ... qui en a doute ?
· Il y a plus de 12 ans ·Sylvie Palados
Un beau texte, ou l'auteur s'interroge sur la vie passée des murs, de la pierre vivante, mais, sous terre existe aussi des murs car au fil des centaines d'années, la nature reprend ses droits et nous reconstruisons dessus, comme pour effacer le passé, voir l'avenir, mais celui-ci aussi s’effacera! Et pourrons t-ils reconstruire dessus nos descendants?
· Il y a plus de 12 ans ·Yvette Dujardin
J'aime ce texte, comme ces endroits que la main de l'homme a crée et que les passants pressés ne voient plus !
· Il y a plus de 12 ans ·nilo