Ballade à Vélo ou Le Vélib, ça aide à pécho

Béatrice Jarretelle

Rencontre ultra-simplifiée et sexuelle entre amateurs de deux-roues traversant la capitale

Rencontre ultra-simplifiée entre amateurs de deux-roues traversant la capitale, ça a l'air si facile que je me pince pour vérifier que je n'ai pas rêvé...

 

Un feu rouge, un petit regard en coin (ouh, il est beau, lui), un regard en coin de sa part (il a dû remarquer mon air niais). Feu vert.

 

Deuxième feu, cent mètres plus loin, on se regarde encore avec tellement d'insistance que ça s'appelle exactement dévorer des yeux. Feu vert.

J'accélère, il me rattrape, course jusqu'au prochain feu, sourire.

Difficile à expliquer, certains mecs dégagent quelque chose qui agit instantanément sur mes capteurs surpuissants. Montée d'endorphines, de dopamine, etc. Je ne sais quelle partie de mon cerveau s'active, mais je sais qu'elle s'active fort.

Une piqûre de chromosomes XY purs, en langage de charcutier on dirait "il sent le cul", mais ça, dans la bouche d'une Dame…

 Et maintenant, comment lui dire que j'ai du café chez moi ? Feu vert.

Il ne démarre pas. Moi non plus. Ca klaxonne derrière, on se regarde, il faut que je me jette à l'eau, que j'ose lui dire quelque chose, allez un-deux-trois "tu vas par où ?" 

Il me regarde, silence (pression), sourire, et il répond très calmement après dix secondes interminables "je vais avec toi". Yesss ! Médaille d'or, feu vert.

Il y a une station pour poser son Vélib' en bas de mon immeuble, "je vais là", on gare les vélos. 

Je tape le code d'entrée dans l'immeuble, sans penser à ma grand-mère ni à ma mère ni à tous ceux qui disent qu'il ne faut jamais parler à un inconnu (mais on n'a pas parlé !). Je me dis que lui-même est en train de suivre une inconnue. Sourires, on attend l'ascenseur. Feu vert.

Il me saute dessus, dans l'ascenseur, les deux mains autour des hanches avec une virilité qui exciterait une bonne sœur, on entre dans mon appartement (j'ai prié pour ne pas croiser ma voisine), il tient les rennes, recommence, m'embrasse, me touche avec ses grandes mains viriles, enfin un homme avec un Y, je commençais à en avoir marre d'être toujours à l'initiative des scènes torrides... Quoi ? Moi ? Allumé un inconnu dans la rue ?

Debout, dans le couloir de mon appartement, incroyables ces mains, à poil en deux secondes, tous les fringues par terre, ses mains sur moi, mes mains sur lui, ma langue sur lui, récupération délicate du latex dans son portefeuille (ah, tu as fait ça toute ta vie ?), je mets le latex, je remonte, il tourne, il me plaque contre le mur, lève ma jambe, et là, je me dis que "tu vas par où", c'est pertinent, comme phrase d'accroche... Feu rouge brûlant.

Debout, puis assis, puis allongés, puis dessous, puis dessus, puis derrière moi, contre le mur, puis… Toujours dans le couloir, devant la porte d'entrée. Démarrage, accélération, suite et fin, torride. Feu d'artifice. 

Trois minutes pour reprendre ses esprits et son souffle, en desserrant l'étreinte petit à petit. Il recule, se cale contre le mur d'en face, me regarde. Lui et moi trempés.

 

Long soupir et yeux écarquillés, je ne le dirai pas mais je veux te faire comprendre que c'était monstrueux, je ramasse mes vêtements, je vais lui chercher un verre d'eau, il dit merci, il boit la moitié, il me le tend. Surtout ne me demande pas ce que je fais dans la vie…

Il se rhabille, chaussures, ramasse son portefeuille, va vers la porte, me regarde, rit, j'éclate de rire aussi, il m'attrape et m'embrasse.

Je dis "enchantée", il rit et répond "enchanté", ce sera son sixième mot (je-vais-avec-toi-merci-enchanté !). Je ferme la porte. Feu vert.

W-H-A-O-U !

Surtout ne le dire à personne. À trop chercher l'amour dans les champs de coquelicots, on laisse passer la bombe de l'année... et sa flute de roseau. Je ne saurai jamais son prénom. Vive moi.

 

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