Glamouronautes
Eric Varon
«…Elle ferma les paupières quand les lèvres de l'homme s'écrasèrent sur les siennes. Un sursaut l'anima en percevant la raideur brûlante qui se tendait irrésistiblement contre son ventre. Il la prit par la taille, la souleva entre ses mains puissantes et se plaça de telle sorte qu'il l'empala littéralement en la laissant tomber sur lui. Elle exhala un cri rauque sous la plénitude du mâle qui la comblait entièrement… »
Refermant le livre, elle esquisse une petite grimace comique qui tourne au tragique « du porno d'avant-guerre, avant la guerre du Golfe »
« J'y suis pas encore toute nue dans la chambre rouge avec les menottes. Ta cravate tu peux te la garder ». Elle tire la langue en direction du tenancier du sex-shop en sortant, lui découvrant son sein droit dans une tentative de protestation Femen. Comme d'habitude celui-ci fait son examen de conscience en se demandant s'il doit s'engager dans la Légion ou seulement arrêter la vodka à jeun, pour éviter d'avoir des hallucinations comme cette fille qui vient de lui tirer la langue.
Je suis mortellement bien glissé entre son haut de bikini et sa peau dorée. Je ferme mon absence d'yeux. Je revois notre première rencontre. Dans une boutique de Saint-Germain. Son regard voilé de longs cils noirs s'est posé sur moi. Il faut dire que je suis rose, avec un petit chat blanc peint sur ce qui me tient lieu de fesses. Elle m'a soupesé et gratté le ventre. Mon large écran tactile l'a séduite, elle m'a longuement caressé. « Toutes les commandes au doigt! » a dit le commerçant, la formule a amené un sourire sur ses lèvres d'une jeune beauté cruelle, gourmandes, tendues d'un beau sourire amer, « au doigt et à l'œil, si les garçons pouvaient être comme ça et apprendre à se servir de leurs dix doigts». J'ai chaviré de bonheur entre ses longues mains fines et sans pitié qui n'admettent pas la moindre hésitation, la plus petite résistance.
Maintenant elle va pieds nu sur le sable il y a l'odeur de la pinède l'odeur du vent marin, de l'ambre solaire. Pour moi c'est une géante, elle a dix-sept ou dix-huit ans et je lui arrive à la cheville en me mettant sur la pointe des pieds. Elle porte un bikini. Elle me glisse entre sa peau dorée et parfumée d'ambre solaire, d'eau de mer de soleil et de sable, sous son slip rouge vif juste sous l'élastique. Je suis devenu son principal sex-toy à cause de ma fonction vibreur, qui éveillerait une morte à la sensualité, avec mes contractions trépidantes, mes ondulations de tout mon être, petit lutin possédé par la fleur coloré qui s'allume en elle, quand je me démène contre son ventre poli et doré comme les blés. Je suis définitivement bien dans cet abri humain. Soudain elle s'allonge sur le sable sous un pin. Je suis saisi d'admiration pour la finesse de sa peau, la liberté de ses longs cheveux, et épouvanté par les soubresauts de son corps qui se tord sur les aiguilles de pin dans une transe Vaudou. Elle vient d''apercevoir un jeune garçon sur sa planche de surf. Il se détache sur le bord de l'horizon devant une longue suite de nuages, irradiant une vapeur clair et transparente, dans sa chevelure décolorée par le sel de la couleur d'un feu pâle. Autour de sa planche de surf se formait un très bel arc composé de deux couleurs, d'un jaune clair, et d'un vert qui tirait un peu sur le bleu. Cet arc se réfléchissant dans la mer faisait un cercle parfait d'une beauté extraordinaire. « C'est ouf quand même dit-elle, si beau et si crétin frisé». Ensuite elle se calme et remarque que j'avais vibré avec elle de tout mon petit corps rose bonbon et elle me dit « c'est bien maintenant, il me faudrait un coca ! ». Je demeure interdit comment trouver un coca sans argent, elle n'en a pas plus que moi nous n'avons que son maillot de bain son paquet de clopes, mon écran tactile et nos jeunes corps souples et brûlés par le soleil, nous rattachent à la civilisation puérile et honnête. J'ai le numéro du barman du bistrot de la plage enregistré dans mon carnet d'adresses. Depuis l'ombre des pins, j'observe, un gros homme en chemise hawaïenne qui passe commande et va ensuite aux toilettes. J'appelle et murmure avec ma commande vocale la plus humaine qui soit :
