Gare du Nord, en attendant le train.

Mat J

Le spectacle des voyageurs vu de la table du café de la gare.

A mesure que les gens, valise en main, défilent, les trains entrent en gare. Chacun à son poste, la gare prend vie à une vitesse continue. La Voix rythme les battements des panneaux d'affichages qui résonnent comme une envolée d'un troupeau de papillons. Les gens suivent les indications d'un pas déterminé et embarquent dans la bête de fer ou attendent leur affiliation au bord d'une table. Un groupe d'hommes d'affaires marche sereinement vers leur futur, plus loin c'est un voyage scolaire qui attend dans l'excitation, et le croise une famille étrangère en séjour sur Paris. Les petits chinois du stand de café s'en donnent à coeur joie, le sourire toujours caché derrière leurs lèvres, tandis que des filles roms tentent d'amadouer les touristes perdus dans le flux de la gare. 
Tout se croise: voyageurs, contrôleurs, voleurs, regards, et même le café et le lait. Ne jamais boire de "lait au café" en gare… La fille de la table d'à côté n'a pas l'air atteinte de toute cette mascarade; son portable se charge de l'en détourner. Seize heures trente. Son gobelet s'est empreint du rose de ses lèvres pour rayonner à son tour dans l'atmosphère terne que projettent les parpaings grisâtres. Au son des sifflets, les marches s'accélèrent. Les vieux de la table d'en face abandonnent brusquement leurs gobelets à moitié pleins et tirent difficilement leurs valises qui tressautent à chaque pas. Personne ne s'en soucie puisque personne ne les regarde. Mais tout le monde les voit. Tout le monde se voit, en réalité. Les petits chinois me voient, je vois les filles roms, elles voient les vieux qui voient les trains et les contrôleurs, et les pigeons indésirables. Mais on ne se regarde pas, les regards fuient, et on ne retiendra que les chiffres qui défilent sur les panneaux d'affichages. Et la Voix anonyme. Dans cette course effrénée contre le temps, le café servi par les petits chinois est un plaisir coupable, un instant en or. 

A présent, je dois courir si je ne veux pas rater mon train. 


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