« Je veux un coca, est-ce que vous pouvez l'apporter sous la pinède pendant ue je suis aux toilettes ? ». Tandis que le type s'enferme, le serveur dépose un coca avec une paille sur la table, près de nous. Mon cœur défaille de joie. Rapide comme l'éclair, je bondis dès qu'il a le dos tourné et je reviens triomphalement avec ma boisson embuée et surmontée d'une paille rouge vif. Ils ne sauront jamais si c'est un renard ou un coyote qui a fait le coup. Elle me voit et me sourit, « tu es rapide et malin me dit-elle en passant sa main sur mon écran tactile, tu seras mon preux chevalier ». Elle boit son coca et me dit « va chercher une pelle pour enterrer les traces. Enterre aussi la bouteille c'est une pièce à conviction. Il y a nos empreintes digitales dessus ». Quelles empreintes digitales ? Pas les miennes, enfin bon je ne discute pas.
Sur la plage il y a des surfeurs à la recherche de la plus belle vague du monde, monstre marin archaïque sortie de l'aube de la création. Ils sortent d'un van. Alors il voit cette vague qui vient vers eux et sur cette vague nous sommes elle et moi, sur notre planche d'amour, nous dansons une danse sensuelle toute tahitienne, sur une déferlante, avec une moue sexy sur ses lèvres à elle. Nous nous étions faites belles avec une peau éclatante et un bikini rouge vif, rien à voir avec les shorts imprimés à fleurs, des garçons de la plage. Moi j'étais dans un petit étui étanche doré glissé dans le slip. L'adrénaline envahit le corps des garçons en voyant qu'ils se sont fait piquer ce spot qui leur revenait de droit. Ils trépignent sur la plage en voyant une inconsciente chevaucher l'onde, braquant leur trésor avec désinvolture et sortant du champ visuel lorsque le vent du sud souffle sur les vagues et une fraîche odeur de sel vient sous les pins avec ce merveilleux silence qui se répand dans la poésie grecque lorsque la lune se lève lentement sur la mer. Déjà au bord lointain de l'horizon la lune se lève pâle et transparente une forte odeur de mer à laquelle se mêlait le souffle clair et frais. Nous filons pieds bien écartés dos cambré sans attendre la colère des mangeurs de barres de céréales, nous sommes d'une belle couleur d'or, très bas à fleur d'eau, en position dite « regular » pied gauche en avant. Tout à coup elle se met à danser une salsa diabolique, seulement avec ses hanches et ses reins, mon appli FM branchée à fond les manettes sur l'île de Cuba. Les garçons se mettent à rêver d'amour, de sueur et de passion. Pour eux amollis par les gâteaux sucrés, et les pornos débiles, elle dégage une énergie de friction à l'eau glacée, de seins durs et tendus, un parfum solaire implacable, le désir leur brûle le larynx, danse étourdie des puissances magiques, simulacre d'éternité.
Plus tard sur le colline il y a un garçon qui est seul. Il lit un magazine de surf sur papier glacé avec des photos de vagues immenses et de nymphettes en mini-bikinis. Elle marche droit sur lui.
- C'est toi qui nous a piqué notre vague, c'était notre zone à nous !
- Je viens ici depuis que je suis toute petite et c'est la première fois que je vous vois dans ma pinède!
- Ouais on n'est là que depuis cette année, mais bon les vagues c'est trop beau quoi faut pas nous les piquer !
- Je vais pas laisser une bande de grands crétins frisés squatter la plage, tu fais moins le fiérot sans tes potes !
- Tu as de beaux seins tout tendus quand tu es en colère !
-Stop ton crédit est épuisé rejoins ta bande de morveux confits dans le sel !
De colère elle lui jette la serviette de bain qu'elle avait noué à la taille sur ses joues pour le gifler. Il plonge son nez dans le tissu et ressent une sensation qui embrase son cerveau, faisant apparaître des myriades de couleurs devant ses yeux sans réfléchir sa bouche s'écrase sur les chevilles cuivrées et douces carquois des flèches d'Eros, corps opalins, suicide réciproque d'un instant, nous fouettant le sang et l'âme subissant avec un secret plaisir l'humiliation aux pieds de celle qui rend nu et vulnérable dans l'adoration de sa hardiesse, spasme algue, paupière mi-closes attentive présence à soi qui ne renvoie qu'au songe. L'indécence précède l'essence. De son lac si doux au Niagara secret ultime mouvement d'Aphrodite dans sa fuite, oppositions vivantes, lys sombre à la racine de son ventre, séductrice divulguant des preuves d'amour qui effleurent la peau, langage de la sensualité musclée, vient le dévoilement du désir. Mais ses yeux semblent dire « je te défens de revenir à une vie passée que tu dois m'offrir, meurs d'amour ». Elle est troublée par ce garçon soudain à ses pieds, sa tristesse d'un instant quand elle a fait mine de s'en aller, l'a touchée.
Tes potes t'appellent, t'entends pas ? s'ils te voient comme ça c'est la honte pour toi !
Elle s'enfuit dans la pinède et se retourne enfin pour lui envoyer un baiser du bout des doigts au loin. La beauté de la jeune fille et sa fuite le rendent fou. Il est amoureux d'elle depuis longtemps, mais il n'ose se l'avouer. Il la rattrape, Il sourit et parle longtemps. Elle éprouve un sentiment curieux pour le garçon sa façon de la regarder son air de tristesse l'attire. Elle serre fort sa main dans la sienne. Leurs regards s'accrochent dans la pénombre de sous-bois. Instinctivement leurs lèvres s'approchent et s'unissent tendrement timidement d'abord puis fougueusement. Elle aime son air passionné, la fièvre qui monte en lui. Les mains du garçon se posent sur elle. Elle ne le repousse pas, elle aime son corps et ses caresses passionnées. La main du garçon défait son haut de maillot et embrassa ses seins avec passion provoquant en elle un véritable geyser d'émotions contradictoires. Elle se laisse faire en gémissant, laissant ses sentiments prendre le pouvoir. Elle perçoit contre son ventre la raideur de son membre. Son GPS intérieur lui envoie tout à coup un signal d'alerte, elle ne veut pas être un instrument voué au plaisir masculin, mais se prendre elle-même en main, jouer de son corps et manipuler le désir de l'autre en pleine conscience. Ses gestes son doux lui procurant des sensations tactiles affolantes. Mais elle sent qu'elle va perdre son autonomie par la longue et dure cambrure du mâle qui lui ramène en mémoire l'imagerie porno-trash, elle se dit tout bas « what did you expect » ? Il s'allonge sur elle, effleurant le corps de son sexe qu'il fait courir sur toutes les surfaces érogènes. Elle est comme ivre, elle se tord dans tous les sens sa libido connaissant une vive ascension et pourtant le double effet Kiss Cool se fait attendre elle ne sent pas l'éclosion d'un lien amoureux. Elle sent que si elle laisse la barre d'acier incandescent se loger dans la gaine humide et douce de son sexe ce sera une relation à sens unique une sorte de viol consenti. Elle ne peut contrôler ses hanches qui se reculent instinctivement, elle se relève d'un bond sa poitrine nue ressemble à un jeune animal mythologique victorieux, elle arrête le tremblement qui la saisissait, le grand souffle noir de mer, éteint le vert feuillage des pins.
- Désolé de t'avoir cassé ton coup, dit-elle. Elle vérifie que je suis dans mon étui et prend un selfie d'elle-même.
- Comment tu t'appelles ? dit-elle en se retournant.
-Jason, on peut se revoir ?
Elle éclate d'un rire libre et frais qui bouleverse la terre et le ciel et s'élève dans l'air comme un oiseau
- Enchantée, moi c'est Médée